Ornementation Usuelle
De Toutes Les Époques Dans Les Arts Industriels Et En Architecture
Forfatter: Rodolphe Pfnor
År: 1866-1867
Forlag: La Librarie Artistique de e. Devienne et Cie
Sted: Paris
Sider: 418
UDK: 745.04 Pfn
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nous occuper : d’abord, une croix en filigrane d’or, semée de ca-
bochons, dont l’aspect coloré est des plus riches, puis le reli-
quaire de Saint-Avit, en argent repoussé. Sur ses côtés, cinq
arcatures encadrent des figures : le Christ et quatre apôtres; aux
extrémités, saint Avit et la Vierge. Sur le toit, au faîte duquel
règne une crête découpée, des anges s’inscrivent dans des nim-
bes circulaires. Les arêtes de cette châsse sont bordées de ga-
lons modelés avec une finesse extraordinaire.
L orfèvrerie émaillée, par sa belle exécution et le luxe tout
oriental de ses nielles rehaussées d’or, réclame aussi quelques
lignes. On ne se lasso pas de contempler ces petits reliquaires
couverts de fines arabesques et de fleurs fantastiques, laissant se
détacher en réserve des figures de saints dont les têtes modelées
en relief, sont rapportées en appliques. Des œuvres magistrales
en ce genre figurent dans les vitrines: de ce nombre sont : le
grand tabernacle triptyque de la cathédrale de Chartres, dont la
décoration émaillée couvre les parois intérieures et extérieures,
et un véritable monument : le pied de la croix de Saint-Bertin (1),
piédestal couronné d’un chapiteau à quatre personnages, ayant
pour base une demi-sphère ornée à son pourtour d’une gale-
rie à jour, sur laquelle sont assis quatre petits évangélistes qui
supportent tout l’ensemble de ce charmant édicule. Ces petites
figures, ainsi que les rares ivoires de cette époque, sont déjà bien
supérieures, comme expression et comme variété de type, à la
statuaire byzantine.
Un exemple frappant du degré d’habileté où étaient parvenus
les différents corps do métiers se rencontre dans une petite grille
en fer forgé, dont les volutes, retenues par des frettes, forment
un réseau solide de lignes courbes délicieusement compliqué.
Parmi les étoffes, nous distinguons la chasuble de saint Yves (2),
tissu violet à griffons affrontés d’or, puis une autre chasuble gar-
nie d’orfroies et bordée de perles. Ces deux étoffes, d’une ri-
chesse sévère, étaient en tout point dignes d’être destinées à des
vêtements sacerdotaux.
Cet art du douzième siècle procède évidemment, comme nous
l’avons fait voir, de l’art byzantin. Ce serait cependant com-
mettre une grande erreur de ne voir dans ses productions que des
imitations pures et simples des arts du Bas-Empire; car il possède
à un haut degré sa vie propre, il est plein de sève, et il s’est tel-
lement assimilé les procédés de l’art grec qu’il les fait se plier à
toutes ses exigences. C’est un adolescent qui, doué des plus bril-
lantes dispositions, et impatient de quitter ses maîtres pour pren-
dre possession de son initiative et de son indépendance, va nous
faire assister à un des plus grands mouvements artistiques qui se
soient produits dans l’histoire.
Le pouvoir royal, mettant à profit le grand mouvement des
croisades qui poussait vers l’Orient les chefs de la féodalité, en-
couragea l’établissement des communes et restaura l’organisa-
tion municipale si favorable au développement des arts. Toutes
ces municipalités nouvellement affranchies, véritables républi-
ques ne relevant que du roi de France, voulant affirmer leur au-
tonomie, se mirent à construire de grands monuments. Chacune
d’elles eut bientôt ses maîtres ès œuvres, ses tailleurs d’images,
ses orfèvres, ses charpentiers, ses forgerons: tous ces artistes,
rejetant les traditions monacales, trop étroites désormais pour
eux, s’adressèrent à la nature, en étudièrent les lois et créèrent
un art de toutes pièces, qui pût se prêter à toutes les hardiesses
(1) Publié dans les Anna/es archéologiques.
(2) Nous publierons prochainement cette Chasuble,
de leurs conceptions. Il se forma de cetto façon, dans tous les
grands centres, autant d’écoles qui initièrent aux jouissances ar-
tistiques toutes les provinces et tous les rangs de l’ordre social.
La première conséquence de cette révolution fut d’introduire
dans les arts l’élément dramatique. Nous allons pouvoir admirer
devant les beaux ivoires des treizième et quatorzième siècles,
devant les diptyques et les triptyques surtout qui la plupart re-
présentent des scènes de la Passion, le sentiment délicat avec
lequel ces imagiers surent rendre la vérité du geste, l’expression
et le caractère des personnages, leur facilité à traiter les sujets
les plus différents, et aussi le style, la grandeur et la grâce dont
ils revêtirent le Christ, la Vierge, les anges et les saints.
Arrêtons-nous un instant devant cette Vierge couronnée, tenant
l’enfant Jésus sur son genou gauche. Il est impossible de rendre
plus finement le sourire maternel et la grâce enfantine. Une autre
merveille d’expression est cette figure d’homme en ronde-bosse,
fragment de quelque scène do l’Évangile, agenouillé dans l’atti-
tude du plus profond recueillement ; la tête modelée avec une
habileté consommée est pour ainsi dire vivante. Rappelons aussi
cette petite statuette en bois représentant saint Jean au pied de
la croix, que tout le monde connaît, et dont l’expression de dou-
leur vous émeut, pour peu qu’on la considère attentivement. Di-
sons aussi quelques mots de deux groupes en bois du quinziéme
siècle : l’un, peint et doré, montre la Vierge et sainte Anne as-
sises dans une niche à arcature surbaissée, l’autre la résurrection
de Lazare ; ce dernier pousse la vérité de l’expression jusqu’au
réalisme.
Les objets les plus usuels attestent la diversité et les ressour-
ces de composition de.ces artistes, que l’on a voulu si longtemps
faire passer pour des barbares. Tels sont ces deux couvercles de
miroir sur lesquels chevauchent un châtelain et sa dame, l’éméril-
lon au poing, et suivis de leurs chiens et de leurs varlets ; tel aussi
ce peigne double, dans le champ duquel deux chevaliers se pré-
cipitent l’un sur l’autre la lance en arrêt.
Les orfèvres se signalèrent des premiers dans la voie nouvelle
et produisirent les compositions les plus originales et les plus di-
verses, en se faisant une loi invariable de ne jamais s’écarter un
instant de la destination rigoureuse des objets, et en mettant de
côté tout ce qui dans la décoration ne pouvait se prêter à une
exécution consciencieuse et rationnelle. Ce fut du reste à ces
deux principes que se soumirent tous les corps de métiers, et
c’est à l’observation constante de ces règles qu’il faut attribuer
les qualités de style que nous sommes étonnés de rencontrer
dans leurs œuvres. Les calices, les châsses, les montrances, les
reliquaires, en grand nombre dans la section qui nous occupe,
seraient tous dignes d’une étude spéciale. Contentons-nous de
mentionner les pièces les plus importantes.
A. DeLaRocque, architecte.
( La suite au prochain numéro.')
Le défaut d’espace nous oblige à couper brusquement l’article
qui précède. L’abondance des matières nous a de même empê-
chés de donner aujourd’hui la Peinture sur verre de M. Eug.
Oudinot. La suite des deux paraîtra dans le plus prochain nu-
méro. (Note de la Rédaction.')
R. PFNOR, Propriétaire-Directeur.
Paris. — Typ. Rouge frères, Dunon et Fresné, rue du Four-St-Germain 43,