L'exposition De Paris 1889
Premier & deuxième volumes réunis
År: 1889
Forlag: A La Librarie Illustree
Sted: Paris
Sider: 324
UDK: St.f. 061.4(100)Paris
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L’EXPOSITION DE PARIS
tres, no diffèrent guère les uns des au-
tres. Il n’est pas nécessaire de monter si
haut pour s’en apercevoir.
Nous n’avons cherché, dans cette brève
note sur cet inépuisable sujet, que quel-
ques enseignements à retenir : le mieux
est encore d’en demander la conclusion à
]\1. Eiffel lui-même. Voici comment il s’ex-
primait récemment sur ce point, et nous
pouvons le croire :
« Non seulement, disait-il, la Tour
promet d’intéressantes observations pour
l’astronomie, la chimie végétale, la mé-
téorologie et la physique, non seulement
elle permettrait, en temps de guerre, de
tenir Paris constamment relié à la France,
mais elle sera surtout la preuve éclatante
des progrès réalisés au cours de ce siècle
par Fart des ingénieurs. Seule notre épo-
que a pu dresser des calculs assez sûrs
et travailler le fer avec assez de précision
pour aborder une pareille entreprise. La
Tour de 300 mètres rappellera an monde
que, si nous lui donnons des artistes hors
ligne, nous lui donnons aussi ces ingé-
nieurs éprouvés que tous les continents
se disputent pour édifier leurs phares,
leurs ponts et leurs viaducs... »
Ces paroles du grand ingénieur sont un
juste cri de fierté et d’espérance. Un peu-
ple qui, dans ses jours de tristesse et de
souffrance, construit, aux yeux du monde
étonné, les merveilles de la Tour Eiffel et
les palais géants de l’Exposilion univer-
selle de 1889,. ne saurait craindre pour
son avenir ni pour ses destinées. Ce ne
sont point là des œuvres de décourage-
ment et de relâchement moral, ce sont
des preuves do vitalité et d’énergie que
scs ennemis les plus sceptiques ne sau-
raient lui contester.
Lorsque « la moitié du monde aura
passé au Champ de Mars, en 1889 »,
comme l’écrivait tout récemment le ré-
dacteur anglais du Pall-Mall Gazette,
le monde restera étonné sous le charme
spécial de cet imposant spectacle.
Et, comme un patriotique écho, à tra-
vers les caravanes des nations accourues
au pied de notre Tour construite enfer
de Lorraine, se répercutera cc dernier
cri du vénérable Chevreul succombant
sous le poids des neiges d’un siècle : « Que
c’est beau ! »
Max de Nansouty.
QUELQUES ÉVALUATIONS
Les prévisions de l’administration portent à
400,000 le nombre de personnes qui peuvent
circuler sans trop de peine dans les parties de
l’Exposilion ouvertes le soir, en y comprenant
l’Esplanade des Invalides, côté des Colonies, et
l’allée centrale du quai d'Orsay.
On compte sur 250,000 entrées moyennes
dans les journées des dimanches, et, le prix
étant également de un franc pour la soirée, il
n’y pas d’exagération à compter sur 150,000
entrées du soir durant les belles nuits d’été.
LES TISSEUSES KABYLES
Sans s’en douter, le public fait de lui-même
des classifications dans l'Exposition, et chacun
va, d’instinct, où le poussent son tempérament
el ses goûts.
Un des coins les plus curieux de l'Exposition
universelle est la partie de l’Esplanade des
Invalides réservée aux colonies. Cette agglomé-
ration de constructions originales offre un
aliment aussi bien à la simple curiosité du
simple badaud qu’à l’observation du penseur et
à l’élude de l’artiste. Dans ces sortes d’exhi-
bitions, on avait, généralement, reproduit
pour ainsi dire en décors les habitations dont
on voulait montrer un spécimen, et, dans ces
baraques en toiles peintes, on avait installé des
aborigènes de Montmartre ou de Belleville
accoutrés de costumes plus ou moins exacts
empruntés à la friperie d’un théâtre quelconque.
Cette fois, ce n’est pas une reproduction, c’est
la maison elle-même que l’on voit, et les êtres
qui vivent là sont débarqués hier des contrées
lointaines dont on veut révéler l’existence.
Rien ne peut donner une impression plus
saisissante des mœurs arabes que cet intérieur
kabyle, reproduit par notre gravure. Dans un
gourbi grossier contruit en torebis et dont le
sol est fait de terre battue, réduit sombre et
triste où>le jour et l’air pénètrent à peine, des
femmes accroupies sur les talons travaillent à
tisser de la toile sur un métier primitif. Ces
fellahs exécutent leur besogne avec régularité
et sans lever les yeux sur les visages curieux de
la foule qui les entoure, sans se préoccuper du
milieu grouillant et si nouveau dans lequel elles
ont été brusquement emportées. Elles ont des
attitudes pleines de grâce hiératique el simple
qui rappellent certaines peintures égyptiennes
du temps de Sésostris ; leurs mains agiles vont
et viennent sans relâche, ne s’arrêtant qu’à
l’heure d’un maigre repas composé de riz, de
galette de maïs et d’eau. Aucune pose, aucun
effet voulu, aucun cabotinage; on a la vision
d’une scène biblique.
