Ornementation Usuelle
De Toutes Les Époques Dans Les Arts Industriels Et En Architecture
Forfatter: Rodolphe Pfnor
År: 1866-1867
Forlag: La Librarie Artistique de e. Devienne et Cie
Sted: Paris
Sider: 418
UDK: 745.04 Pfn
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L’Orient est devenu de mode, et cent traducteurs, aussi fidèles
que les poètes et les architectes de 1820 l’ont interprété à leur
manière.
Voulez-vous des exemples, sans sortir du Champ de Mars, puis-
que nous y sommes. La mosquée de la photo-sculpture, qui est
orientale comme je suis Turc, ainsi que le dit le bon Sancho ;
Mamamouchi ! Le temple mexicain, où s’étalent les divers tra-
vaux rapportés par M. Méhédin de ses voyages dans les deux-
mondes; Mamamouchi ! Le palais chinois et son théâtre; Mama-
mouchi ! Mamamouchi ! Je ne veux pas parler de plusieurs au-
tres dômes plus augustes, mais encore moins arabes, ni de l’Al-
lambrah en fonte de la section prussienne, qui a du moins le
charme d’une originalité de bon goût. Ce serait sortir de notre
sujet; mais ces exhibitions faites avec un sérieux incroyable pro-
voquent quand même, chez tout homme sérieux, un rire inextin-
guible. Il faut en faire justice, le temps des bonnets pointus est
passé. Braves savants que vous êtes, sous votre turban falsifié on
reconnaît le marchand de dattes du boulevard du Temple. Pour
qui nous prenez-vous donc? Vous avez constaté du sang humain
sur des figures barbouillées de divinités antiques ! Vous présentez,
pour la première fois, des couteaux donnant une mort instanta-
née, des statues du soleil, des chinoises parfaites et des clowns
délicieux. J’ose croire que vos acrobates sont bon teint; vos tem-
ples, du moins, ne le sont pas. Passons; nous n’avons que faire
de tous ces carêmes prenants.
L’Orient ! Peut-on traiter ainsi la contrée vers laquelle l’huma-
nité en marche tourne sans cesse les yeux, comme le voyageur
au sommet de la montagne jette un regard au toit qui protégea
son enfance. L’Orient! Pays dont les souvenirs planent sur nos
traditions comme la brume matinale sur le lac aux eaux profon-
des. L’Orient devenu mascarade! Proh pudorl
Entrons au Palais. Dans l’intérieur, la Perse a ses tapis ini-
mitables; la Chine, ses soieries brodées, ses émaux, ses porce-
laines ; le Japon, ses bronzes, ses bois sculptés, ses laques ; la
Turquie, ses meubles, ses costumes, son or, son argent, ses pano-
plies. Mais, en errant au milieu de toutes ces merveilles, on est
étonné d’une chose, les deux galeries extrêmes sont vides. Rien
aux machines, rien à l’histoire du travail. Tout cela, depuis les
cuirasses noires et rouges des soldats du taïcoun, jusqu’aux
hallebardes , aux fauchards, aux sabres recourbés du sultan,
tout cela porte un cachet moyen âge, tout cela date de plu-
sieurs siècles. Ces peuples sont assis à l’ombre. Le pourquoi de
eette ombre, nous n’avons pas à le rechercher ici. Il faudrait l’es-
prit de progrès des Européens pour les réveiller. Le Japon pour-
tant a je ne sais quoi de souverainement mâle qui fait espérer qu’à
son entrée dans la civilisation générale, il fera de suite un grand
pas. L’Egypte de même. Si ces lions se réveillaient véritablement,
peut-être nous dépasseraient-ils d’un seul bond.
Je me trompais en avançant que ces peuples n’avaient rien de
leur histoire primitive. L’Egypte, outre les œuvres si curieuses
âe son temple, possède une vitrine superbe comme ethnographie.
Ses miniatures du Coran, ses reliures» ses cuirs ciselés, ses in-
crustations d’ivoire, ses lampes gravées, ses carreaux émaillés
donnent des indications plus que suffisantes de sa parenté avec
l’Inde et la Perse. Ce coin du palais regorge d’objets d’étude et
retient le curieux pendant de longues heures.
