NAPOLEON Ier.
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nécessaires: n’osant pas, å cause des sables, faire venir son artillerie par le désert, il avait ordonné cle la transporter parmer ; de plus, comme les éclielles qu’il avait apportées étaient trop petites, il en fit faire de nouvelles. Tout semblait done combiné pour faire tomber cette ville entre ses mains; mais lå, comme a Aboukir, une sorte de fatalité sembla sejouer cle ses efforts et de ses ordres.
Djezzar pacha s’était enfermé dans la place. C’était un homme d’une énergie sauvage et qui partout autour cle lui inspirait la terreur ; voici le portrait qu’en fait Thibaudeau :
« Parmi les paclias de la Porte, était le fameux Achmet, pacha de Saide (Sidon) et de Saint-Jean d’Acre, surnommé Djezzar ou le Boucher. Cet homme féroce et entreprenant commandait, avec le titre de vizir, tout lepays situé entre Nahr-el-Keb etCé-sarée et avait une grande puissance. Il était ti la fois son ministre, son chancelier, son trésorier et son secrétaire, souvent méme son jardinier, son cuisinier et quelquefois juge et bourreau. Il avait le vétement d’tm simple Arabe et sa barbe blanche descen-dait sur sa poitrine; il portait dans sa ceinture un poignard garni de diamants, comme marque d’honneur de son gouvernement; il donnait ses audiences assis sur une natte, dans une chambre sans meubles, ayant pres de lui un pistolet å quatre coups, une carabine å vent, une hache et un long sabre. Pendant la conversation, il découpait avec des ciseaux toutes sortes de figures en papier. Dans ses antichambres, on voyaib des domestiques mutilés de toutes les maniéres; Tun avait perdu une oreille, l’autre un æil, l’autre un bras. L’intérieur de son harem était inaccessible; on ne connais-sait point le nombre de ses femmes; celles qui entraient une fois dans cette prison mystérieuse étaient perdues pour le monde. On leur donnait ä manger par un tour, et c’était par lå aussi que le médecin tåtait le pouls de celles qui étaient malades. Il tuait de sa propre main celles dont la fidélité était suspecte. Il avait alors pres de soixante ans; mais sa vigueur était encore celle d’un homme dans la force de l’åge. »
Comptant sur le secours des Anglais, il espérait pouvoir repousser les efforts de Bonaparte. Néanmoins, au bout d’un mois, manquant d’artillerie, de munitions, cle vivres, il songeait å capituler, lorsque l’arrivée de sir Sydney Smith et de son escadre changea la fortune. Le commodore anglais, en croisant dans la Méditerranée, avait réussi å s’emparer, å la hauteur de Caiffa, des vaisseaux qui ame-naient å l’armée frangaise le materiel de siége qu’elle attendait. Sydney Smith le transporta Saint-Jean d’Acre et ravitailla la ville en lui donnant des vivres, des ingénieurs, des munitions de toute sorte. Ainsi les canons frangais qui devaient réduire cette ville en cendres