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NAPOLEON I«
Jamais ce patriotisme ne fut plus pur que dans l’armée de Sambre-et-Meuse et dans l’armée du Rhin. Jamais l’abnégation ne fut poussée plus ]oin, abnégation cle tout bien-étre, abnégation de la fortune, abnégation de l’ambition et meme de la gloire. Plus encore qu’å l’armée d’Italie, on voit les grades refusés par ceux å qui ils sont offerts et qui seraient les plus capables de les remplir, mais ne s’en croient pas dignes. Jomini, comme H. de Sybel lui-meme, si souvent prévenu contre nous, renclent justice å ceux qu’on appelait les Spartiates du Rliin.
« Malgré leur misere, dit Jomini, jamais les soldats ne coururent å la victoire plus gaiement et sans commettre moins d’excés. Des volumes entiers ne suffiraient pas pour consacrer tous les actes d’héroisme ou de désintéressement qui les immortalisérent. L’histoire racontera, par exemple, avec quelle resignation de paisibles citoyens arrachés å leurs foyers, transf ormes en soldats par une loi, aprés avoir bivouaqué un mois entierdans le terrible hiver de 1794, sans bas, sans souliers, privés des vétements les plus indispensables et forcés de secouvrir avec quelques tresses de paille, franchirent les fleuves glacés et pénétrérent enfin dans Amsterdam, sans commettre le moindre désordre. Cette cité, fameuse par ses richesses, et qui devait s’attendre å moins de ménagements, vit avec une juste admiration des bataillons cle ces braves å demi nus entrer triomphants dans ses murs au son d’une musique guemére, placer leurs armes en faisceaux et bivouaquer pendant plusieurs heures sur la place publique au milieu de la neige et de la glace, en attendant avec resignation, sans laisser échapper un murmure , qu’on pourvüt å leurs besoins et å leur casernement. »
Depuis 1794, la situation matérielle cle cette armée s’était améliorée, et le gouvernement s’était beaucoup plus occupé de pourvoir å ses besoins qu’å ceux de l’armée d’Italie.
« Les soldats cle l’armée d’Allemagne envoyés en Italie sous le comm an dement de Bernadotte et de Delmas, mieux pourvus, mieux vetus, moins républicains dans leurs habitudes, méprisérent, dit Ph. de Ségur, la tenne méridionale, irréguliére et négligée des soldats, la plupart gascons et toujours en mou vement, de Bonaparte. On eüt cru d’abord voir deux armées étrangéres l’une å l’autre. La difference des provinces ou elles avaient été recrutées, celle des climats, des peuples, et des mæurs au milieu desquels l’une et l’autre avaient combattu, enfin l’allure des chefs qui les avaient commanclées peuvent expliquer cette dissemblance. L’humeur ambitieuse et insubordonnée de Ber-