CONSPIRATION MALET. — ARRIVÉE SUR LE NIÉMEN. 731
Le 10, l’avant-garde russe arrivait. De Wréde, qui n’a plus que 2.000 Bavarois, résiste quelque temps, mais il est forcé de reculer et la déroute commence. En tenant vingt-quatre heures de plus, on aurait sauvé une partie de l’armée; 20.000 hommes, parmi lesquels 300 offioiers et 7 généraux, tombérent aux mains des Busses. Des Juifs enrichis par le passage de l’armée frang aise attirérent chez eux les blessés et les malades, les dépouillérent et les jetérent, nus et mourants, par les fenétres, dans la rue, ou des Juives purent achever, å coups de talon, les vainqueurs de l’Europe. C’était leur maniére de faire oublier aux Russes la fa?on dont ils avaient accueilli les Frangais victorieux.
L’armée frangaise arriva å Kowno, sur la frontiére, le 13; elle avait 1.000 soldats armés, 9 canons et 20.000 trainards ; encore étaient-ce des recrues qui n’avaient pas fait la Campagne. La Grande Armée ne comptait plus que deux rois, un prince, huit maréchaux (1), quelques centaines de soldats de la vieille garde, mélés å des généraux sans armée. Murat fuyait vers Gumbinnen. Ney, pour la cin-quiéme fois, se crée une arriére-garde avec 700 hommes, qui l’a-bandonnent, le 14, quand les Russes attaquent Kowno. Il ramasse leurs armes encore toutes chargées et, lui cinquiéme, fait face aux Busses, donnant ainsi le temps å Heymés et Gérard de réunir une trentaine de soldats et de faire avancer deux ou trois piéces légéres. Avec ces secours, Ney se maintient jusqu’å la nuit, å la porte qui ouvre vers Vilna. « Soutenant jusqu’au dernier moment l’honneur de nos armes, sacrifiant, pour la centiéme fois depuis quarante jours et qua-rante nuits, sa vie et sa liberté pour sauver quelques Frangais de plus, il sort, le dernier de la Grande Armée, de cette fatale Russie, montrant au monde l’impuissance de la fortune contre les grands courages. »
On gagna enfin Kcenigsberg, ou les Allemands, en voyant les clébris de la Grande Armée, purent mesurer l’étendue de notre désastre et se préparer å en profiter.
Les hopitaux ne purent bientöt plus contenir les malades. Tout å coup, en une nuit, le thermoniétre remonta de 20 degrés. Ce changement brusque vint augmenter encore la mortalité. Larrey, qui pendant toute la Campagne avait fait l’admiration de l’armée par
(1) Murat, roi de Naples et Eugéne, vice-roi d’Italie; — Berthier, prince de Neufchåtel; —Ney, Oudinot, Victor, Macdonald, Davout, Gouvion Saint-Cyr, Bessiéres, Lefebvre.