Ornementation Usuelle
De Toutes Les Époques Dans Les Arts Industriels Et En Architecture
Forfatter: Rodolphe Pfnor
År: 1866-1867
Forlag: La Librarie Artistique de e. Devienne et Cie
Sted: Paris
Sider: 418
UDK: 745.04 Pfn
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du meuble, relativement à l’harmonie de ces choses entre elles
ou bien à la hauteur, la largeur, la profondeur, les ténèbres ou la
lumière de l’appartement. Ces questions premières, grandes, ca-
pitales, sont laissées au jugement du fabricant artisan, lequel s’en
tire comme il peut. Par hasard, nature, goût inné, et moyennant
quelques études anciennement faites, certains conçoivent et exé-
cutent des choses bonnes. Ce sont ceux-là qui ont fourni les for-
mules dont la mécanique s’est emparée et que le Faubourg suit à
satiété. Mais en général les fabricants inventeurs manquent de la
connaissance des styles, et c’est pourquoi tous les styles se con-
fondent dans ce qu’ils font; on y voit des portes en plein cintre
avec des ornements pompadour aux corniches, et pour supports
des bases à plinthes découpées qui datent du gothique. Aussi un
caprice fait prendre ces meubles et un autre fait qu’on les dé-
laisse. Le correct seul est durable.
Quand il s’agit d’une fourniture extraordinaire ou d’une expo-
sition cossue, le fabricant fait des frais insolites et va chercher
un artiste de renom pour lui dessiner des pièces; mais ne sachant
pas ou sachant mal lire ce qu’on lui dessine, il se trompe en l’exé-
cutant ; ou bien l’envie d’épargner l’engage à supprimer ou sim-
plifier certains passages, et l’œuvre arrive absurde. Nous en
pourrions citer ainsi plus d’une dont on a ri au lieu d’en gémir.
Ce qui n’empêche pas toujours les médailles d’or !
Il faudrait à l’industrie du meuble des écoles spéciales, où l’on
apprendrait aux ouvriers, sinon l’art entier, au moins la partie de
l’art dont ils ont besoin pour leurs travaux : lignes, principes, dif-
férence et concordance des styles. S’ils ont du goût et des aptitu-
des natives, on le verra bien. Un homme comme il n’y en a qu’un,
lorsqu’à Paris nous en voudrions dix, Barbedienne, vient d’ouvrir
ceci aux ouvriers en bronze, tous les soirs, rue Saint-Claude, et
pour rien : maîtres, modèles, crayons, cartons et ce qui s’ensuit.
Ne se trouvera-t-il donc point un ébéniste qui l’imite? Ils ont une
chambre syndicale pourtant! Prenons aujourd’hui un ouvrier du
meuble, habile, sobre, rangé, li sait travailler, comme on dit, et
fera bien une pièce sur un plan, mais il ne sait pas faire un plan.
Voyant ce qui lui manque, le sage appétit le prend d’un peu d’ar-
chictecture. Il va donc le soir à une école municipale : là, des
hommes fort éclairés et vertueux lui donnent à copier et à laver
des corniches de temples grecs. Ce serait sans doute la bonne
base pour quiconque aurait le temps de devenir un artiste com-
plet. Mais celui-ci, ô professeurs routiniers et sublimes, n’a pas
tous ses jours, dix années durant, à vous donner. Son pain et celui
d’autrui sont au bout de ses doigts; deux heures par jour pendant
deux ans au plus, voilà son offrande, à condition encore de man-
ger peu et de dormir vite. Pourquoi, puisqu’il a besoin d’appli-
quer ce qu’il apprendra, ne pas tout de suite lui faire copier
des ensembles et des détails de meubles moyen âge, renaissance,
louis-treize, louis-quatorze, louis-quinze, louis-seize? et lui ensei-
gner tous ces styles divers concurremment et conjointement
avec l’antique, leur commune source? lui apprendre comment une
colonne et un pilastre s’ajustent selon la loi de chaque époque;
et do même pour toutes les parties, panneaux, frises, tiroirs,
frontons, cartouches, supports de milieu, etc.? En dix mois d’un
tel enseignement vous auriez, ou je m’étonnerais bien, de cet ou-
vrier de bonne volonté fait un contre-maître, en le supposant
intelligent et porté vers l’administration. Or, que faudrait-il dans
la suante et souffrante république du travail ? Ce serait que tous
les ouvriers pussent devenir des contre-maîtres un jour, au lieu
de rester, pour les neuf dixièmes, de pauvres machines vivantes
qui n’arrivent jamais qu'à bien produire un monotone détail de
spécialité, ce qui les énerve et les abrutit à la longue. Précieuse
mais triste force pour les grandes maisons, qui seules peuvent
constamment employer et détruire une même âme sur une même
chose! Grand mal, au fond : quel bien saurait résulter jamais de
l’abaissement, du parcage et de la mécanisation de l’homme?
Or, fatalement, naturellement, physiquement, il arrive de ceci
que l’ouvrier se dégoûte d’un travail sans attrait et sans avenir.
C’est seulement de quelques héros qu’on obtient tout par le de-
voir. Or, l’ouvrier aux pièces ne croit pas avoir de devoir envers
son patron. Quand ça ne lui tient pas, il s’en va. Le déjeuner est
toujours voisin des dominos, du bésigue ou du billard, et le jeu,
du moins, varie les sensations. Un fabricant me disait un jour
que certains de ses hommes aux pièces lui avaient fait seulement
trente-six heures en une quinzaine. C’était déplorable des deux,
parts : commandes manquées ici, misère creusée là.
Auguste Luchet.
(La suite au prochain numéro.}
BIBLIOGRAPHIE
LE CHATEAU d’aNET (1).
M. Pfnor voulant donner à ses abonnés un spécimen des
21° et 22° livraisons de la Monographie du château d’Anet
qu’il vient de faire paraître, s’est décidé à tirer, en supplément,
une des planches qui en accompagnent le texte.
Ce nouvel ouvrage, bientôt terminé, offre une étude complète
d’un des monuments les plus intéressants de la Renaissance,
puisqu’il est l’œuvre de deux des plus illustres maîtres de cette
grande époque : Philibert Delorme et Jean Goujon. Sculpture,
architecture, détails, ornementation, et jusqu’aux plus petits mo-
tifs de serrurerie et de décoration, tel que celui intercalé dans ce
texte, tout, disons-nous, est traité avec le soin et l’exécution
hors ligne dont ne s’est jamais départi l’auteur de la Monogra-
phie du palais de Fontainebleau, du château d'Heidelberg, de Y Epo-
que Louis XVI, etc., etc.
Le premier de ces ouvrages, sorte de synthèse artistique, pré-
sente des spécimens des diverses époques de la Renaissance; le châ-
teau d’Anet commence une série de monographies qui en seront
comme l’analyse détaillée. C’est là un projet gigantesque, auquel
suffit à peine toute la vie d’un artiste laborieux, et nous croyons
fermement nous faire l’interprète de tous les artistes et de tous
les vrais amateurs en adressant, à cette place, nos plus sincères
encouragements à celui qui n’a reculé devant aucun obstacle ni
devant aucun sacrifice, pour poursuivre avec un courage, bien rare
de nos jours, une aussi grande tâche; car elle rendra aux arts, et
principalement à l’architecture, d’immenses services, en nous fai
saut connaître et en nous forçant à étudier, non point superficiel-
lement, mais jusque dans leurs détails les plus raffinés, les œu-
vres de nos grands maîtres français du seizième siècle.
(I) Monographie du château d’Anet, 30 livr. à 5 fr., chez l’auteur, 146,
rue de Vaugirard.