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NAPOLEON I
étaient peut-étre ses moindres titres ä la reconnaissance de la France. Par la fermeté, la justice et l’humanité de son caractére, par la discipline et la probité qu’il exigeait de tons, par l’activité incessante d’un esprit qui suffisait aux divers devoirs d’un chef d’État, il fit de 1’Aragon, dont les habitants passaient cependant pour les plus opi-niåtres de l’Espagne, le seul pays de la Péninsule ou le gouvernement frangais fut ré-guliérement établi et presque définitivement accepté. Lorsqu’il fut obligé de le quit-ter, les habitants, dans plusieurs endroits, témoignérent au maréchal leurs regrets de son départ; ä Castelhon de la Plana méme, on exprima l’espoir qu’il ne tarderait pas å revenir. Mais c’était lå une rare exception en Espagne.
Partout ailleurs, les diverses classes de la nation étaient unies contre Napoléon; la Bourgeoisie libérale détestait en lui le despote; les nobles, le clergé et le peuple, le représentant de la Revolution; tous liaissaient l’envaliisseur. Ce fut au début de 1812 que les cortés de Cadix promulguérent une Constitution imitée de notre constitution de 1791, et qui établit méme la liberté de la presse, excepté pour tout ce qui a rapport a la religion.
Pendant que Masséna se trouvait arrété devant leslignes de Torrés-Védras, il avait envoyé le général Foy å Paris pour exposer ä l’Empereur les difficultés de la situation. Foy avait fait entendre que le succes n’était pas impossible en Espagne, mais qu’il y fallait « la massue d’Hercule ». Or c’est ä ce moment que s’aggravaient, entre la France et la Russie, les difierends qui allaient entrainer Napoléon å cette expédi-tion désastreuse oüdevait périrla Grande Armée, qui seule auraitpu dompter l’Espagne.
Lorsque la joie se manifestait de toutes parts autour de Napoléon, å l’occasiou de l’union de l’Empereur des Frangais avec Marie-Louise, Cambacérés, qui n’était pas cependant un médiocre courtisan, semblait préoccupé. Il avait fait tous ses efforts, dans le conseil tenu au sujet du mariage imperial, en faveur (Tune alliance riisse. Il n’avait pas réussi. « Quand on n’a qu’une bonne raison å donner, disait-il ä un ami, et qu’il est impossible de la dire, il est simple qu’on soit battu. Vons allez voir qu’elle est si bonne qu’il suffit d’une phrase pour en faire comprendre toute la force. Je suis moralement sür qu’avant deux ans nous aurons la guerre avec celle des deux puissances avec laquelle l’Empereur n’aura pas contracté d’union matrimoniale. Or une guerre avec l’Autriche ne me cause aucune inquiétude, et je tremble d’une guerre avec la Russie; les conséquences en sont incalculables. »
Mais, avant d’entrer dans le récit des événements qui améneront la chute de Napoléon, le moment est venu de jeter un coup d’æil sur l’état intellectuel de la France, dans cette periode ou. les armes ont occupé tant de place, mais qui mérite aussi l’attention pour les lettres, les arts et les Sciences.