L'exposition De Paris 1889
Troisième & quatrième volumes réunis
År: 1889
Forlag: A La Librarie Illustree
Sted: Paris
Sider: 324
UDK: St.f. 061.4(100)Paris
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ers
L’EXPOSITION DE PARIS
fermés dans ces couveuses bien au chaud avec
une aération suffisante : on les en tire pour les
alimenter, et on les y remet, jusqu’au jour où
ils se trouvent dans les conditions de vigueur
du nouveau-né normal. C’est là une conquête
moderne. Mais le moderne n’est point seul re-
présenté ici; le passé s’y trouve, et sous des
formes bien intéressantes.
Voici d’abord de quoi intéresser les mères
surtout. A vrai dire, ce n’est point du domaine
de l’assistance ou de la charité, mais de celui
de l’amour maternel; mais affirmerait-on que
ce dernier soit étranger au développement des
premières? Non, évidemment, et la relation qui
les unit nous permettra de dire quelques mots
ici de l’exposition consacrée à l’enfance en gé-
néral. Voici une collection admirable de ber-
ceaux d’enfant, autrefois ou encore employés
en diverses parties de la France. Il en est de
bien simples, assurément, de petites caisses en
bois blanc, grossièrement assemblées, mais il
est aussi des berceaux exquis, sculptés, ajourés,
tournés, harmonieux, et d’une élégance parfaite.
Voyez surtout ces berceaux bretons et auver-
gnats en chêne ou noyer; comme le travail en
est élégant et sobre à la fois! Quelles joliesjar-
dinières on en ferait, pour une antichambre ou
une salle à manger ! A côté de ces berceaux,
voyez aussi la variété des objets imaginés pour
guider les premiers pas de l’enfant : glissières,
chevalets et tourniquets. A vrai dire, il en est
qui ressemblent plus à des instruments de tor-
ture qu’à autre chose : ces tourniquets en par-
ticulier dans lesquels l’enfant est pris dans un
anneau et pivote autour de l’axe qui retient
celui-ci, et ces glissières en bois lourd que le
bébé doit traîner avec lui pour se déplacer.
Pour des enfants qu’on veut bien laisser s’ac-
coutumer à la station verticale qui est la carac-
téristique de notre espèce, sans encore le laisser
marcher, voici d’autres appareils : des caisses,
des paniers ou de véritables troncs d’arbres
évidés : on y met l’enfant, il s’agite et se
démène dans son urne, mais ne peut avancer.
Et puis voici le costume. Quelle variété dans
la coupe et la forme! quelle variété dans ces
petits bonnets, le plus souvent si jolis et élé-
gants dont on recouvre la tête duvetée du jeune
être; quelles différences dans les procédés selon
lesquels on l’emmaillotte — en différents lieux,
et à différentes époques — et comme cette
exposition est intéressante !
Mais voici autre chose ; c’est un modèle —
ancien, authentique — du tour d’autrefois, où
les mères désespérées, se résignant à n’êlre
point mères, venaient déposer le nouveau-né,
pour le confier à des mains charitables. On peut
voir, à côté, de ces anciens registres d’enfants
trouvés, renfermant le procès-verbal de dépôt
et auquel on a joint, quand l’enfant était
vêtu, un échantillon découpé dans chacune
des parties de son vêtement; souvent aussi,
on a transcrit les quelques mots que la mère
avait joints au petit paquet vivant : un adieu,
un cri de douleur, une dernière velléité de
maternité qui se traduit par l’indication du
nom que cette mère veut donner à son fils.
« Vous le nommerez Robert », peut-on lire sur
un de ces procès-verbaux. On les voudrait tous
voir et feuilleter, tant ces pages jaunies et grif-
fonnées renferment de documents humains, poi-
gnants et sincères, et tant ils rapprochent le lec-
teur du drame qu’ils content. Voici encore une
médaille coupée qu’une mère avait attachée au
cou de son enfant, par un brin de cordon noir, afin
de ne point se tromper quand elle viendrait le
chercher pour le garder avec elle. Comme tant
d’autres, elle n’est point venue. Une autre mère
demande une nourrice saine pour l’enfant, « car
elle est née d’un père et d’une mère sur lesquels
on ne doit éprouver aucune crainte ». Amour-
propre et amour maternel mélangés. Telles
autres ont épinglé sur les vêtements de l’enfant
une carte à jouer, un ruban, des croix, des mé-
dailles, des verroteries. Puis, voici le costume
des enfants trouvés — voyez entre autres celui
des enfants rouges (xvie siècle) : il n’est point
laid; — les outils à immatriculer, les bonnets,
les chaussures. Mais, c’est ici de l’histoire
ancienne : revenons au moderne, malgré l’in-
térêt poignant de ces vestiges du passé.
Nous venons de voir comment la société a
tenté de se substituer à la mère quand celle-ci
se dérobe à ses devoirs. Dans beaucoup de cas,
cette mère d’occasion est incontestablement
préférable à la mère selon la chair : elle a des
ressources dont ne dispose point cette dernière,
et elles sont surtout apparentes dans le cas où
l’enfant a besoin de soins particuliers. Voici une
de ces mères de rencontre, voici l’œuvre des
Hôpitaux marins, destinée à fortifier les petits
mal venus, les scrofuleux, les mal nourris,
ceux que les vices des parents ont voués à une
misère physiologique presque incurable. Conçus
dans l’ivresse, peut-être, en un galetas cher à la
faim et au froid, par des parents épuisés, mal
vêtus, peu nourris, élevés dans une atmosphère
malsaine où la fumée et les émanations humai-
nes remplacent trop l’oxygène de l’air, ils
rappellent les plantes étiolées. Pour en faire des
créatures normales ou moyennes, il faut agir
fort et vite : chaque heure, durant cette phase
capitale de la vie, a une importance incalculable
pour l’existence entière. Ce que l’on a trouvé de
mieux encore, c’est la mer et la campagne : de
l'air pur, de la vie en plein air, de l’exercice,
de la nourriture saine et abondante. C’est à leur
fournir ces éléments que travaillent différentes
œuvres, en tête desquelles je vois ï’QEutre
nationale des Hôpitaux marins.
