L'exposition De Paris 1889
Premier & deuxième volumes réunis
År: 1889
Forlag: A La Librarie Illustree
Sted: Paris
Sider: 324
UDK: St.f. 061.4(100)Paris
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X
L’EXPOSITION DE PARIS
L’EXPOSITION Å VOL D’OISEAU
Les pessimistes ont tort : cette fois,
FExposition est ouverte, et bien ouverte.
H ne dépend plus que de nous d’aller
voir toutes ces merveilles qui groupent
et qui résument en un coin de Paris la
civilisation du monde entier. Le détail
intéresse, l’ensemble surprend et trouble.
11 y a quelque trente ans, alors que le
bon Rollin trônait encore dans les cours
d’histoire, on s’extasiait devant les monu-
ments aux dimensions colossales, qui
avaient dominé de leur hauteur le cours
du Nil ou celui de l'Euphrate. Ce temps
n’est plus : la pierre est irrémédiable-
ment vaincue par le for. l’architecture do
métal triomphe sur toute la ligne. Allez
donc construire pierre par pierre un
Palais des Machines où l’Arc de triomphe
tiendrait à l'aise cl où un quartier de
cavalerie pourrait évoluer comme en
plein air ! Allez donc parler des hauteurs
de la Grande Pyramide, qui ne vient pas
même à la taille du géant de M. Eiffel!
Vantez donc les 159 mètres de la cathé-
drale de Cologne, alors qu’une Iquf de
fer découpe dans le ciel sa silhouette à
300 mètrels de hauteur!
Placez-vous sous le portique du Troca-
déro, en face même du pont d’Iéna, et
regardez le panorama magnifique qui se
déroule à vos pieds. C’est d’abord, dans
le parc même du Trocadéro, une variété
infinie de fleurs, d’arbres de toute couleur
et de toute essence, d’où émerge le pit-
toresque Pavillon dos Forets, tout en
bois des fondations à la toiture. C’est la
Tour Eiffel, avec sa fontaine monumen-
tale, sa membrure dentelée, son cam-
panile, ses feux électriques qui perpé-
tuent dans la nuit noire l’illusion du joui',
dans Paris endormi l'illusion de la vie.
A droite et à gauche de la Tour, voici
les pavillons de l’Ainérique du Sud et
l’Histoire de l’habitation humaine, la
hutte préhistorique et la demeure byzan-
tine, le roman et le gothique, la Grèce et
Rome,lcminaret arabe etlebulbe persan.
Plus loin, le Palais (les Beaux-Arts et
celui des Arts libéraux se détachent net-
tement du Palais des Industries diverses,
avec leur décoration céramique et leurs
coupoles, et tout au bout l’immense Ga-
lerie des Machines marque la limite de
FExposition du côté de l’Ecole militaire.
Nous avons essayé de donner de ce pano-
rama une idée très précise dans la gra-
vure qui illustre notre première page.
Notre supplément en couleurs suppose
le visiteur placé, non plus au Trocadéro,
mais près de la Seine et de FEspIanade
desinvalides. De là. le spectacle n’est pas
moins féerique. Sans parler de la bordure
géométrique que forment le long de la
Seine les galeries de l’Agriculture, le
regard est sollicité par une véritable forêt
de pavillons de toute sorte. Ce sont nos
colonies, qui ont chacune leur palais spé-
cial : minaret tunisien, pagode annamite,
village sénégalais, cabaret créole. En
face, le Palais du Ministère de la Guerre,
luxueusement construit et où Fou accède
par une porte bastionnée. On y verra les
engins divers inventés par les hommes
pour s’entretuer cérémonieusement, et
que de réflexions fera naître la compa-
raison de ces engins de destruction avec
les instruments de progrès industriel
exposés à deux pas plus loin ! La paix et
la guerre se coudoient à l’Exposition.
comme si tous ceux qui s’y promèneront
devaient peser les avantages de l'une et
les ruines de l’autre.
