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NAPOLÉON I«
Ce projet ne pouvait alors avoir de suite. Mais Napoléon s’occupa tres sérieusement d’amener la domination de la France sur les Barbaresques. Il savait qu’avec de pareils gouvernements les traités étaient inutiles. Depuis la destruction de la flotte franjaise et de la flotte espagnole å Trafalgar, les beys de Tunis et d’Alger avaient repris leurs courses plus audacieusement que jamais. C’était un danger permanent pour notre commerce, c’était une honte pour la civilisation. Aussi l’Empereur, ne voulant plus qu’on s’en tint ä leur égard ä de simples mesures d’intimidation ou de représailles, voulait détruire complétement ces repaires de pirates. Le capitaine Boutin fut chargé d’explorer le littoral de l’Algérie et de choisir un lieu de débarquement (1).
« A force d’esprit et de fermeté, de courage et de finesse, dit M. Camille Rousset, malgré les obstacles de tout genre qu’il rencontra, Boutin réussit au delå de tout ce que les plus audacieux auraient cru possible. « J’ai parcouru, écrivait-il au ministre « de la marine, Decrés, ces parties de la ville oü les chapeaux ne paraissent pas, et, « tout autour d’Alger, j’ai dépassé de trois å quatre lieues les limites assignées aux Eu-« ropéens. » Riche de dessins, de croquis et de notes de touteespéce, il s’embarqua pour Toulon, le 12 juillet 1808; mais le 28, le brick qui le ramenait fut attaqué, å la hauteur de la Spezzia, par une frégate anglaise. Boutin n’eut que le temps de jeter å la mer ses dessins et ses papiers les plus importants. Fait prisonnier et conduit å Malte, il s’en échappa un mois aprés, déguisé en matel ot, prit passage pour Constantinople, et revint par terre en France. Telles étaient la nettete de ses souvenirs et la justesse de son esprit que, gråce aux notes qu’il avait pu sauver, il réussit ä faire seize grands dessins et å rédiger un mémoire dont le prix n’a été vraiment connu qu’en 1830. » Il fut, en effet, trés utile å notre armée, qui opéra son débarquement précisé-ment dans la baie de Sidi-Feruch, que le capitaine Boutin avait indiquée.
Dans les autres branches du gouvernement, on aurait des faits non moins importants & signaler : la promulgation du Code pénal, la fin de la liquidation, qui durait depuis vingt ans, des créances arriérées de la Revolution (2).
Ainsi, å l’extérieur comme å l’intérieur, Napoléon paraissait plus puis-sant que jamais. Mais il avait encore l’Angleterre å combattre et la Russie å craindre, et son caractére avait plus que jamais oublié la modération. Depuis le traité de Vienne, (Empire avait encore été agrandi; mais ces agrandissements ne l’avaient pas fortifié. Le Pape, qui, s’appuyant sur le caractére essentiellement pacifique de sa mission, prétendait rester neutre å l’égard des amis et des ennemis de l’Empire,
(1) Voir lettre å, l’amiral Decrés, 18 avril 1808, au tome XXII de la Correspondance.
(2) Il y avait å liquider pres de cinq cent mille créances, montant å, environ trois milliards, y com-pris, il est vrai, les dettes de la Belgique, du Piémont et autres pays réunis.