DEUXIÉME BATAILLE D’ABOUKIR.
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et ]a rejettent dans la mer. 3.000 hommes étaient morts. Murat avait été aussi heureux sur la droite; sa cavalerie avait surpris l’ennemi dans un mauvais passage et en avait fait un carnage horrible. Le village d’Aboukir, quoique solidement crénelé, avait été emporté par l’infan-terie. Il ne restait plus aux Tures que le fort méme d’Aboukir, qui contenait une réserve de 3.000 hommes; il capitulait quelques jours aprés. Kara Mustapha, pacha å trois queues de la Roumclie, et tout son état-major, se trouvaient prisonniers, le rivage était jonclié de cadavres tures. La Porte ne pouvait plus opposer une seule armée å Bonaparte; celle de Rhodes avait eu un sort plus terrible que celle de Damas, car les soldats qui n’étaient point morts dans la bataille étaient presque tous prisonniers ou noyés dans leur fuite. Sydney Smith avait assisté impuissant å la destruction totale de ses alliés, et n avait pu que recueillir quelques débris de troupes sur ses vaisseaux.
Cette brillante victoire due å la bravoure cle Murat et plus en-core aux combinaisons de Bonaparte, semblait assurer la possession de l’Égypte. C’est le soir de cette seconde bataille d’Aboukir que Kléber dit å Bonaparte : « Général, vous étes grand comme le monde ». Ce nouveau succés avait frappé d une crainte salutaire tous les révoltes, et les fellahs commengaient å croire réellement le général frangais un envoyé du ciel. Bonaparte comprit tous les avantages de cette situation et il écrivit au grand vizir pour lui faire des propositions de paix.
« Grand parmi les grands éclairés et sages, seul dépositaire de la confiance du plus grand des sultans, lui disait-il, j’ai l’honneur d’écrire å Votre Excellence par l’effendi qui a été fait prisonnier ä Aboukir et que je lui renvoie pour lui faire connaitre la véritable situation de l’Égypte et entamer des négociations entre la Sublime Porte et la République frangaise qui puissent mettre fin å la guerre qui se trouve exister pour le malheur de l’un ef l’autre Etat. » Il continuait en lui dénongant les menées de Paul Ier contre lui, les ambitions de l’Angleterre, l’engageait ä armer le Bosphore et Corfou et ä ne pas sacrifier ses armées å des expéditions inutilés. « Radoubez et réarmez vos vaisseaux; reformez vos équipages, tenez-vous prét å déployer bientot l’étendard du Prophéte non contre la France, mais contre les Russes et les Allemands, qui rient de la guerre que nous faisons et qui, lorsque vous aurez été affaibli, léveront la téte et déelareront bien haut les prétentions qu ils ont déja. Quant a moi, je tiendrai pour le plus beau moment de ma vie celui ou je pourrai contribuer ", faire terminer une guerre å la fois impolitique et sans objet. »