252
NAPOLEON IOT.
écrivait ä Ræderer le billet suivant, qui donne une idée de sa simplicité aimable et spirituelle: « Vous l’avez voulu, mon eher et ancien collégue; si je fais des sottises, je vous en renverrai la gloire. J’ai trouvé dans le général Bonaparte l’impression de l’amitié qui a dirigé son opinion. Je crois qu’il ne vous dira pas encore du mal de moi, et moi je vons dirai de lui beaueoup plus de bien que je n’en croyais encore. Salut et amitié. »
Il y avait un personnage qu’on pouvait s’étonner de ne pas voir choisi å, la.place de Lebrun, c’était Daunou, qui, déjå connu par ses écrits politiques avant 1789, avait été le rapporteur de la constitution de l’an III et faisait partie du comité de constitution de l’an VIII. Mais Bonaparte, qui y avait d’abord songé, 11’avait pas tardé å voir qu’il ne pourrait longtemps s’entendre avec lui. C’était un Sieyés plus timide mais. aussi plus opiniåtre. C’était lui qu’en raison de son passé on avait chargé de donner une premiére rédaction de la Constitution d’aprés les principes généraux qui venaient d’étre arrétés avec, ou plutöt par le général Bonaparte. Cambacérés n’eut pas tort de trouver cette rédaction malicieuse et hostile, c’est-å-dire plus sou-cieuse qu’il ne convenait de restreindre, sans trop d’apparence, les pou-voirs du Premier Consul. Il proposait, par exemple, de décider que si l’un des consuls prenait le commandement des armées, il serait rem-placé par un tribun nommé par le Conseil des Anciens. C’est alors que pour mettre fin å cette petite guerre, Bonaparte réunit la commis-sion au Luxembourg et lui dicta å peu prfes ses volontés. Bonaparte eut meine å son tour la malice de prendre Daunou pour seerétaire : « Ci-toyen Daunou, dit-il, prenez la plume, mettez-vous lå et écrivez. » C’était, ajoute Sainte-Beuve, d’aprés lequel nous faisons ce récit, c’était dit de ce ton qui fait obéir.
Daunou, quoiqu’il ait servi le gouvemement de Napoléon, — dans des fonetions sa-vantes et modestes, il est vrai, qui ne toucliaient pas å la politique, — nourrit contre le nouveau regime une hostilité croissante. Il en avait le droit, car ce regime s’écartait de plus en plus des idées qu’il avait toujours défendues. Mais cette hostilité étaib accom-pagnée contre Napoléon lui-méme des préventions les plus singuliéres. On peut croire que le souvenir des premieres relations qu’ils avaient eues ensemble n’était pas étran-gére ä la persistance de ces sentiments. Daunou ne reconnaissait å Napoléon aucun mérite supérieur d’intelligeuce ni de caractére. Les circonstances et son peu de serupule