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NAPOLEON I"r.
quer surtout å la plus illustre d’entre elles. Il n’avait pas de temps å perdre dans la stratégie des salons; mais oü trouver l’expression de sentiments plus jeunes, plus dé-licats, plus passionnés que dans les lettres dugénéral en chef de l’armée d’Italieä Josephine?...
Comme, d’autre part, il évita presque toujours avec soinles scandales publics qui compromirent Louis XIV et déshonorérent Louis XV, et qu’il ne laissa prendre å au-cune personne étrangére au gouvernement une influence appréciable sur l’erisemble des affaires, nous pouvons réunir ici des faits se rapportant ä diverses époques de la vie de Napoléon; aussi bien, pour rappeler la pensée de Montaigne, «est-il dangereux de guetter trop longtemps et trop souvent les grands bommes aux petites choses ».
Il est certain que le lieutenant d’artillerie Bonaparte fut trés bien accueilli dans la société de Valence dés qu’il y parut. Son caractcrc avait perdu la rudesse de ses premieres années : son accent, devenu plus frangais, avait conservé une certaine cadence italienne douce et agréable; sa parole était plus souple et plus habile et toujours servie par une imagination fougueuse et variée. M. de Salvandy trace de lui å cette époque un portrait qui vise trop å, l’effet et ou l’on sent trop que ]e jeune sous-lieutenant sera plus tard Napoléon, mais qui offre dans (ensemble une analogie reniarquable avec la peinture de Grenze dont nous donnons la gravure :
« Une conversation breve et hachée, mais spirituelle, incisive, quelquefois écla-tante, fit remarquer le jeune officier corse. A cette époque, sans rien annoncer de la beauté antique que nous lui avons connuo vingt ans plus tard, et que constatent les monnaies de l’Empire, il ne laissait pas que d’avoir des traits et une expression re-marquables. Petit de taille, mais droit et svelte, il portait dans son maintien un mé-lange de décision, de brusquerie et de gravité qui empéehait de voir en lui uu jeune homme vulgäire. Son teint jaune, ses joues creuses, sa maigreur extreme avaient quelque chose d’attachant: il s’y trahissait une de ces arnes dont on dit trés bien que la lame use le fourreau. Ses airs pensifs confirmaient le témoignage de son visage. Ses discours faisaient pardonner ce qu’il y avait d’altier dans son accent, car la fierté se pardonne toujours quand on voit qu’elle s’appuie sur ce qui est de l’homme et non sur ce qui est en dehors de lui. Sa téte, beaueoup trop grosse pour sa taille, réparait ce défaut, commun du reste dans sa famille, par le plus large et le plus noble front, un æil d’aigle et une bouche qui dans la bienveillance avait un charme inexprimable, qui dans la colére avait une beauté terrible. »
Napoléon fut surtout regu å Valence, chez M“e du Colombier, avec une grande affabilité. Il raconte lui-méme que son cæur s’éprit