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NAPOLEON 1".
les autres; on n’aurait pas tendu la main å son pére. Toute sensibilité méme semblait éteinte : on ne murmurait méme pas contre l’adversité. » Pendant la nuit, la neige éteint les bivouacs, dont on reconnait l’emplacement par les cadavres des soldats et des chevaux. A Sembwo, on jeta dans le lac les dépouilles de Moscou, des canons, des armures gothiques et la croix d’argent massif du grand Ivan.
Ney, å Famere-garde, comprit qu’il devait se sacrifier pour sauver l’armée. Lamarche depuis Viazmane fut qu’un combat continuel de dix jours. Un élan furieux du 4e régiment arréta les Busses, et permit d’atteindre Smolensk au moment ou l’ennemi allait arriver. Jus-que-lå, l’armée s’était soutenue encore par l’espoir de trouver dans cette ville tout en abondance. Napoléon avait compté sur 15 jours de vivres et de fourrages pour 100.000 bommes ; il croyait y trouver des vetements, des armes, des chaussures; on n’y trouva que de l’eau-de-vie, du riz, de la farine en quantité insuffisante. L’armée de Victor, les malades, les trainards, avaient épuisé les magasins; on ne pou-vait done plus s’arréter.
Au nord, å Polotsk, Gouvion Saint-Cyr, réduit å 17.000 bommes épuisés de fatigue et de faim, devant les 52.000 liommes de Wittgenstein, avait repoussé sept fois l’attaque de l’ennemi et pu se retirer pour couvrir la route d’Orcha å Borizow. Le 31 octobre, Victor rejoignit son collcgue et eut le tort de laisser échapper Wittgenstein, qui igno-rait cette jonetion. Celui-ci, délivré de ce péril, occupa Vitepsk. En méme temps, Schwartzenberg annongait å l’Empereur qu’il couvrait Varsovie, c’est-å-dire découvrait la Grande Armée, etpermettait ainsi å Tchitchagof de remonter vers le nord å la rencontre de Wittgenstein, soit pour prendre Napoléon entre deux feux, soit pour se réunir en avant de l’armée frangaise, afin de lui barrer la route pendant que Kutusof, qui s’était eraparé de la route de d’Elnia, håterait sapoursuite. Tout conseillait å Napoléon de quitter Smolensk, et cependant il y restait. On ne savait comment expliquer eet aveuglement; on se rap-pelait ces mots qu’il pronongait å Austerlitz : « Ordener est usé. On n’a qu’un temps pour la guerre; j’y serai bon encore six ans, apres quoi moi-mémeje devrai m’arréter. » L’armée avait perdu en vingt-cinq jours 64.000 liommes sur 100.000. Poniatowski n’avait plus sous