Dans le parc de même, elle a son temple, un caravansérail, je
ne sais si j’emploie le mot propre, et le pavillon de repos du viee-
Doi.
Je me suis laissé dire que le voisinage des chinoiseries fantai-
sistes avait influé légèrement sur ces constructions diverses. Que
le savant, plein d’aménité, qui dirigeait les travaux de ce temple,
avait un peu fait comme Sganarelle — demandant à Géronte : —
Entendez-vous le latin? — En aucune façon. — Vous n’entendez
point le latin? Cabriciasarci thuram catalamus singulariter nomina-
tivo hœc musa,\a. muse. Bonus bona bonum. Deus sanctus, etc., etc.,
en un mot que les hiéroglyphes étaient très-véritablement hiéro-
glyphiques pour tout le monde. Quoi qu’il en soit, le peintre et
l’architecte, MM. Bin et Drevet, qui, sous sa direction, et sou-
vent livrés à eux-mêmes, ont produit ces essais, s’en sont, pour
de simples profanes, eux qui n’avaient aucune prétention à l’égyp-
tologie , s’en sont, dis-je, tirés à merveille. Ils ont cherché, nous
devons les remercier, à ne rien sacrifier au style mamamouchi.
Par le temps qui court, c’est déjà un progrès.
Dans la section turque, le kiosque de M. Parvillé est un chef-
d’œuvre. Plantes délicates sortant gracieuses de leurs vases sur
un fond d’or; fenêtres basses, répandant à travers les stores une
lumière rosée ; découpures inclinées pleines de charmes ; tapis
moelleux; divans aux riches couleurs; fontaines jaillissantes; tout
est vrai, tout est juste, et partant tout est beau, même dans sa
petitesse. Dans la mosquée de même : la niche d’adoration, sobre
d’image, avec ses deux cierges ; la chaire et son petit escalier; la
porte, enfin, flanquée de ses deux fontaines à treillage doré, si
nécessaires aux ablations des pèlerins, prouvent l’étude conscien-
cieuse, le besoin de ne pas mentir, qualité si rare à ceux qui
viennent de loin. On sent, même dans cette partie du parc, je ne
sais quelle parcimonie qui ajoute encore, pour ainsi dire, comme
un caractère de véracité nouvelle aux constructions de l’archi-
tecte français.
M. Parvillé donne le coup de mort aux plaisants, dont nous
parlions tout à l’heure, qui se figurent toujours que le grand Turc
est un personnage à grand turban pointu, orné de clochettes,
chaussé de babouches, revêtu de jaune, de vert, de rouge, de
blanc, assis sur des coussins, fumant une pipe de deux mètres de
long et roulant des yeux comme un chat tigre.
Vous conduirai-je, après cela, chez les Tunisiens? Oui, pour
donner le dernier coup, si faire se peut, aux pasticheurs de se-
conde main. Restez-y, restez-y longtemps, dans cette cour mau-
resque, au milieu de ces salons si pittoresques. Il y a, comme
comparaison architecturale, bien des rapprochements à faire dans
le palais de M. de Lesseps entre les habitations romaines, les
cours espagnoles, les promenoirs chrétiens, etc., etc. Le temps me
presse, je vous y abandonne; vous ne vous en repentirez pas.
Concluons. Pour l’Orient, l’Exposition universelle de 1867
aura eu deux résultats : d’abord de nous faire boire de nouveau
aux sources de la coloration vive, chatoyante et, en même temps,
douce et calme de ces pays aimés du soleil ; ensuite de nous faire
toucher au doigt l’inanité, dirai-je plus, la bêtise de ce style
grotesque, que je désignais plaisamment tout à l’heure ; quand
elle n’aurait obtenu que de nous le faire haïr, son rôle serait déjà
bien assez digne.
Sur la route des moulins, il est toujours si bon de voir décou-
vrir des bouts d’oreille. Henri du Cleuziou.
R. PFNOR, Propriétaire-Directeur.
Paris.— Typ. de Rouge frères, Dunon et Fresné, rue du Four-St-Germain, 43