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NAPOLEON I01'.
fut point le signe de l’esclavage auquel avait voulu se soumettre un peuple régénéré aux cris de liberté de la Revolution de 1789; elle fut au contraire une révélation de la puissance de ce peuple, puisqu’elle émanait de sa volonté souveraine. »
Le Saint-Siége fit pour cette royauté nouvelle ce qu’il n’avait pas fait meine pour Charlemagne. Le pape vint sacrer Napoléon å Paris. Napoléon avait montré sa bienveillance pour le clergé en confiant å Portalis le ministére des cultes, créé le 10 juillet, en rétablissant, le 6 aofit, les missions étrangéres, et en protégeant les séminaires. Le sacre eut lien å Notre-Dame, le 2 décembre 1804, avec une splendeur inouie (1), comme on peut s’en rendre compte d’aprés les gravures qui accompagnent ce cliapitre. Mais, aprés les cérémonies d’usage, lorsque le pape s’approcha pour prendre la couronne, Napoléon, qui observait ses mouvements, s’en saisit et la plaga lui-méme sur sa tete. Comme il l’avait promis, pour couper court aux longues délibéra-tions qui avaient eu lieu sur ce point, il avait terniiné å sa maniére la difficulté sur les lieux mémes. Ce n’était pas la seule déception que le pape éprouva; il avait espéré amener l’Empereur å renoncer aux Articles organiques et se faire rendre les Légations, mais ses efforts furent vains. Il n’eut pas cependant que des désappointements dans son voyage. 11 y eut aussi d’lieureuses surprises. Le pape trouvait une France bien differente de la France révolutionnaire que les émigrés lui avaient dépeinte. Partout la masse de la population l’avait accueilli avec ]e plus profond respect, et l’enipressement dont il avait été l’objet avait meine failli amener des accidents.
Ce qui l’intéressait médiocrement, mais ne lui causaib pas moins de surprise, c’était de voir dans eet Empire de quelques semaines une cour déjå constitnée. Les ancien-nes grandes charges de la monarchie de Louis XIV avaient été rétablies. II y avait un grand aumonier, Fesch, un grand veneur, Berthier, un grand chambellan, Talley-rand, un grand maréchal du palais, Duroo, un grand maitre des cérémonies, Ségur,
(1) Il avait été question du Champ de Mars, par réminiscence de la Fédération : « Mais, disait Napo-poléon au Conseil d’Etat, le peuple était alors souverain. Tout devait se faire devant lui; gardons-nous de lui donner å penser qu’il en esttoujoursainsi. Se représents-t-on l’effet qaeproduirait l’Empereur etsa famille exposés dans leurs habits impériaux ål’injure du temps, å la bone, åla poussiere ouå lapluie? Quel sujet de plaisanterie pour les Parisiens, qui aiment tant å tout tourner en ridicule et qui sont ac-eoutumés å voir Chéron, å l’Opéra, et Talma, au Théåtre-Fransais, faire l’empereur beaueoup mieux que je ne saurais le faire ! »