LIBERTÉ DES MERS.
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qui aurait d’un coup de baguette paralysé les bras å dix mille ouvriers n’aurait fait ni mieux ni pire. Je n’en suis pas sitöt informé que je cours chez ce Turo, å qui je remontre tout le mal qu’il vient de faire. Il n’en est point ému, et m’exhibe je ne sais quelle lettre du ministre du commerce de France, M. Colin de Sussy, ou il est dit qu’il doit arriver de Cuxhaven des marchandises dans le grand-duché et qu’il ne doit pas balancer å les saisir quelque part qu’elles se trouvent. J’ai beau lui répéter que tout ce qu’il a saisi est bien marchandise anglaise, mais vendue publiquement å Francfort au nom de l’Empereur qui en a touché la valeur, que l’identité résulte du proces-verbal de vente qui donne un numéro ä chaque ballot, en relate le poids, en in-diquela forme, ennommel’adjiidicataire, et qu’enfin tous ceuxde ces ballets qui n’ont pas encore été éventrés ont regn le plomb de la douane fran?aise en sortant de Francfort et celui du grand-duché lorsqu’ils y sont entrés : le Ture convient de ces faits, mais
il répond qu’ils ne lavent pas l’origine anglaise.
Et å tout ce que peut m’inspirer ce comble de l’in-justice et de la barbarie, mon homme de répondre : « Je ne dis pas le contraire, mais cela ne lave pas « l’origine anglaise. »Je lui demande ce qu’il va faire de ces milliers d’ouvriers sans trayail, il me ré-pond que cela ne le regarde pas. »
Les faits de ce genre, et ils furent nombreux, montrent ä quels exces de tyrannie et d’injustice pouvait conduire l’application du blocus Continental. On s’explique dono que la ville de Bordeaux, par exemple, qui avait été si florissante au dix-hui-tiéme siécle et qui se trouva ruinée tout å coup
Fig. 299. — Vignette allégorique repré-sentaut la Liberté des mers; gravure de l’époque.
par le blocus, ait accueilli avec bonheur le retour des Bourbons et favorisé en 1814
la marche en avant de Wellington.
Mais quoique les fautes des uns ne détruisent pas les fautes des au-tres, il est juste de se demander si l’Angleterre a agi avec plus de souci de la justice et de la liberté. Les deux bombardements de Co-penhague suffisent pour répondre. Dans la politique de Napoléon on ne trouvera aucun acte aussi odieux accompli avec une pareille tranquillité.
L’Angleterre elle-méme avait été sérieusement atteinte par le blocus Continental; d’autre part eile avait mesuré les haines que la tyrannie commerciale et économique est susceptible de procluire. Elle avait été obligée de suspendre l’Acte de navigation de Cromwell, et ne s’en était pas mal trouvée. Elle comprit å quels dangers eile risquait de s’exposer en prétendant exercer indéfiniment une tyrannie analogue