70
NAPOLEON I«
« Amis, disait-il,je vous promets cette conquéte; mais il estune condition qu’il faut que vous juriez de remplir : c’est de respecter les peuples que vous délivrerez; c’est de réprimer les pillages horribles auxquels se portent des scélérats suscités par nos ennemis. Sans cela, vous ne seriez pas les libérateurs des peuples, vous en seriez les fléaux; vous ne seriez pas I honneur du peuple fran^ais, il vous désavouerait.
« Quant å moi et aux généraux qui ont votre confiance, nous rougirions de Commander ä une armée sans discipline, sans frein, qui ne connaitrait que les lois de la force. Mais je saurai faire respecter ä ce petit nombre d’hommes les lois de l’huma-nité et de l’honneur qu’ils foulent aux pieds; je ne souffrirai pas que des brigands souillent vos lauriers. Les pillards seront impitoyablement fusillés. Déjå plusieurs l’ont été. »
Ce n’étaient pas lå de vaines menaces. Dés le 21 avril, auprcs du vil-lage de Saint-Michel, des nioines étant venus se plaindre qu’on eut volé leurs vases sacrés, Bonaparte avait fait réunir ]a demi-brigade qu’ils ac-cusaient. Les coupables étaient reconnus; on retrouva dans leurs sacs les vases volés : ils furent jugés et fusillés séance tenante, sur le bord de la route. Il osa méme faire défiler l’armée devant les corps sanglants de leurs camarades sans craindre les murmures qui se faisaient en-tendre : on leur avait promis le pillage de l’Italie, criaient-ils, et on leur manquait de parole.
Il tint dans ses relations avec les souverains ou les autorités des villes qu’il occupa une conduite analogue. S’il est inflexible et quel-quefois méme impitoyable, lorsqu’il le juge utile å ses succés, il ne pense pas que la violence grossiére serve å rien, et, malgré l’in-dignation d Augereau et de ses pareils, qui crieut bien haut « qu’on ne traite pas avec les tyrans, qu on les écrase )), i] avait montré une grande courtoisie dans les négociations qui amenérent l’armistice de Cherasco et comptait agir de méme dans les circonstances analogues.
Cependant Beaulieu ne s’était cru en sureté que derriére le Po et s’était posté entre la Sezia et le Tessin. La situation des Francais n’en était pas moins encore pleine d’incertitude et il y avait un véritable danger '
å s’avancer sur le nord en laissant derriére soi le Piémont, dont la neu-tralité était bien suspecte, et en risquant d’étre attaqué sur son flane par une armée venue de la Péninsule. Les dispositions hostiles de la cour de Rome et de la cour de Naples étaient manifestes et elles nat-