Ornementation Usuelle
De Toutes Les Époques Dans Les Arts Industriels Et En Architecture
Forfatter: Rodolphe Pfnor
År: 1866-1867
Forlag: La Librarie Artistique de e. Devienne et Cie
Sted: Paris
Sider: 418
UDK: 745.04 Pfn
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tant de conserver des relations avec les peuples de l’Asie et de
l’Égypte, auxquels la civilisation grecque devait son origine, l’ar-
racha cependant à leur influence directe et lui assura la liberté de
modifier, suivant son génie propre et ses instincts indépendants,
les traditions qu’elle en avait reçues.
Les Grecs, race bien supérieure à ces peuples de l’Orient qui
leur avaient transmis les premières notions des arts et de la civi-
lisation, ne restèrent pas longtemps fidèles aux formules hiérati-
ques de leurs devanciers; comme elles ne répondaient pas à leurs
aspirations et à 1 esprit progressif dont ils étaient animés, ils les
rejetèrent bientôt, et soumettant lour brillante imagination à leur
sens droit, à une finesse d’observation peu commune et au senti-
ment du beau qui les distinguait, ils se livrèrent avec amour à
l’étude de la nature et parvinrent à créer cet art sublime, qu'il
faudra toujours considérer, quoi qu’on dise, comme l’art classique
par excellence.
Pour ne point sortir de notre sujet, les anciens n’employèrent
presque exclusivement que la peinture dans la décoration de leurs
appartements. Leurs pièces,, d’une dimension en général assez
restreinte, faiblement éclairées par de rares ouvertures, le plus
souvent par des portes s’ouvrant sous les portiques qui entouraient
les cours intérieures de leurs habitations, ne comportaient point
d ornementation en relief, laquelle exige un espace assez étendu
pour etre embrassée clans son ensemble, et emprunte son plus
grand effet aux oppositions d’ombre et de lumière.
Les ruines de Pompéï permettent d’étudier d’une façon com-
plète la peinture décorative telle que l’avait appliquée l’antiquité
à la décoration des intérieurs. Les nombreux spécimens que nous
montre cette ville, rendue à la lumière après un ensevelissement
de plus de quinze cents ans sous les cendres du Vésuve, ne peu-
vent être présentés comme des types d’une pureté irréprochable:
l’influence romaine s’y fait manifestement sentir; ils n’en conser-
vent pas moins les caractères les plus essentiels de l’art grec, et il
est facile d’en séparer l’alliage introduit par le goût équivoque
des Romains.
La disposition générale de ces peintures ne varie pas sensible-
ment; dans les plus modestes demeures comme dans les plus
somptueuses, elle reste toujours à peu de chose près la même.
La hauteur totale se divise en trois parties : un soubassement
d’un ton ferme et soutenu en occupe la sixième partie, des pilas-
tres, dont la largeur est égale à la moitié de la hauteur du soubas-
sement, séparent des panneaux d’un ton plus vif, puis une frise
constamment claire, légère, se relie avec les solivages du plafond;
quelquefois cette dernière est même complètement blanche. Sur
le fond noir ou brun très-intense des soubassements sont peints
des filets formant des combinaisons très-simples de lignes, ou
encore des plantes au feuillage et aux fleurs d’un ton sobre. Les
panneaux sont couchés alternativement en noir et en rouge,
entourés d’ornements en broderie fort délicats, jaunes, rouges,
blancs ou bleus. Dans leur milieu se détachent des animaux, des
insectes, des reptiles, des oiseaux, des emblèmes et des figu-
res très-simplement traitées. Les pilastres qui accompagnent ces
panneaux se composent de rinceaux ou d’ajustements de colon-
nes superposées, surmontés de frontons, en perspective, d’une
architecture élégante, toute de convention, laissant apercevoir le
jour à travers ses gracieuses silhouettes, et parfois animée de
figures. La frise est décorée d’attributs, ou n’est que le complé-
ment des compositions architecturales des pilastres, qu’elle sem-
ble continuer comme si les panneaux s’interposaient entre elles
et le spectateur. Sur les murs des portiques, ce sont aussi des
arbres dont les cimes se montrent au-dessus des panneaux.
L’harmonie des couleurs paraît, à première vue, quelque peu
hardie et même brutale ; mais, nous le répétons, il faut bien se
convaincre que les pièces étant très-peu éclairées, il devenait né-
cessaire de surexciter la coloration afin de lui donner une tona-
lité vigoureuse. Dans ce demi-jour, les effets qui semblent heurtés
prenaient de l’harmonie, puis le décorateur avait soin de rompre
des tons; il n’employait, par exemple, que du rouge légèrement
violacé ou du jaune orangé, et affaiblissait ainsi la violence des
tons francs.
Chez un peuple aussi raisonneur que les Grecs, cloué d’une mo-
bilité d’esprit si extraordinaire, d’une imagination aussi ardente,
la peinture décorative ne pouvait borner son rôle à produire des
sensations purement matérielles par l’harmonie des tons et la va-
riété des ornements; elle devait en même temps s’adresser à l’es-
prit. Voilà pourquoi le dessin, et principalement la figure hu-
maine, prend tant d’importance dans le décor de l’antiquité. Àu
milieu des panneaux s’encadrent de véritables tableaux représen-
tant tous les dieux de l’Olympe, toutes les fables mythologiques,
ses allégories délicates, des paysages, des batailles, les arts et
métiers exercés par de petits génies ailés, jusqu’à des caricatures
remplies d’esprit et de verve : des combats grotesques, des scènes
de la vie privée saisies sous le côté ridicule, etc., etc.
Tous ces tableaux se rattachent à la peinture proprement dite:
ils sont traités avec une facilité merveilleuse et une étonnante
liberté de touche. Bien que l’exécution en soit plus hardie que
correcte, le dessin se distingue par des qualités sérieuses de style
de grâce et de tournure. Un peintre de nos amis possède une col-
lection assez considérable de ces figures calquées au trait sur les
originaux, et nous avons pu apprécier combien le dessin, malgré
quelques fautes de proportion échappées à l’improvisation, en était
pur, les poses nobles et gracieuses, et par-dessus tout, avec quelle
science et quelle ampleur les draperies étaient agencées. Du
reste, nos peintres modernes, ceux qui se préoccupent encore du
style, ont largement puisé à cette source, et il serait à désirer
que ces dessins fussent plus répandus dans les ateliers, surtout
parmi les artistes qui ont à exécuter des travaux décoratifs.
Nous n’avons aucun goût pour les pastiches, nous sommes bien
éloignés de conseiller des reproductions des peintures de Pompéï;
nos mœurs, nos usages, notre climat s’y opposent. Cependant les
décorateurs modernes trouveraient, nous n’en doutons pas, un
grand profit à les étudier; elles leur fourniraient, par la simplicité
de leurs moyens, de beaux motifs desquels ils tireraient facile-
ment parti dans la décoration de certaines parties de nos bâti-
ments, et elles leur feraient peut-être abandonner ces éternelles
imitations de bois et de marbres fantaisistes dont ils badigeonnent
nos vestibules, nos escaliers et nos entrées de portes cochères.
A. DeLaRocque,
Architecte.
{La suite prochainement.)
R. PFNOR, Propriétaire-Directeur.
Paris. — Typ. Rouge frères, Dunon et Fresué, rue du Four-St-Germain, 43.