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NAPOLEON I01'.
« S’il arrivait que, aidé par la difficulté des lieux, l’ennemi tint ferme, et que ce premier elan, n’y pouvant mordre, fut repoussé, alors quelque officier supérieur, ou le général, ralliait le désordre, et saisissant le drapeau, ou de son chapeau s’en faisant un au bout dc son sabre, il ramenait å l’assaut le soldat rendu plus docile par un revers. Mais souvent aussi, dans ces moments de confusion, ce n’était point le général, c’était quelque sous-officier, un caporal, un grenadier mémc, qui, par un habile con-seil donné et suivi å propos, avait prévenu ou terminé une hésitation funeste.
« Aussitot alors, la position ennemie, assaillie de nouveau, mais avec plus de régula-rité et au point le plus vulnerable, était emportée. Telle était cette armée. Elle était composée surtout de Gascons, de gens du midi de la France. C’étaient les survivants d’une multitude malade, morte, ou qui avait déserté; c’était ce qui restait de meilleur de l’ancienne armée royale, de nos volontaires de 1792, et des réquisitions de 1/93 et de 1794. Plusieurs fois fondus et rcfondus ensemble, tantot sous un numéro de demi-brigade, que, aprés l’avoir illustre il fallait abandonner, tantot sous mi nouveau numéro, leur vocation guerriére, leur orgueil patriotique ct leur santé avaient résisté ii tant de dégouts, de combats et de misere! C’était done l’armée la plus éprouvée et dévouée, la plus intelligente et aguerrie qu’on put désirer. »
Cette armée avait des chefs qui lui ressemblaient, actifs, intelligents, mais äuxquels l’incertitude et le peu de prestige du commandement supérieur avaient laissé une liberté excessive , et qui n’avaient guere eu l’occasion de prendre part å de grandes opérations d’ensemble; il lui fallait une direction incontestée qui sut conquérir la confiance des soldats et imposer sa supériorité å tons. Le clioix de Bonaparte semblait peu propre tout d’abord å amener ce résultat. Il n’a-vait pas dans sa vie de ces actions d’éclat qui rendent un nom populaire dans une armée. On se méfiait de ce réveur, de ce mathe-maticien. Son extérieur n’était pas fait pour détruire ces préventions défavorables; sa taille était petite et gréle, sa maigreur excessive. Les beaux parleurs des compagnies auraient beau jeu å se moquer de son costume, de ses cheveux coupés a l’incroyable, å exagérer son accent corse pour faire rire leurs camarades. On trouverait sans cloute qu’il faisait une triste figure å coté des chefs de haute taille et aux al-lures intrépides qui les avaient si souvent menés au combat, tels que Augereau, Masséna, Cervoni. Ces sentiments d liostilite ou cl indifference dédaigneuse étaient plus å craindre encore de la part des géné-raux divisi onnaires qu’il allait avoir sous ses ordres immédiats. Séru-