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NAPOLEON I0-.
de la guerre de l’indépendance se réveillaient alors pour donner å son nom la gloire de la longue et belle lutte qu’il avait soutenue. L’ile entiére le désigna, avec l’assentiment du pouvoir central, comme président de l’administration départementale et commandant des gardes nationales nouvellement créées. Napoléon, aussitöt débarqué en Corse, alla se placer sous ce haut patronage. Paoli accueillit avec bonté le fils de son ancien lieutenant et ne tarda pas å reconnaitre en lui une franchise cle patriotisme redoutable å ses propres desseins. Au lieu d’aimer la France, sa nouvelle patrie, ce proscrit, rentré en Corse, lui préférait I’Angleterre, ou il avait trouvé pendant vingt ans l’hos-pitalité. La Revolution, il la croyait éphémére; l’aristocratie, il voulait la servir. Toutes ces idées n’étaient pas celles de Bonaparte qui con-fondait alors dans les mémes sentiments la France et la Corse unies l’une å l’autre par le lien puissant de la liberté et cle l’égalité. Malgré ses inquiétudes et ses soupgons, Paoli le fit nominer adjudant-major d’un des Bataillons cle volontaires corses. Napoléon avait été élevé au grade de capitaine d’artillerie au mois de février 1792, aprés sept ans d’attente pénible; mais il ne voulut pas rejoindre son corps å Valence : « le poste d’honneur d’un bon Corse, écrivait-il alors å M. de Sucy, commissaire des guerres, est dans son pays. »
Quelques jours aprés, il était nommé lieutenant-colonel : tonte la Corse avait déjå les yeux tournés sur lui. C’est alors' qu’une émeute, malheureusement sanglante, vint donner son nom une fåcheuse popu-larité. La jalousie des candidats qu’il avait évincés souleva contre lui les paysans de la Campagne. Bonaparte, avec les habitants de la ville, resta vainqueur, mais au prix cl’une énergie qui couta la vie å plusieurs personnes. Ses ennemis exploitérent eet incident : il fut dé-noncé å Paris, pendant que ses chefs, excités contre lui, se plaignaient cle la prolongation de congé qu il s était accordée a lui-meme. De-vant toutes ces marques d’hostilité, il quitta la Corse et vint a Paris se justifier.
La capitale présentait alors un curieux et sinistre aspect. On était au printemps de 1792 : la foule était inquiéte et agitée : les réunions populaires entretenaient le trouble. La monarchie sans force laissait