Cette œuvre a pour but de créer des établis-
sements au bord de la mer, pour le traitement
des enfants scrofuleux et tuberculeux. Actuel-
lement, il y a douze de ces établissements en
France, à Banyuls, à Arcachon, à Pen-Bron, à
Berck, à. Capbreton, à Cette, à Nice, à Cannes,
à Hyères, etc. On ne saurait trop les multiplier,
et j’ajouterai qu’il sera bon de créer aussi des
établissements à la campagne : l’air des champs
vaut souvent celui de la mer. A côté de cette
œuvre, citons encore les dispensaires Isaac
Pereire, Ruel, Furtado-Heine, Gibert (auHavre),
qui ont pour but de traiter les enfants et même
de les nourrir. Ce dont ils ont le plus besoin,
ces pauvres petits, en fait de médicaments, c’est
une bonne alimentation. Mais dans bien des
cas, il leur manque autre chose encore, les
soins moraux, l’éducation du cœur. Ils n’ont que
de mauvais exemples sous les yeux : il s’agit de
sauver leur moralité. Ici encore, la charité a
ouvert ses bras. « L’Union française pour la
défense ou la tutelle des enfants maltraités ou
en danger moral », fondée par Mmc Caroline de
Barrau, une femme de grand cœur, morte de-
puis, se charge de les rechercher et de les pro-
téger. Je citerai encore, dans le même ordre
d’idées, la Société de charité maternelle, la
Société protectrice de l’enfance de Marseille, la
Société pour la propagation de l’allaitement
maternel.
Mais je ne puis tout citer. Et d’ailleurs, com-
bien n’existe-t-il pas d’institutions de môme
ordre, qui ne sont point représentées ici? Il ,
faut dépenser de l’argen: pour exposer, et
beaucoup préfèrent le garder pour leurs pro-
tégés; on les connaîtra moins que leurs sœurs
plus fortunées : qu’importe? les déshérités sau-
ront toujours où les trouver, et cela seul les
intéresse.
La charité a mille bras : on ne peut les aper-
cevoir tous à la fois. Je ne puis cependant
oublier de signaler aux visiteurs la très inté-
ressante exposition que renferme le Pavillon
de la Ville de Paris, relative aux établissements
d’assistance publique dont elle dispose. Ils sont
au nombre de 117, et parmi ceux-ci l’École d’A-
lembert, consacrée aux enfants moralement
abandonnés, — d’Alembert, on se le rappelle,
était un enfant trouvé, et il était assez naturel
de donner son nom à un établissement de ce
genre, — l’École d’Alembert, disons-nous, et
l’École de Montreuil, la première pour garçons,
la deuxième pour filles, nous ont vivement in-
téressé. On peut voir, à la Ville de Paris, une
collection très variée et nombreuse des objets
confectionnés par les élèves qui reçoivent dans
ces écoles des éducations évidemment fort bien
comprises. Tous les métiers s’y enseignent, à
peu de chose près, et nous avons remarqué
d’intéressants travaux de mobilier, guillochage,
vannerie, verrerie, broderie, porcelaine, etc.
C est là de l’assistance bien comprise, de la
charité intelligente. — La société ne peut mieux
faire, pour l’être que sa famille a repoussé et
qu’elle abandonne sans ressources, que de le
mettre en état de vivre par lui-même, par son
labeur et avec dignité. C’est là du socialisme
de bon aloi, auquel chacun applaudira sans
réserves. Du reste, à ceux que la question inté-
resse, je recommanderai la lecture da con-
sciencieux rapport que M. Thulié a consacré
aux Enfants Assistés de la Seine. C’est une belle
œuvre, et qui traite de sujets qui ne peuvent
laisser personne indifférent. Dans ce travail,
qui a été composé et imprimé par les élèves
de l’atelier typographique de l’École d’Alem-
bert, le lecteur trouvera un historique com-
plet de la question des enfants assistés de toute
provenance — des chiffres, des statistiques, et
de très bons documents sur les œuvres d’assis-
tance publique qui s’occupent du sort de ces
enfants. L’on trouvera fort intéressant, en
particulier, le chapitre consacré au projet de
colonisation algérienne pour les enfants assistés.
Il y a là l’indication d’une voie nouvelle et
excellente, et l’on ne saurait trop faire pour
conserver l’existence des enfants abandonnés
et en faire des membres utiles de la société,
au moment où la dépopulation française fait
d’aussi alarmants progrès.
Sans sortir de l’enceinte de l’Exposilion,
nous venons de voir comment la charité protège
l’enfance physiquement ou moralement aban-
donnée ou maltraitée : il nous faut examiner,
maintenant, comment elle vient en aide à l’in
firme, au malade, au vieillard.
Henhy de Varignx.
liste officielle
DES
MEMBRES DU JURY DES RÉCOMPENSES
de l’exposition universelle de -18891
CLASSE 13
Descombes, professeur au Conservatoire na-
tional de musique et de déclamation.
1. Voir les n08 22 à 45,