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NAPOLEON I«.
& On trouve de l’eau, de l’herbe, des arbres dans les forets; on trouve de l’eau et de l’herbe dans les déserts de la Barbarie; on ne trouve ni eau, ni herbe, ni arbres dans les déserts de l’Afrique et de FArabie. Ces déserts sont arides et nus. Les deserts d’Égypte ne sontséparés paraucune ligne naturelle des grands déserts de 1’Arabie, de la Nubie et de la Ly bie. Ils forment la partie de ces déserts comprise dans les limites de l’Égypte, possédée par des tribus qui vivent des inondations du Nil. Son étendue est de quarante å quarante-deux mille lieues carrées; la population, de cent cinquante å cent soixante mille arnes, ce qui fait 4 habitants par lieue carrée. Les déserts de l’Afrique seraient inhabitables pour l’homme s’ils ne produisaient le chameau.
« Le chameau est l’image du désert, grand, maigre, difforme, monotone, patient, mais d’un caractére sauvage et méchant quand. il est poussé å bout. II se nourrit d’ab-sinthe et de plantes épineuses. Ilreste quatre ou. cinq jourssans boire, quelquefois jus-qu’å six ou sept; mais alors il souffre. Il passe plusieurs jours sans manger; son lait, son fromage, sa chair nourrissent 1’Arabe; son crin, sa peau l’habillent et forment ses tentes. Le chameau est une bete de somme; il porte autant que trois chevaux, il marche dix-huit heures avec le repos d’une heure, c’est le navire da désert. »
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Mais l’armée n’avait aucune de ces commodités cle transport. Bonaparte songeait bien a se procurer le plus vite possible un équipement complet de chameaux pour servir au transport des malades et pour poursuivre les éclaireurs ennemis, mais rien n’avait pu etre encore pré-paré et les soldats durent souffrir toutes les liorreurs du désert. A un mal physique se joignait encore un mal moral tout aussi intense. Aucune armée n’était moins liabituée å cle pareilles difficultés que celle que Bonaparte y conduisait : c’était l’armée d’Italie. On pourrait renclre difficilement compte du dégout, de la mélancolie, du mécontentement et du désespoir général; les soldats, en effet, s’attendaient å trouver une conquéte facile å faire, et tout aussi glorieuse que celle de l’Italie; ils croyaient s’emparer d’un butin immense et voir de prfes les mer-veilles de (Orient dont on leuravait tantparlé. Mais aucun de ces reves ne se trouvait réalisé; leur ennemi était insaisissable, les liarcelait de tous c6tés, les massacrait sans pitié quand ils trainaient et fuyaient des qu’ils lui présentaient le combat. On avait peu.d’eau, point de légumes; les pastéques étaient la seule nourriture et la seule boisson. Aussi ces malheureux tombaient en grand nombre; ces maux désespéraient les troupes. On vit les généraux les plus distingués, comme Murat et Lannes, jeter leurs chapeaux brodés sur le sable et les fouler aux pieds