ForsideBøgerNapoleon 1er Et Son Temps

Napoleon 1er Et Son Temps

Forfatter: Roger Peyre

År: 1888

Sider: 885

UDK: 910

Editor Firmin-Didot et Cie

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EXÉCUTION DU DUC D’ENGHIEN. 391 Le soir, lorsque Napoleon passa de son cabinet dans la salle ä manger, il n’affec-tait point la gaieté de la veille, au contraire, et durant tout le repas il parut absorbé dans une réverie profonde. Lorsqu’on se levait de table, il dit tout å coup d’une voix séche et rude : « Au moins ils verront ce dont nous sommes capables, et doré-navant 011 nous laissera tranquilles. » Peu å peu arrivérent des membres de la famille Bonaparte ou des personnages officiels. Bonaparte devint agité et paria longuement et avec une grande verve, sur des sujets de littérature et d’histoire. Il s’adressait surtout å Fontanes. On peut lire dans les Mémoires de Mlne de Rémusat cette conversation ou plutöt cette dissertation å peine coupée par quelques réponses des assistants, oü il passa en revue, en les aecompagnant de jugements profonds, méme lorsqli’ils étaient discutables, les grands rois de la France, puis les grandes guerres et les grands généraux des temps modernes. Le nom de Frédéric II l’amenaau sujet qui, malgré tant de diversions, occupait sa pensée. Sans faire d’abord aucune allusion aux événements de la nuit, il paria des uécessités de la raison d’Etat : « L’homme d’État est-il fait pour étre sensible ? N’est-ce pas un per-sonnage complétement excentrique, toujours seul d’un c6té, avede monde de l’autre? Il faut juger le colossed’aprés l’ensemble deses actions et non sur une action isolée. Malheureux que vous étes, vous retiendrez vos éloges parce que vous craindrez que le mouvement de cette grande machine ne fasse sur vous l’effet de Gulliver, qui, lorsqu’il déplajait sa jambe, écrasait les Lilliputiens. Regardez de loin, et vous verrez que ces grands personnages que vous croyez violents, cruels, que sais-je, ne sont que des politi-ques. Ils se connaissent, se jugent mieux que vous, et lorsqu’ils sont réellement habiles, ils savent se rendre maitres de leurs passions, car ils vont jusqu’å en calculer les effets. » Il est remarquable que l’impression que ressentirent de cette exécution les honnétes gens de la cour dépassa ce qu’on éprouva au dehors. Méme chez les royalistes, ennemis irréconciliables du gouvernement, eet événement causa plus de douleur que d’indigna-tion. Tant, en matiére de justice politique et de raison d’Etat, les idées s’étaient per-verties! tant ils se rendaient compte au fond du cæur qu’ils étaient capables, et ils l’a-vaient prouvé, d’agir de méme ä l’égard du Premier Consul! Mais la mort du duc d’Enghien n’en était pas moins un crime aux yeux de tous ceux que l’esprit du parti n’aveuglait pas. Bien qu’on puisse se demander si la rapidité de l’exécution n’a pas empéché le Premier Consul de revenir sur ses premiers ordres, et quelle que soit la part que Talleyrand et d’autres aient prise å eet événement, Bonaparte n’en est pas moins responsable de la catastrophe. Cet acte eut des conscquences politiques graves tant å l’intérieur qu’å l’extérieur. Il donnait au nouveau gouvernement un caractére révolutionnaire et despotique, et il faut remarquer que seuls les jacobins se montrérent parfaitement satisfaits d’un acte d’énergie qui établissait une séparation profonde et définitive entre le Premier Consul et la maison de Bourbon. « Le voila des nötres,» disaient-ils. A l’étranger, on se montra plus sévére pour la mort du duo d’Enghien que pour les actes analogues du gouvernement anglais, parce que la responsabilité paralt plus grave quand elle ne se divise pas et que Napoléon avait å se faire pardonner, aux