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NAPOLEON Ier.
Ses compagnons de jeunesse se le rappellent simple et méme négligé dans ses vétements, dormant peu, et, lorsque la gene vint, vivant pau-vrement, parfois aux dépens de sa santé, rien que de lait « mais sans dette aucune, sans reproche, soutenant sa pauvreté gaiement et avec noblesse et se distinguant toujours par son goüt passionné pour le tra-vail ». Dans ses divers logements, ce qu’il recherchait surtout, c’était Li tranquillité favorable å ses études : il faillit méme avoir un duel ti ce sujet.
1 activité de son esprit était extreme et se portait sur les objets les plus divers : æuvres de philosophie, d’histoire, de politique, et meine de tliéologie. Il lit tout et jette sur tons les sujets despensées originales et parfois profondes. On a conservé la liste de ses premiers tra-vaux : ce sont tantöt des notes sur Lavater, tantöt une dissertation sur Platon. Rousseau,, qui passionnait alors les esprits, ne pouvait étre ou-blié. Mais Bonaparte lui reproche sévéreinent de promettre aux bommes un bonheur impossible å réaliser. Bonaparte s’occupe aussi de recherches de médecine, de mathématiques et de physique. Il fait meine des veis et se passionné pour AVerther, ouvrage récennnent ticiduit cl un Jeune écnvain allcmand dont létranger conmiGiice ;'t s occuper. Il le lit jusqu å six fois, et, comme le heros de sa leeture, se laisse aller å la vivacite de sa melancolie. Il lui arrive meine de songer au suicide, et il refait å sa maniére le monologue d’Hamlet; on lit dans son journal la date du 3 mai 178G :
« Toujours seul au milieu des hommes, je rentre pour réver avec moi-méme. De quelcoté ma mélancolie est-elle tournée aujourd’hui ? Du coté de la mort. » Sa pensée s’apaise un instant en se reportant vers les siens, vers sa chére ile de Corse, puis il ajoute : « Quelle fureur me porte done ii vouloir ma destraction ?... Puisque je dois mourir, ne vaut-il pas autant se tuer!... Que les hommes sont éloignés de la nature, qu’ils sont vils, låches, rampants! » Les malheurs de son pays, de la Corse op-primée, furent pour lui « une nouvelle raison de fair une terre oü je suis obligé par devoir de louer des hommes que je dois hair par vertu. La vie m’est å chargé, parce que les hommes avec qui je vivrai probablement toujours ont des mæurs aussi éloignées des miennes que la clarté de la lune différe de celle du soleil. Je ne puis done pas suivre la seule maniére de vivre qui pourrait me faire supporter la vie d’oü s’ensuit un dégout pour tout. »