L'exposition De Paris 1889
Premier & deuxième volumes réunis
År: 1889
Forlag: A La Librarie Illustree
Sted: Paris
Sider: 324
UDK: St.f. 061.4(100)Paris
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L’EXPOSITION DE PARIS
131
blêmes posés à l’art de l’ingénieur. Admi-
rablemi'iit secondé par des esprits d’élite,
il na reculi! devant aucune difficulté. Le
grand Archimède, chez lequel l’ingénieur
n’avait peut-être pas tout à fait tué le
poète, a dit aux siècles futurs : « Si l’on
m'eût donné un levier et un point d’appui,
j’eusse soulevé le monde. » M. Eiffel
n’est point coutumier de ces métaphores;
mais, avec les puissants vérins logés dans
les sabots des piliers de sa tour, il la sou-
lève à volonté lorsque le besoin s’en fait
sentir; or elle pèse environ6,500,000 ki-
logrammes. Archimède eût été satisfait
de ses successeurs, nous sommes endroit
de le supposer.
Il ne faudrait pas croire que les con-
structeurs de la Tour de 300 mètres, par-
tageant l’enthousiasme expansif du monde
entier qui les admire, aient renoncé, pour
le moment, à tirer de leur œuvre des
conclusions pratiques et se reposent, en
quoi que ce soit, sur le succès obtenu.
Us sont les premiers et les seuls, peut-
être, en ce moment, à se demander quels
enseignements ils en peuvent tirer et ce
qu’elle leur apprendra pour l’avenir. Ces
enseignements seront nombreux. Nous en
avons recueilli quelques-uns en leur com-
pagnie.
Le premier et le plus original est que
le prix du kilogramme de Tour Ei/Jel
est de un franc. Ce n’est en vérité pas la
peine de s’en priver.
Autre considération instructive. Il est
intéressant de savoir si l’on pourrait pous-
ser au delà de 300 mètres la construction
des tours en fer du môme genre. Nos
constructeurs n’en doutent pas et ce n’est
pas la hauteur qui les effraye; mais en
raison dos considérations de résistance au
vent, dans lesquelles nous n’entrerons pas
ici, pour augmenter la hauteur de la Tour
il faudrait démesurément augmenter, dans
une proportion logarithmique, la surface
de base, remplacement qu’elle occupe et
qui est déjà de plus de 10,000 mètres
carrés; on y regarderait donc à deux fois.
Cependant la surface totale des fers qui
constituent les montants, pour la tour
actuelle., coupés à 2 mètres du sol et réu-
nis, ne dépasse guère 3 métros carrés ;
mais pour s’élever au-dessus de 300 mè-
tres, il faudrait aller chercher les points
d’appui à des distances telles les uns des
autres que la quantité de fer employée,
jusqu’au premier étage, deviendrait con-
sidérable et onéreuse. Nous parlons de
premier étage et ce ternie constitue, en
effet, uns indication précise, car il faudra
bien dans les tours de l’avenir, comme on
l’a fait pour la Tour du Champ de Mars,
réunir par des poutres de pont horizon-
tales les montants lancés en porte à faux
dans l’espace. Cette réunion ne peut
guère se faire à plus de 50 ou 60 mètres
de distance, ce qui limite à 60 mètres
environ, la hauteur au-dessus du sol du
premier étage de toute tour imaginable.
Dussions-nous désespérer nos concurrents
étrangers ; ils ne pourront guère dépasser,
d’ici quelque temps, la hauteur de 300 mè-
tres que nous avons atteinte, cl le plus
haut monument du monde est, jusqu’à
un nouvel ordre qui risque de se faire
attendre, la Tour Eiffel.
En attendant que ce maximum pratique
soit dépassé, il va incontestablement
donner naissance à une quantité de ponts
de dimensions colossales. Il est démontré
par l’expérience faite au Champ de Murs
que l'on peut édifier des piles métalliques
do 300 mètres de hauteur. Lors donc que
nos ingénieurs, dans leurs projets, dessi-
neront des piles de 120 ou 130 mètres de
hauteur, on n’aura môme pas l’idée de
s’en étonner cl, deles discuter, ce qui n’eût
pas manqué de se produire hier en-
core. L’exemple est récent. Dans l’avant-
projet du viaduc de Garabit, Léon Boyer
avait prévu des piles en maçonnerie de
60 mètres de hauteur; dans son projet
d’exécution, comme entrepreneur de l’ou-
vrage, M. Eiffel proposa résolument de
construire ces piles en métal. Le Conseil
des ponts et chaussées hésita longtemps ;
il fallut que M. Eiffel jetât à scs risques et
périls, en bon Gaulois qu’il est, sa respon-
sabilité dans la balance, pour la faire
pencher du côté de la solution métallique.
