76
NAPOLEON I".
«Je fus étrangement surpris åson aspect. Rien n’était plus éloigné del’idée que mon Imagination s’en était formée. .T’apercus, au milieu d’un état-major nombreux, un homme d’une taille au-dessous de la taille ordinaire, d’une extréme maigreur. Ses che-veux poudrés, coupés d’une maniére particuliére et carrément au-dessous des oreilles, tombaient sur ses épaules. Il était vétu d’un habit droit boutonné jusqu’au haut, orné d’une petite broderie en or tres étroite et portait å, son chapeau une plume tricolore. Au premier abord, la figure ne me parut pas belle, mais ses traits prononcés, un æil vif et inquisiteur, un geste animé et brusque décelaient une åme ardente, et un front large et soucieux, un penseur profond... Il traversa les piéces qui précédaient le lieu ou il m’avait regu et donna quelques ordres å ses aides de camp, Murat, Lannes, Junot, et å d’autres officiers qui l’entouraient. Tous se tenaient devant leur général dans une attitude pleine de respect et, pour ainsi dire, d’admiration. Je n’aper^us entre lui et ses compagnons d’armes aucune de ces marques de familiarité que j’avais obser-vées ailleurs et que favorisait l’égalité républicaine. Déjå il avait marqué sa place et établi les distances. »
Au milieu de tant de gloire, Bonaparte était soucieux ; il avait deux préoccupations bien differentes, J’une qui intéressait son cæur, l’autre son ambition. Il était fort irrité de (absence de Joséphine, et il savait que le Directoire avait le projet de faire occuper 1’Italic du Nord par Kellermann et l’armée des Alpes. Il avait fait part å Carnot de ces deux inquiétudes. Il avait meme offert sa demission une premiére fois au Directoire, dans une lettre trés modérée et fort cligne, qui contenait l’expression de justes griefs. Mais il disait au méme moment å un de ses amis : « Oui,mes victoires, qui les fontvivre, leurportent ombrage. Mais que l’offre de ma démission ne vons inquiöte pas, elle ne s’effectuera pas. Ils ne sont pas assez forts pour m’y contraindre. Ils se garderont bien de (accepter; s’ils l’osaient, ils souléveraient contre eux toute la France. ))
Cependant ces préoccupations n’arrétaient en rien son activité. Dés le 25 mai, il quittait Milan et se dirigeait sur le Mincio. A peine était-il en route qu’i 1 apprend que Pavie s’est révoltée et que le mouvement gagne la Campagne. La principale cause de ce mouvement était les contributions levées pour les Frangais; c’était un danger des plus graves. Il fallait arreter le mal å son origine. Bonaparte revient de sa personne avec un bataillon, trois cents chevaux, une Batterie; les portes sont enfoncées, la municipalité est fusillée, la ville abandonnée