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NAPOLEON Ior.
la rue, quand l'explosion se fit tont ä coup entendre. La secousse fut épouvantable; la voiture faillit étre renversée; toutes les glaces furent brisées; la mitraille vint dé-chirer la fajade des maisons voisines. Un des grenadiers å cheval re§ut une légére blessure, et une quantité de personnes mortes ou niourantes encombrérent sur-le-champ les rues d’alentour. Le Premier Consul et ceux qui l’accompagnaient orurent d’abord qu’on avait tiré sur eux ä mitraille; ils s’arrétérent un instant, surent bientot ce qui en était et continuérent leur route. Le Premier Consul voulut se rendre ä l’Opéra. Il montra un visage calme, impassible au milieu de l’émotion extraordi-naire qui de toutes parts éclatait dans la salle. On. disait deja que, pour l’atteindre, des brigands araient fait sauter un quartier de Paris. » (Thiebs.)
Quarante-six maisons, en effet, avaient été ébranlées au point cl’étre rendues inhabitables. Il y avait 8 personnes tuées, plus de 60 blessées, dont plusieurs succombdrent; mais l’liomme qu’on voulait atteindre n’avait pas une égratignure.
Bonaparte, aprés étre resté quelques instants l’Opéra, revint aux Tuileries. Il crut d’abord que l’attentat était l’æuvre des jacobins. C’était d’ailleurs (opinion de la majorité du public, et cette opinion était trés vraisemblable, car, sans parler du complot de Ceracchi, on venait d’arréter un nommé Chevalier, ancien employé des fabriques de poudrede la Convention, qu’on avait surpris travaillant åune effroyable machine dans le genre de celle de la rue Saint-Nicaise. Bonaparte résolut en conséquence de prendre une niesure de rigueur extra-judi-ciaire contre ces misérables terroristes formés en bataillon contre tout im gouvernement. Un acte émané du pouvoir exécutif seul, mais auto-risé par le sénatus-consulte du 15 nivöse an IX (5 janvier 1801), fit deporter 130 individus qui formaient l’état-major du parti jacobin. Parmi eux se trouvait l’ancien général de la guerre de Vendée, l’horloger Rossignol. Cet acte inique, qui violait les garanties de liberté individuelle, consacrées par la Constitution de l’an VIII, fut, il faut le recon-naitre, approuvé par l’opinion. Il fallutprotéger les malheureux proscrits contre la foule dans leur route vers Nantes, ou ils devaient s’embarquer. An moment ou cette mesure fut prise, on pouvait se douter cléjå que ce n’étaient pas des jacobins qui étaient les auteurs du complot å l’occa-sion duquel on frappait leur parti (1).
(1) On n’en était pas encore stir. Carbon ne fut arrété que le 17 janvier. On ne peut done dire que Napoléon ait frappé le parti jacobin en sachant parfaitement qu’il frappait des innocents.