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NAPOLEON Ier.
sacrifier å la recherche des succés populaires de mauvais aloi et s’at-tachaient simplement å faire triompher ce qu’ils croyaient la vérité, en face d’adversaires capables de saisir toutes les objections sérieuses. Aussi, quelque nombreuses qu’aient été les lois de toutes sortes vo-tées pendant la courte periode consulaire, jamais dans aucun temps, dans aucun pays, si on prend cette période dans son ensemble, les actes promulgués par le gouvernement n’ont été mieux préparés et plus sérieusement approfondis. On se figure difficilement ce que serait devenu un projet cle Code civil avec un gouvernement parlementaire. Et si le libre jeu de ces institutions peut convenir å une société déjå toute faite, ou les services les plus importants fonctionnent pour ainsi dire d’eux-mémes, il semble qu’on ne puisse en dire autant quand. il s’agit de fonder et d’organiser.
Nous avons vu que Sieyés n’avait pas tardé å comprenclre, apres le 18 brumaire, que son role actif était terminé et qu’une fbis la Constitution faite, il n’avait qu’å se retirer. C’est ce qu’il fit, suivi, comme toujours, de Roger-Ducos. Mais son alliance avec Bonaparte ne lui avait pas été inutile. Si la dignité cle sénateur, celle de grand officier de la Legion d’hoHneur et le titre de comte, qui vint plus tard s’y ajou-ter, le touchérent médiocrement, il n’en fut pas de méme de la terre de Crosne, que le Premier Consul lui fit donner avec mi million cle dotation.
Le message par lequel Bonaparte faisait cette proposition au Tribunat ayant d’abord été communiqué å Daunou, comme président de l’assemblée, celui-ci eut peur pour la dignité cle son ami. Avant la leeture officielle du message, on prévint Sieyés de son caractére : on lui représenta que c’était une manæuvre habile de Bonaparte pour le déerier, pour l’absorber, Venterrer; qu’il valait mieux faire voter la proposition å titre de récompense nationale. Mais Sieyés repartit aus-sitöt avec calme : « Et moi jé vous dis que si ga né sé fait pas ainsi, ga né sé fera pas du tout.» Ou comprit le fond de sa pensée. Le lende-main ses amis patriotes votérent contre la proposition. Elle n’en passa pas inoins comme le désirait Sieyés. Depuis lors, pendant la longue suite d’une vie qui devait le faire assister encore å bien des révolutions (il