NAPOLEON Ier.
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« Sans alliés au dehors, bouleversée au dedans par la ruine subite de toutes ses traditions sociales, privée de la plus grande partie de son ancienne noblesse militaire, la France avait besoin de trouver dans les générations plébéiennes le talent, le courage,
d’indiquer sommairement par quelles phases elle avait passé. Elle re-présentait les plus vieilles troupes de la Révolution, celles qui avaient combattu å Valmy, et qui cependant étaient les moins révolutionnaires. Leurs sentiments républicains n’étaient pas douteux, et c’était l’armée du Rilin qui devait bientot accueillir avec le moins de Sympathie l’é-tablissement du Consulat et de (Empire. Mais elle avait applaudi au 9 thermidor, tandis que l’armée d’Italie avait été, comme on l’a vu, fort irritée de la chute de Robespierre. Néanmoins, si l’on veut se rendre compte de la maniére dont se fonnérent et se développérent les armées républicaines, ce sont les armées du Rliin et de l’Escaut qu’il faut surtout étudier.
Au début, elles ne se composaient que des anciennes troupes royales; mais bientot les volontaires y affluérent. Ces volontaires comprenaient non seulement ceux qui étaient partisans du nouveau regime, mais ceux qui faisaient passer le patriotisme avant toute ques-tion politique. L’élite de ]a nation fut bientot å la frontiére. C’est ce qui explique, d’une part, comment l’armée se montra si supérieure alors au gouvernement et, d’autre part, comment de si grands excés furent pos-sibles å l’intérieur. Ceux qui se dispensaient du devoir militaire pour entrer dans les sections armées de Paris et des grandes villes n’étaient le plus souvent que le rebut de la nation. Un historien dont le témoi-gnage n’est pas suspect, Michelet, a dit : « La France ne fut pas sauvée par la Terreur, mais malgré la Terreur, )) et ce nefut pas la moindre preuve de patriotisme que clonnérent nos soldats et surtout nos officiers que la resignation stoique avec laquelle ils supportérent les cruautés absurdes des représentants du peuple envoyés parmi eux. Mais alors le patriotisme était une passion profonde qui subordonnait ou employait å son service toutes les autres passions. « Le manifeste du duc de Brunswick, dit Gouvion Saint-Cyr, dans ses Mémoires, donna la France plus de 100 bataillons qui, en moins de trois semaines, furent levés, armés et mis en route. »