NAPOLEON Ior.
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(1) « Il y a de la révolte å, s’imaginer que l’on puisse se révolter, » disait avec colére la reine Anne d’Antriebe au Cardinal de Retz, å la jonrnée des Barricades.
Les complots de Ceracclii et de Saint-Régent furent les plus cé-lébres, mais ne furent pas les seuls. Napoléon. ne tenait pas d’ailleurs å les ébruiter : « Il ne faut pas, disait-il plus tard, qu’on puisse croire å la pensée de conspirer contre l’Empereur (1). »
La sureté est, comme beaueoup de choses, une affaire d’opinion. De lå le soin que prenait son gouvernement de cacher au public le travail intérieur des conspirations contre l’Etat. L’histoire s’y est méme trompée et, comme pour Richelieu, n’a connu d’abord que les complots dont il était impossible d’empécher la divulgation, soit å cause du grand nombre de leurs complices, soit paroe qu’ils avaient éclaté au grand jour.
Ceux qui étaient charges de la garde du Premier Consul étaient dans des inquié-tudes perpétuelles. C’était tantöt le projet d’une embuscade sur la route de la Mal-maison, tantöt celui d’une mine creusée sous une partie du chemin de Saint-Cloud, oü un embarras retarderait de quelques instants le passage du Premier Consul. Une autre fois, les rondes de nuit trouvaient un assassin collé contre une statue dont le piédestal touchait presque la porte-croisée du Premier Consul.
Constant raconte dans ses Mémoires que, profitant des reparations faites dans les appartements de Bonaparte å la Malmaison, des assassins déguisés s’étaient mélés aux ouvriers, et qu’au moment ou. il allait reprendre possession de ses appartements, on trouva sur le canapé oii il allait s’asseoir une tabatiére tout å fait semblable å celle qu’il portait habituellement et qui était pleine de tabac empoisonné. »
On peut rattacher aux conspirations contre Bonaparte un crime mystérieux dont on ne put jamais connaitre les motifs ni les auteurs. L’inventeur de l’éclairage au gaz, Philippe Lebon., fut trouvé, un matin de 1802, assassiné dans les Champs-Élysées. II ressemblait beaueoup au Premier Consul, et peut-étre erut-on, en le frappant, frapper Bonaparte lui-méme.
Au milieu de ces dangers incessants et vagues, lorsqu’on se sent partout entouré d’ennemis mystérieux et insaisissables, les åmes les plus fortes ne sont pas longues å se troubler et å se décourager. C’est vraiment un beau spectacle que de voir Bonaparte, en butte å toutes ces perfidies et nienacé de tant de piéges, conserver toute la liberté de son esprit, toute l’énergie de sa volonté, et, toujours égal å lui-méme, poursuivre, par l’administration, la politique et la guerre, la grandeur de la France qu’il confondait avec sa propre grandeur. Cependant il n’ignorait pas que les complots dirigés contre sa personne étaient d’au-