Ornementation Usuelle
De Toutes Les Époques Dans Les Arts Industriels Et En Architecture
Forfatter: Rodolphe Pfnor
År: 1866-1867
Forlag: La Librarie Artistique de e. Devienne et Cie
Sted: Paris
Sider: 418
UDK: 745.04 Pfn
Søgning i bogen
Den bedste måde at søge i bogen er ved at downloade PDF'en og søge i den.
Derved får du fremhævet ordene visuelt direkte på billedet af siden.
Digitaliseret bog
Bogens tekst er maskinlæst, så der kan være en del fejl og mangler.
80
n’a été réellement remise en lumière que de nos jours, ont essayé
de faire revivre cet art sublime ; les autres, émus de la naïveté, du
sentiment, de la hardiesse et de la variété inépuisable des arts du
moyen âge se sont voués à l’étude de cette grande époque, et ont
cru y trouver los éléments d’une Renaissance artistique. Grâce
à cette analyse complète du passé, nous sommes arrivés à la
connaissance approfondie de tous les styles, nous avons pu en
étudier les nuances les plus délicates, dégager les principes d’es-
thétique qui leur sont communs, épurer notre goût au contact des
chefs-d’œuvre des différentes périodes de l’histoire, nous fami-
liariser avec leurs procédés, les remettre en pratique, et déve-
lopper ainsi cette habileté que nous constations tout à l'heure.
Notre tâche n’est pourtant qu’à moitié remplie et nous devons
nous préoccuper aujourd’hui de tirer parti de toutes ces études
qui nous ont demandé plus d’un demi-siècle, en provoquant par
tous les moyens en notre pouvoir une révolution artistique, qui
soit l’expression des sentiments, des besoins et des idées de notre
temps.
La civilisation moderne a rompu complètement avec les ancien-
nes traditions; elle tend à s’asseoir sur des principes tout différents
de ceux qui faisaient la base des civilisations antérieures. Dispo-
sant des puissants moyens dont la science l’a pourvue, elle brisera,
dans un temps donné, tous les liens qui la rattachent au passé, et
ouvrira une ère nouvelle qui comptera comme une des plus
grandes étapes de la marche de l’humanité. Voilà ce qui nous
donne confiance dans le développement de l’art moderne, et ce
qui nous fait croire qn’il se replie en ce moment sur lui-même
pour accomplir prochainement une évolution brillante, dont notre
pays sera encore une fois le plus ardent promoteur. Il est donc du
devoir de tous ceux qui, comme nous, sont convaincus du grand
mouvement que doit enfanter le dix-neuvième siècle, de contri-
buer à répandre les connaissances acquises, et de lutter contre les
préjugés et les théories routinières qui entravent la gestation
artistique de notre époque. Car cet immense progrès ne s’accom-
plira, soyons-en persuadés, que du jour où l’art, entrant résolu-
ment dans la voie nouvelle, reconnaîtra franchement les tendances
modernes et en acceptera toutes les conséquences, le jour enfin
où, renonçant à n’ètre que le passe-temps de quelques amateurs,
et à servir exclusivement le luxe des classes élevées, il consen-
tira à employei’ les moyens nouveaux dont dispose l’industrie
pour populariser le goût du beau, et ne dédaignera plus de prêter
son concours aux plus modestes industries. Alors, le goût public
abandonnant un luxe misérable qui ne renferme qu’imitations et
mensonges, l’art redeviendra, comme à toutes les grandes épo-
ques, un besoin général auquel nos fabricants ne sauront plus se
soustraire.
Si nous tenons à hâter le moment où l’art reprendra la place
qu’il doit occuper dans la nouvelle organisation sociale, tous nos
efforts doivent avoir pour but de répandre, le plus largement pos-
sible, l’instruction parmi les classes laborieuses. L’enseignement
du dessin est plus qu’insuffisant ; les écoles populaires sont la plu-
part, sauf de rares exceptions, dirigées par des peintres médiocres,
manquant eux-mêmes de connaissances spéciales, qui se bornent
à faire copier éternellement les mêmes modèles à leurs élèves.
