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NAPOLEON Ier.
dont le sceptre de Napoléon était le signe de ralliement. » Plus tard, l’Empereur eut le tort de faire du blocus un systéme, une arme, non plus tant contre l’Angleterre que contre le continent, un prétexte pour intervenir dans les affaires de tous les peuples et les soumettre å son ambition. Mais il fallait prendre garde, en effet, en disputant l’accés du continent å l’Angleterre de lui procurer autant d’alliés secrets qu’on se donnait de coopérateurs forcés au blocus, de devenir insupportable å ses al liés contraints avant de l’étre å l’Angleterre. Enfin l’Empereur fit du blocus une ressource fiscale, un moyen de subvenir aux immenses dépenses de ses guerres par les saisies et les confiscations, mais surtout par le systéme de plus en plus étendu des licences.
Ainsi la pensée du blocus Continental, qui a occupé Fesprit de Napoléon une grande partiede sa vie, a passé par trois phases differentes : mesure de représailles, prétexte de conquéte, ressource financiére. De ces trois pliases la premiére, excusable, semble conforme au droit de la guerre, la seconde peut étre difficilement défendue, la troisiéme est odieuse.
Aucune mesure ne contribua davantage å rendre Napoléon impo-pulaire, car aucune n’amenait plus de trouble dans les liabitudes jour-naliéres de toutes les classes, aucune ne faisait mieux sentir le despotisme dans les détails de la vie, aucune ne donnait lieu å plus de vexations.
« J’ai vu, dit Mme de Stael, j’ai vu, sur la plaoe publique de Genéve, de pauvres femmes se jeter å genoux devant le bücher oü l’on brülait des marchandises en suppliant qu’on leur permit d’arracher å temps aux flammes quelques morceaux de toile ou de draps pour vétir leurs enfants å la misere. » Mrae de Stael ajouté avec raison que de pareilles scenes devaient se passer partout.
Les souffrances qui résultaient trop naturellement du blocus Continental étaient souvent aggravées par la rigueur inepte avec laquelle il était appliqué. Beugnot raconte dans ses Mémoires (t. II, p. 28), qu’il vit arriver dans le grand-duché de Berg dont il était administrateur un certain M. Ture, envoyé de Paris par le gouver-nement, qui s’annonca par une recherche des marchandises anglaises. « Il regardait, un auto-da-fé de ces infames marchandises, d’abord comme tin acte fort glorieux en soi, et ensuite tres sage en économie politique. Dans l’exaltation de son zéle, il fond un beau matin sur les cotons en ballots qui se trouvaient dans le grand-duché, et les saisit en totalité, comme marchandises anglaises. Un. méchant enchanteur