Si demain pareille discussion se repro-
duisait, gageons que quelque conseiller,
d'oreille un peu dure, demanderait, en
opinant du bonnet, s’il s’agit de piles en
métal de 160 mètres de hauteur. L’ensei-
gnement est acquis, le progrès est accom-
pli. Sans la Tour Eiffel, au Champ deMars,
jamais nos ingénieurs et nos architectes
ne se seraient haussés jusqu’à projeter
les dômes gigantesques de l’Exposition
universelle et cette colossale autant que
merveilleuse Galerie des Machines, de
115 mètres de portée, qui fait tant d’hon-
neur à MM. Gontamin et Dutert. Les
mêmes protestaires que lu Tour Eiffel mil
naguère on rumeur, et que M. Lockroy
houspilla si bien au moment voulu,
eussent certainement accusé ingénieurs
et architectes de vouloir écraser l’Expo-
sition universelle sous l'immensité de
leurs constructions en fer. La Tour joua
moralement le rôle do paratonnerre sous
Forage de ces indignations bouffonnes ;
clic n’a plus maintenant affaire qu’aux
orages atmosphériques et ne paraît pas
s’en soucier davantage.
Nous ne saurions oublier, parmi les con-
sidérations originales (pie la Tour Eiffel
inspire, tout ce qu’elle suggère de varié
à l’esprit de nos statisticiens. Ils l'ont pe-
sée, mesurée, détaillée déjà dans toutes
ses parties. Mieux que M. Eiffel lui-même,
ils ont compté, tout d’abord, 2 millions
et demi de rivets et 7 millions de trous
percés dans les fers. Ils ont compté, le
jour même do l’inauguration, le nombre
des marches des escaliers jusqu’à 1 ex-
trême sommet, et en ont trouvé 1,792,
nombre fatidique ! Ils ont rappelé à M. Eif-
fel qu’en s’asseyant dans son fauteuil de-
vant sa tablede travail, il exerçait sur son
plancher une pression de quatre kilo-
grammes par centimètre carré : or, la
Tour de 300 mètres n’exerce sur le sol
qu’une pression do deux kilogrammes par
centimètre carré, moitié moins que le
grand constructeur, encore qu'elle le dé-
passe debout de 298"’,30!
M. A. de Foville a relaté toute sorte
de recherches statistiques de ce genre
dans une leçon savante et amusante tout
à la fois, faite sur la Tour Eiffel au Con-
servatoire des Arts et Métiers.
Etes-vous soigneux et soucieux do sous-
traire à lu poussière la Tour de 300 mè-
tres ? Mêliez une housse dessus ; il ne fau-
dra pour cela que 75,000 mètres de toile,
un joli ruban de tissu allant de Paris à
Beauvais.
Voulez-vous, Barnum géant, démonter
la Tour et la transporter en province pour
éviter les ennuis d’un voyage à nos amis
des départements? Scs 6,500 tonnes de
métal ne vous demanderont pas moins de
cent trains de marchandises, et c’est le
poids de cent mille hommes que vous
aurez transporté.
Un simple déplacement de lu Tour dans
Paris serait aisé,— par hypothèse. — Il
suffirait de mettre la tour sur des rou-
lettes et d’atteler après elle la moitié des
chevaux de la Compagnie générale des
omnibus. Si la déchéance de colle Com-
pagnie est rigoureusement mise à exécu-
tion, un jour ou l’autre, voilà pour sa ca-
valerie un emploi tout trouvé ; il restera
même des chevaux de rechange.
La Tour de 300 mètres aura coûté en-
viron 5 millions de francs. Transformons,
— par la pensée, — ccttc petite sommé
en pièces de vingt francs; empilons-les,
— par hypothèse,— et les 250,000 louis
d’or, ainsi étagés, formeront une colonne
ayant juste la hauteur de la tour de fer.
Laissons ici la statistique. Elle se fait
dédaigneuse en nous forçant à remarquer
que le Pic du Midi a près de dix fois et le
Mont-Blanc seize fois la hauteur de la Tour
Eiffel; nous l’aimons mieux élogieuse et
parfois joyeuse, ccttc bonne statistique,
dans ses comparaisons et ses calculs inat-
tendus.
Laissons aussi les moralistes nous faire
observer que les grands hommes et les
petits, vus du haut delà Tour de 300 mè-