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NAPOLEON Ier.
avait jugé que la Campagne de Russie lui offrait une occasion parfaite de realiser le projet qu’il méditait depuis longtemps. Comme l’Empereur s’éloignait souvent pour aller å la guerre, il fallait profiter d’une de ses absences pour faire croire ä sa mort, et, ä la faveur du premier trouble causé par cette nouvelle, s’emparer du gouverne-ment. Le général Malet était connu pour ses opinions républicaines, pour lesquelles il avait été disgracié, puis emprisonné. Il s’échappe, le 22 octobre au soir, de la maison de santé oü. il était détenn, se rend ä la caserne Popincourt, se fait passer pour le général Lamotte, un des officiers de la place de Paris, fait croire, å l’aide de fausses piéces qu’il a fabriquées dans sa prison, que Napoléon est mort le 7 octobre å Moscou, et que le Sénat, réuni dans la nuit, a proclamé la Képublique. On le suit. Il va å la Force, y délivre deux généraux détenus depuis quelques mois å cause de leurs relations avec les Anglais, Lahorie et Guidal, et s'en fait des complices d’autant plus dé-cidés qu’ils ne connaissent pas, Lahorie du moins, sa supercherie. Le duc de Rovigo et le préfet de police sont arrétés chez eux et envoyés ä la Conciergerie. Mais la résis-tance du général Hulin, commandant de la place de Paris, que Malet est obligé de renverser d’un coup de pistolet, trouble le conspirateur. II est reconnu et arreté. Malet était véritablement seul coupable; une Commission militaire condamna ä mort quatorze malheureux, dont douze furent immédiatement exécutés. Quelles que fussent les opinions républicaines de Malet, il est certain que les royalistes prirent une part importante ä ce complot dont ils espéraient profiter (1). Lorsque Napoléon arriva å Paris, l’émotion causée par cette tentative extraordinaire était déjå, calmée. Mais il avait raison d’étre troublé, en voyant que le pouvoir impérial n’était rien en dehors de sa personne, et que nul n’avait pensé que, lui mort, il restait Napoléon II.
Cependant Murat ne pouvait remplacer Napoléon å la tete de l’armée. Le point de ralliement disparu, l’armée acheva de se désor-ganiser. La vieille garde elle-méme, n’ayant plus l’Empereur å pro-téger, se débanda. Le 6 décembre, le froid. devint plus terrible encore; les oiseaux tombaient raides et gelés, les bommes glissaient sur le verglas, se trainaient quelque temps et tombaient pour ne plus se relever. Pendant la nuit, ils brülaient les habitations pour se chauffer; tons accouraient alors, se ruaient dans les flammes; plusieurs y pé-rissaient, et quelques-uns des survenants, attirant å eux ces corps défigurés et grillés, osaient en manger. Le 9 décembre, par 28 degrés de froid, les 40.000 hommes qui vivaient encore s’entassérent å Vilna.
(1) La veuve de Guidal demanda une pension å Louis XVIII, en représentant Guidal comme une victime de son dévouement å la cause des princes légitimes. Sur cette étrange conspiration, qui, avec de si faibles moyens fut si pres de renverser un grand empire, voir l’ouvrage de M. E. Hamel, l’article de M. Alb. Duruy (Revue des Deux-Mondes, Ier février 1879, et aussi la Derniére Conspiration de Barras, de P. Bosq).