P.
•LE CHANT DU SIÈCLE
P.ièce dite à la Comédie-Française le 6 mai 1889.
PERSONNAGES :
La Poésie.......... M110 DUDLAY
La France.......... M"G BRANDES
(Dans un décor de France sont groupés les sociétaires et pen-
sionnaires de la Comédie-Française. Statues ou bustes des poètes
français du xix* siècle.)
LA KRANCE.
(Elle entre et va s’incliner devant la Poésie.)
Salut, ô Poésie éternellement belle!
LA POÉSIE.
Source vive d’amour toujours jeune et nouvelle.
Cœur qui fus un héros quand le sort le voulut.
Douce France, ô Patrie adorable, salut !
LA FRANCE.
Ici, dans ta maison, la maison de Molière,
Je viens te demander, déesse hopitalière.
De célébrer, avec l’univers, avec moi,
Les cent ans accompli de la nouvelle Foi.
Un siècle est révolu depuis les jours sublimes
Où, vers la Liberté qui descendait des cimes,
S’élança, transporté d’amour, un peuple neuf :
A l’horizon qui luit, revient Quatre vingt-neuf.
J’ai convié, d’un bout à l’autre de la terre,
Nos amis, nos rivaux, à ce grand centenaire.
Et jaloux d’emporter un pacifique prix,
Ils se sont assigné rendez-vous dans Paris,
Pour l’éclatant concours, pour la fête féconde.
Qui sont ouverts à tous les travailleurs du monde.
Ils vont venir. Déjà retentissent leurs pas.
Et sur les bords du fleuve, au Champ de Mars, là-bas,
Pour faire un digne accueil à leur foule hâtive,
La Science aux yeux clairs et l’industrie active.
Ont érigé, parmi les palais spacieux,
La Tour de fer, par où l’on croit monter aux cieux.
Spectacle unique, étrange, et vraiment grandiose !
Là, dans un radieux décor d'apothéose,
Les Nations verront resplendir au soleil
Tous mes trésors, en leur plus superbe appareil :
Ce qui fait mon orgueil et ce qui fait ma force.
Le lin flamand, le blé chartrain, le marbre corse,
L’olivier provençal et le chêne breton,
La dentelle normande au délicat feston,
Mes vins couleur de pourpre et mes vias couleur d’ambre,
Le dur métal forgé sur l’Indre ou sur la Sambre
Et celui qu’on ciselle en bijoux féminins.
Les mille objets auxquels, de ses coquettes mains,
Paris donne sa grâce et son charme féerique.
Mes tableaux couverts d’or par la riche Amérique.
Et pour couronner tout, les robustes travaux
Dus à mes grands sculpteurs, ces maîtres sans rivaux.
Mais si j’ai su dompter force fluide ou flamme.
Tant d’éléments rétifs, vifs, subtils comme une âme.
Et ce qui, jadis foudre, est électricité,
Si j'ai su contenir, plier à volonté,
Chacun de ces Titans, Protée insaisissable
Qui vous glissait des doigts mieux que Fonde et le sable,.
Et mieux que les oiseaux s’envolait dans l’éther,
Il est un autre honneur dont j’ai le cœur plus fier:
Celui qui vient de toi, divine Poésie.
Je voudrais, bénissant l’occasion saisie.
Te voir tenter, sans nuire à do nobles essais.
Un vaste déploiement des chefs-d’œuvre français
Nés d’un siècle d’audace et de mélancolie;
Grâce à toi, je voudrais, ainsi que Cornélie,
En montrant ma richesse aux visiteurs reçus,
Leur prouver que mon âme est encore au-dessus.
LA POÉSIE.
O France ! dès longtemps, pour la date sacrée
J’ai compris mon devoir et me suis préparée.
Que tous tes conviés viennent ! Je les attends.
J’ai choisi les plus purs chefs-d’œuvre en ces cent ans;
Et pour qu’aucune part n’en puisse être perdue,
Ils paraîtront dans la splendeur qui leur est due.
