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NAPOLEON Ier.
ment formés, pour tenter avec succés un coup d’audace. La situation était clifficile pour le gouvernement; le mieux était de le laisser livre a ses seules ressources, en face d’une Europe inena^ante, et d’une diplomatis que les derniers succés et les derniéres conquétes avaient rendue plus complexe et délicate que simple et aisée.
Tout semblait done coincider å merveille pour engager Bonaparte å. exercer son ambitieuse activité dans des pays lointains, en atten-dant qu’il put l’exercer avec fruit dans sa propre patrie. Nous étions toujours en guerre avec l’Angleterre. Nous pouvions chercher å l’attaquer chez elle, inais nous pouvions aussi la frapper plus süre-ment peut-etre au loin, dans ses possessions coloniales, dans son commerce, la menacer sur la route de Finde. Il y avait un moyen d’atteindre ce but sans sortir de la Méditerranée : c etait l’occupa-tion de l’Égypte. Sa situation entre (Orient et l’Occident, entre deux mers fréquentées depuis si longtemps, pennettait au peuple qui en serait le maitre de dominer les Indes et l’Asie, tout en s’appuyant solidement sur l’Europe et en obtenant dans un tenips relativement court tons les renforts nécessaires. D’autre part, les souvenirs glorieux de ce pays, qui a été le rendez-vous de tous les grands conquérants, son admirable fertilité, qui a survéeu å toutes les révolutions, son gouvernement actuel exercé par des beys cupides, sous l’autorité nominale de la Porte, auraient suffi pour la designer au clioix d’un jeune héros, épris de grandes idées. « Tous les génies qui ont regardé la carte du monde ont pensé å l’Égypte. » Bonaparte ne pouvait manquer de penser comme eux. On se rappelle qu’en 1795 il songeait déjå å aller å Constantinople et å poursuivre sa carriére militaire en Orient. C’est en Orient, pensait-il, que se font les grandes gloires. Ses projets s’étaient précisés pendant la guerre d’Italie, et il avait congu alors le projet d’une expédition en Égypte. Pensant bien que, malgré toutes les précautions diplomatiques, il était å craindre que l’on eüt bientot les Tures contre soi si on attaquait les Mamelouks d’Égypte, on a vu plus haut qu’il avait entreteim avec le cliel des Mainottes de Morée, qu il savait oppose å. 1’intervention russe et désireux cle former un parti national dans son pays, des relations dont sa correspondance contient le témoignage.