Aussi est-ce bien plutôt par l’émulation de l’atelier et leur éton-
nant instinct que se forment nos ouvriers, que par l’enseignement
presque nul que nous mettons à leur disposition. Les Anglais et
les Allemands nous ont devancés depuis longtemps sous ce rap-
port ; ils mettent tout en œuvre depuis quelques années pour
développer chez eux 1s sentiment artistique: cours publics, écoles,
publications spéciales, etc., etc., et s’ils ne nous font pas une
concurrence plus dangereuse, nous le devons bien plus à nos
facultés exceptionnelles qu’au soin que nous prenons de les
faire valoir. 11 y a là, cependant, pour nous un intérêt de 1 ordre
le plus élevé ; car les arts français comptent pour beaucoup dans
l’influence que nous exerçons non seulement sur 1 Europe, mais
jusque sur les contrées les plus reculées.
Ce n’est point du gouvernement que nous entendons récla-
mer l’initiative de cette importante réforme. C'est aux artis-
tes, aux industriels, à tous ceux qui vivent de notre industrie
artistique qu’il convient de s’unir dans une pensée commune
de progrès, et de créer un enseignement populaire, répondant aux
exigences de notre temps et digne des grands artistes dont s’ho-
nore l’école française du dix-neuvième siècle. Combien do
peintres, de sculpteurs, d’architectes trouveraient clans cet
échange mutuel l’occasion de mettre à profit de longues études et
des connaissances laborieusement acquises, dont ils ne trouvent
point l’emploi dans la sphère bornée où la spécialité les retient
enchaînés. Beaucoup d’entre eux comprendraient bientôt qu’il
n’est point de petit ni de grand art, etqu’un meuble bien composé,
une décoration bien entendue, une ornementation bien étudiée
valent beaucoup plus, au point de vue artistique, qu un mauvais
monument, un tableau sans originalité, ou une statue médiocre.
Les ouvriers, dirigés par de véritables artistes, s intéressant à
l’œuvre à laquelle ils seraient appelés à coopérer, se piqueraient
d’honneur, et il sortirait de cette louable rivalité une rénovation
artistique qui doterait inévitablement notre siècle d’un style com-
plètement original.
N’est-ce là qu’un rêve irréalisable, et nous faisons-nous illusion
sur l’avenir réservé à l’art moderne ? Nous ne le pensons pas.
Ces idées semblent depuis quelques années préoccuper de plus
en plus l’esprit public ; de toutes parts, dans tous les grands cen-
tres les cours s’organisent, les conférences scientifiques et litté-
raires se multiplient, tous les gens intelligents réclament à grands
cris l'extension de l’instruction populaire, comme la plus sûre
garantie de l’avenir, et, sans nul doute, l’art y trouvera bientôt
son compte. De pareils progrès ne s’accomplissent pas en un jour,
et ce qui nous confirme dans l’espoir de voir se réaliser cette
grande réforme artistique, ce sont les progrès déjà accomplis
depuis le commencement du siècle, et principalement dans le laps
de temps compris entre la première Exposition universelle de Lon-
dres et celle de 1867. Ces grands concourspermettent, en effet, d’ap-
précier l’espace parcouru par chaque nation dans toutes les parties
de l’industrie et des arts, et nous comptons bien sincèrement que
la prochaine Exposition de Paris nous permettra de saluer 1 au-
rore de cette Renaissance artistique moderne, que nous considé-
rerons comme une des plus grandes conquêtes du dix-neuvième
siècle.
A. DkLaRocql’E,
architecte.
FIN.
R. PFNOR, Propriétaire-Directeur.
Paris. _Typ. Rouge frères, Dunon et Fresué, rue du Four-St-Germain, 43.