Tes poètes d’hier et d’aujourd'hui sont grands :
Jamais je n’avais vu si hardis conquérants,
Au milieu des rayons, au-dessus des désastres,
Naviguer vers l’azur et conquérir des astres.
Debout, dès le lever du siècle, à l’orient.
Parmi dos bruits confus d’armes, Chateaubriand
Rêve dans l’aube en pleurs et la sanglante aurore ;
Un monde au loin s'écroule ; et tel que son Eudore
D’une prêtresse vierge épris dans les bois noirs,
11 offre son cœur plein de tous les désespoiis
A la Nature, à la puissante charmercssc.
Désormais son unique et suprême maîtresse,
Puis, pour rouvrir le ciel à son temps attristé.
Sur l'autel qu’il relève, il sculpte la Beauté.
Dans le vallon, au son de la cloche argentine,
L’âme et les yeux en haut, médite Lamartine ;
11 prie, il aime, il chante un hymne fraternel;
Sa pensée est un mont neigeux et solennel ;
Sa pensée est un lac transparent et limpide
Où, sur des profondeurs que nul souffle ne ride,
Un cygne immaculé nage en plein firmament ;
Sa pensée est un fleuve immense et véhément
Portant l’Espoir humain vers la Terre promise.
Loin des foules, grand, triste et seul, comme Moïse,
Amer comme Samson livré par üalila,
Vigny, hanté par ceux que rien ne consola.
Demande compte à Dieu d'un inonde de soulfrance.
Et, voix pure aspirant à l’éternel silence.
De son vers indigné soufflette les Destins.
Dumas parait : il a l’éclat des beaux matins ;
Devant le peuple, il fait rire et pleurer l’IIistoire ;
La vaillante gaité qui donne la victoire,
L’illumine ; en trois pas, il va du sud au nord ;
H adore la vie, il ne craint pas la mort,
11 no craint que l’ennui stérile et que la lionle ;
Son œuvre est la forêt gigantesque, qui monte
A l’assaut des sommets les plus vertigineux.
De sa robe de moine aux reins serrant les nœuds,
Balzac travaille. 11 est mystique comme Dante,
Et comme Rabelais il est humain. 11 tente
Ce que tenta Shakspeare. Apre effort I quels sanglols.
Quels élans ! Sous son crâne, ainsi qu’en un chainp-elos.
Toutes les passions fauves sont déchaînées...
Des générations de ses romans sont nées,
Si bien il a su vivre en des milliers de cœurs,
Si bien il a fouillé de ses ongles vainqueurs,
Chercheur d’or sans pitié, l’inépuisable mine !
Musset cherche l’amour, cette perle divine ;
Il en meurt; la Nuit pâle, au long voile étoilé,
Le baise au front ; il pleure, il se sent consolé ;
Il espère en un Dieu qu’il ne peut pas comprendre.
George Sand, sein gonllé de maternité tendre
Au Rêve maladif épanche un Ilot de lait.
Que d’autres à nommer, de Brizeux à Bouilhet,
L)c Béranger narquois, an fatal Baudelaire :
Barbier, jet bouillonnant de sève populaire;
Doluvigne, Soumet, Méry, les deux Deschamps ;
Pierre Dupont, avec la fraîche odeur des champs;
Moreau, Murger, avec leurs rimes décoiiïëes;
Gérard, ressuscitant nos vieilles chansons fées ;
Gautier, cct impeccable et hautain ciseleur;
Sainte-Beuve, au sourire imprégné de douleui",
Scribe amusant Paris, Ponsard évoquant Rome ;
Barrière, qui d’un mot démasque un faux-bonhomme ;
Labiche, Monselet, Gozlan, ces lins railleurs,
Delphine Gay, Sandeau!... J’en passe, et des meilleurs!
Car tout pâlit : je vois, vision souveraine,