PRINCIPES DES NEUTRES. — TYRANNIE DE L’ANGLETERRE. 675
lorsqu’il était lieutenant. Lorsqu’il n’était encore que Consul, il décida quo toutes les dames qui venaient aux Tuileries n’y seraient admises que si elles portaient des tissus frangais; Mmo Bonaparte, qui avait une grande quantité d’étoffes de Finde, brodées d’or et d’argent, les fit donner å Mlle Duchesnois, la célébre tragédienne, dont eile protégeait les débuts. Outre les celebres décrets dont nous allons parier, Napoléon, on le voit, ne reculait pas devant de petits moyens qui ne manquaient pas d’efficacité. On raconte qu’un jour, å Saint-Cloud, au moment de l’apogée de la puis-sance impériale, il re?ut la visite du maire de Lyon. Une féte avait été donnée dans le pare, ou toutes les dames de la cour se trouvaient en grande toilette, On revenait vers le palais, lorsque la pluie commenga å tomber. « Monsieur le maire, dit l’Em-pereur å demi-voix, vons allez voir comment je vais faire gagner vos manufactures. » Arrivé au palaisj il se pla§a devant la porte et, continuaut la conversation commencée dans le pare, s’y arréta sans qu’on osåt le déranger. Il n’y resta que quelques ins-tants; mais c’était assez pour que les robes de soie fussent mouillées, et dussent étre remplacées. Il aurait été å désirer que Napoléon n’eüt jamais employé pour protéger l’industrie nationale de moyens plus tyranniques.
Les mesures de prohibition, on le voit, étaient inspirées å Napoléon par sa liaine contre l’Angleterre, mais il s’y mélait aussi le désir de faire prospérer l’industrie frangaise. Les idées de Napoléon sur ce point, idées qu’il poussait å l’extréme, n’étaient pas nouvelles chez les hommes de la Révolution. Lorsque Frangois de Neufchåteau pro-nonga, en 1798, le discours d’ouverture de la premiere Exposition des produits de l’industrie que l’on ait vue en Europe, il ne manqua pas de signaler la liberté commerciale comme une conquéte de la Révolution, et (institution qu’il inaugurait et dont il avait eu la premiere idée comme un des instruments de la liberté commerciale : « La liberté, dit-il, appelle les arts utiles en allumant le flambeau d’une émulation inconnue sous le despotisme, et nous offre ainsi les moyens de surpasser nos rivaux et de vainere nos ennemis. » On a re-marqué ces deux mots <( vainere nos ennemis ». Combien on est loin des expositions internationales! En 1798 une exposition elle-méme est représentée comme une arme de guerre! La mesure extreme du blocus fut un acte de représailles. C’était l’Angleterre qui l’avait provoqué par ses prétentions, qui dataient du dix-huitiéme siécle, contre la liberté des mers, et par des actes plus récents. En 1794, un statut de Georges III déelarait qu’il y avait crime de haute trahison å com-mercer avec la France.