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NAPOLEON I«
M. W. Bagehot, dans son ouvrage intitulé Lombard-Street, n’ose pas avouer ouvertement que, prise dans son ensemble, (organisation de la Banque de France lui parait supérieure å celle de la Banque royale de son pays; mais au fond, il n’est pas loin de penser avec M. Thiers que, « fidéle å ses statuts, la Banque de France est devenue le plus bel établissement de ce genre connu dans le monde ».
Malgré la confiance croissante qu’inspirait ]e nouveau gouvernement, le crédit et la régularité dans les affaires renaissaient trop lentement au gré du Premier Consul. Les cours de la Bourse avaient subi des fluctuations nonibreuses et profondes. Bonaparte s’en inquiéta; il crut y voir une manæuvre d’opposition ou des variations artificielles préparées par des joueurs de mauvaise foi. Il voulut sa-voir s’il n’y avait pas un moyen de mettre un frein å cette fureur clé-sordonnée du jeu qui, en méme temps qu’elle semblait s’en prendre aux intentions memes du gouvernement, compromettait souvent de la maniére la plus grave, par des manæuvres frauduleuses, la fortune d’un certain nombre d’hommes de bonne foi et favorisait l’oisiveté avec tout le cortége des mauvaises passions qui en sont la consé-quence naturelle, aux clépens de la probité laborieuse, de Fordre et de l’économie. C’est å cette occasion que le Premier Consul entra pour pour la premiere fois en relation avec Mollien; il eut avec lui une conversation de deux heures. Les deux interlocuteurs soutinrent des avis opposés avec une égale hauteur de vues et mi méme sentiment du bien public. Bonaparte, tout å l’indignation qu’excitaient en lui les scandales récents, voulait en enipeclier le renouvellement par une répression énergique.
« Je ne veux géner l’industrie de personne, disait-il ä ce sujet; mais comme chef du gouvernement actuel de la France, je ne dois pas tolérer une Industrie pour qui rien n’est sacré, dont le moyen habituel est la fraude et le mensonge, dont le but est un profit plus immoral encore que celui qu’on cherche dans les jeux de hasard, et qui, pour le plus médiocre profit de ce genre, vendrait le secret et l’honneur du gouver-nement lui-méme, si elle pouvait en disposer. »
M. Mollien, qui, dans son voyage en Angleterre (1798) avait étudié avec soin l’or-ganisation et les mæurs financiéres de ce pays, n’était pas aussi sévére : il pensait que la liberté des transactions avait plus d’avantages que d’inconvénients. Ce que le