570
NAPOLEON Ier.
Reyna une excellente position, oü il se maintient malgré deuxjours de combat (juillet). Sans se laisser éblouir par ce demi-succés, il abandonne la ligne de TAlberche, en apprenant que Soult, arrivant du nord par Plasencia, allait lui couper la retraite : il put rentrer å temps en 1 ortugal. Malgré toute son activité, Soult n’atteignit que l’arriére-garde, qu’il battit sur le Tage, å Ponte del Arzobispo. En Cata-logne, Gouvion Saint-Cyr s’emparait de Girone : la ville avait supporté six mois de tranchées ouvertes et perdu les deux tiers de sa population, lorsqu’elle capitula. Suchet continuait å montrer les talents cl’un admi-nistrateur et d’un général de premier ordre dans 1’Aragon. Il battit Blake å. Maria et å Belcliite et ]e forgå å se réfugier dans Tortose.
En somme, malgré nos succés, la Campagne était loin cl ’étre décisive. Aussi ni 1 Angleterre ni l’Espagne ne se décourageaient. Elles comp-taient sur 1 ambition et les discordes des généraux (1), sur le peu cl’au-torite du roi Joseph, sur 1’absence d’unité dans le commandement militaire, avant tout, sur l’énergie des Espagnols et sur la nature du pays, si propre å la guerilla (2).
La guerre était surtout devenue, entre les Espagnols et les Fran fais, une guerre personnelle å laquelle la plus grande partie de la nation prenait part.
Une armée invisible s’étendit sur presque toute l’Espagne comme un réseau au-quel ne pouvait échapper aucun soldat frangais qui s’écartait un moment de sa co-lonne et de sa garnison. Sans uniformo et sans armes apparentes, les guerillas dépis-taient facilement les colonnes qui les poursuivaient, et souvent la troupe marchant pour les combattre passait au milieu «Teiles sanss’en douter. Les hommes, occupés å des travaux rustiques, saisissaient leur fusil par terre, s’ils apercevaient un Frangais isolé, et, pour le détachement qui traversait le champ qu’ils labouraient, n’étaient que de paisi-bles paysans. C’était un passe-temps pour les ouvriers des villes de venir se placer derriére les rochers, entre les oliviers, dans les faubourgs, et de tirer sur nos vedettes en fumant leur cigarette. Souvent, dans ces pays accidentés et presque sans routes, les soldats ne pouvaient s’avancer qu’en s’aidant de leurs mains et méme de leurs
(1) Si l’on en croit les Mémoires du général Bigarré, aide de camp de Joseph, Soult aurait songé å se faire mimer roi de Portugal et aurait fait distribuer de l’argent å la populace pour qu’elle criåt sur son passage : Viva el rey Nicolas ! L’irritation était teile qu’un capitaine, nommé Argenton, alla jus-qu å nouer des relations avec les Anglais et leur proposer de traiter avec eux au nom d’un grand nombre de colonels et généraux de l’armée franjaiae.
(2) Les détails qui suivent sont empruntés å Miot de Melito, Mémoires; h Ed. Lapéne, Relation de la conquéte de l'Andalousie; å l’ouvrage de M. de Rocca, le second époux de Mu« de Stael, sur la guerre d’Espagne; aux lettres de Reederei- citées par Sainte-Beuve.