Fbantz Jourdain.
AUTOUR DE L’EXPOSITION
LÀ RECONSTITUTION HISTORIQUE
DE LA TOUR DE NESLE
Paris vit non seulement dans ses expositions,
mais encore il revit dans toutes les manifesta-
tions de son goût, de son art, de son histoire.
— Les visiteurs ne s’intéressent point unique-
ment à l’expression moderne et vivante de sa
physionomie si curieusement mobile, ils veulent
retrouver en lui ses beautés pittoresques d’au-
trefois. Le Paris qui vient n’expulse pas le
Paris qui s’en va; il y ajoute une poésie souve-
raine, et les reconstitutions des monuments de
Paris à travers les siècles ont toujours séduit
les peintres, les architectes, les archéologues
et tous les lettrés.
Jamais cependant on n’avait apporté autant
de passion qu’aujourd hui à remettre dans la
lumière crue du temps moderne les grandes
silhouettes du passé consacrées par l'histoire,
documentées par lagravure et chantées par les
écrivains.
Les monuments qui ont joué un rôle dans
les événements dont nous fêtons le centenaire,
n’ont pas seuls droit à l’attention publique. La
Bastille a eu son rétablissement, et son succès
est aujourd’hui épuisé. Mais comme si on avait
voulu donner une idée plus profonde de la
féodalité et des crimes royaux d’autrefois, un
esprit ingénieux s’est avisé de remettre sous-
nos yeux la tour de Nesle elle-même.
La tour de Nesle! qui ne connaît la sombre
légende qui s’y attache et sur laquelle Alexandre
Dumas et Gaillardet ont bâti leur drame, deve-
nu célèbre, et dont tous les personnages sont
aujourd’hui connus etsi populaires.
Marguerite de Bourgogne ! Jean Buridan !
Gauthier et Philippe d’Aunay!
Cette tradition remonte loin. Brantôme, dans-
un de ses livres, parlant de la tour de Nesle,
mentionne les bruits qui couraient sur la prin-
cesse de Bourgogne « qui y faisoit appeler les
passants qui lui agréoient le plus et venir à
elle, et après en avoir tiré ce qu’elle en vouloit,
les faisoit précipiter du haut de la tour en bas
dans l’eau. » Nous citerons aussi le témoignage
du poète François Villon qui, après avoir passé
en revue les grandes figures des reines, s’écrie :
Semblablement, où est la royne
Qui commanda que Buridan
Fût jeté en un sac en Seine?. .
Mais où sont les neiges d’antan!
Robert Gaguin dit que le célèbre docteur
« Jean Buridan eut le bonheur d’échapper ».
Plusieurs dessins, et surtout les remarquables
gravures si connues de Jacques Callot, nous
ont laissé l’image exacte de la tour de Nesle.
C’est d’après ces documents, et en s’appuyant
sur des données plus rigoureuses encore, qu’un
chercheur et un artiste, M- G- Seguin, très épris
de l’art et de l’architecture du moyen âge, a
reproduit avec un goût très sûr et une exacti-
tude scrupuleuse, le monument le plus célèbre
du vieux Paris de Philippe-Auguste. C’est, en
effet, sous le règne de ce roi que fut, en U 90,
construite la tour de Nesle, sur la rive gauche
de la Seine, à l’endroit occupé aujourd’hui par
l’aile gauche de l’institut. C’était alors une des
quatre grandes tours destinées à commander et
à fermer le cours du fleuve. Ses fondations sur
pilotis se trouvaient au-dessous du niveau des
eaux.
Nous la voyons aujourd’hui reconstruite telle
qu’elle était alors. C’est tout près du Champ
de Mars, avenue de Lamotte-Piquet, sur un vaste
emplacement de plus de douze mille mètres,
que s’élève, flère et superbe, la fameuse Tour
haute de vingt-six mètres, grosse, ronde, un
peu massive et accouplée à une seconde tour
plus légère et plus élevée de trente-trois mètres,
dans laquelle est pratiqué un escalier à vis qui
dessert la tour principale et qui conduit jusqu’à
la plate-forme supérieure. De là on découvre
une admirable vue sur Paris et les environs, et
principalement sur l’ensemble entier de l’Expo-
sition qui se détache sous nos yeux, presque à
nos pieds, comme un gigantesque plan en
relief.
A quelques pas de la Tour et réunie par un
pan de mur à créneaux, se trouve la porte de
Nesle, flanquée de deux tourelles et garnie
d’un pont-levis. Enfin un peu en arrière nous
distinguons le Grand-Hôtel de Nesle qui donnait
autrefois son nom à l’ensemble des bâtiments.