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NAPOLEON Im.
et son successeur a récemment, dans un acte public, jugé le Concordat presque dans les termes employés par Bonaparte lui-meme :
« La dignité de la religion fut de nouveau publiquement honorée, et les institutions chrétiennes reprirent vie; la France en recueillit de précieux avantages; les chefs de son gouvernement comprirent que, voulant fonder solidement, aprés l’ére des agitations, la tranquillité publique, la religion catholique leur serait du plus puissant se-cours; la conclusion du Concordat était done l’acte d’une sage politique. »
Mais, le traité une fois signé entre la France et le Saint-Siége, restait å le faire adopter comme loi de l’État par les pouvoirs lé-gislatifs.
Le ConseiJ d’État avait å peine dissimulé son mécontentement. Le Corps législatif, en maniére de pro testation, choisit pour président D tip uis, l’auteur de V Or igine de tous les cuttes, et ayant ä désigner un candidat pour le Sénat, il désigna l’abbé Gregoire, un des deux évéques restés attachés å, l’Église constitutionnelle. Le Sénat nomma Grégoire å une grande majorité. Le Tribunat, qui avait aussi ä désigner un candidat, choisit Daunou, ancien Oratorien, ennemi déelaré de l’Église qu’il avait quittée, et personne particuliérement désagréable au Premier Consul. L’Institut té-moignait å sa maniére son hostilité, en mettant en concours eette question : De Tesprit et de l’influence de la Reformation de Luther, sur laquelle Charles de Villers devait remporter le prix en 1804. L’armée, et c’était lå, le plus grave, l’armée mur-murait, les officiers envoyaient des pétitions au Premier Consul. Le jour du Te Deum célébré pour le Concordat (28 germinal an X — 18 avril 1802), un général de l’armée du Rhin, Delmas, répondait å Bonaparte, qui lui demandait son avis sur la céré-monie : « C’est une belle capucinade; o’est dommage qu’il y manque un million d’hommes qui se sont fait tuer pour détruire ce que vous rétablissez. » Le Concordat futpeut-étre méme l’origine 'de complots qui menacérent la vie du Premier Consul. Mais Bonaparte ne se trompait pas lorsqu’il répondait å un général chargé de lui faire des représentations au nom de l’armée : « Le rétablissement du culte me don-nera le cæur du peuple. » La grande sensation produite par le Génie du Christia-nisme, que Chateaubriand publia alors, confirma pour tous la justesse de cette opinion. Ce livre avait exprimé les aspirations des åmes de son temps; car, sans faire de profession dogmatique, elle faisait sentir le prix de ce que l’on commengait å re-trouver.
Bonaparte eut soin, d’ailleurs, de ne présenter le Concordat å l’acceptation des assemblées législatives qu’en le faisant accompa-gner des Articles organiques destinés å le mettre en application et å régler la police du culte. Pendant les quelques inois qui s’étaient