412
NAPOLEON Ier.
qu’on pouvait lui enlever, pour lequel rien ne manquait, å, l’excep-tion d’un homme capable de le bien comprendre et de l’exécuter.
En effet, La Touche-Tréville, qui commandait l’escadre de Toulon, venait de mourir dans le moment ou il se préparait å passer dans l’Atlantique (20 aout!804). Ce funeste événement enlevait åla France son meilleur marin, et obligeait l’Empereur å retarder sa descente en Angleterre. Elle fut remise au printemps suivant. Villeneuve, sur le conseil de Decrés, avait été choisi pour succéder å La Touclie-Tréville. Lorsque le camp et l’escadre eurent été réorganisés, Napoléon donna ses ordres précis pour la Campagne maritime.
Trois flottes partiront de France :l’une, de Rochefort avec l’amiral Missiessy; la seconde, cle Toulon avec l’amiral Villeneuve; la troisiéme, de Brest avec l’amiral Ganteaume. Les trois flottes att'ireront å leur poursuite la flotte anglaise, ravitailleront divers points des Antilles et, réunies dans les mers cle la Guadeloupe sous le cominan dement de Villeneuve, viendront cle concert balayer la Manche et proteger le débarquement d’une année de 100.000 liommes, pendant qu’une partie des flottes anglaises les chercheront encore dans les mers loin-taines. En passant les cötes espagnoles, Villeneuve ralliera l’escadre de l’amiral espaguol Gravina. Il ne s’agit pas de vaincre la flotte anglaise, mais de l’occuper pendant le passage du détroit.
Malgré le juste espoir de succes que ces merveilleuses combinaisons pouvaient lui donner, Napoléon oomprenait parfaitement toute la gravité de l’entreprise et il allait méme embrasser, en mårs 1805, un autre projet, aussi funeste peut-étre å 1’Angleterre qu’une descente dans ce pays, celui de soulever les Indes contre la domi nation anglaise et d’y établir la suprématie trop éphémére des Frangais.
Dés 1802, il avait envoyé dans l’Hindoustan le general Decaen avec la mission d’étudier le pays, de maniére toutcfois å ne pas inquiéter les Anglais, de bien s’in-former des ressources qu’il offrait et des chances qu’on pouvait avoir de l’insurger contre le joug britannique, si la paix d’Amiens ne durait point. Decaen se mit im-médiatement en relation avec les Mahrattes, le peuple le plus puissant de l’Hindoustan et le plus hostile aux Anglais. Aprés des études sérieuses, il écrivait å Bonaparte que l’envoi de G.000 Frangais avec un materiel de guerre convenable suffirait pour renverser la puissance anglaise dans Finde.
Mais Napoléon ne voulait pas d’une échauffourée. C’était une armée d’au moins 30.000 bommes qu’il comptait envoyer å Decaen. L’entreprise n’était pas chimérique.