L'exposition De Paris 1889
Premier & deuxième volumes réunis
År: 1889
Forlag: A La Librarie Illustree
Sted: Paris
Sider: 324
UDK: St.f. 061.4(100)Paris
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Ç5
L’EXPOSITION DE PARIS
FÊTE DE NUIT
L’heure avance, et la nuit est ve-
nue. La féerie va commencer, et nul
ne saurait la décrire. Dans la pénombre
au sein de laquelle on distingue encore
les silhouettes d’édifices, les dômes, les
coupoles, les façades des palais, les gale-
ries se profilant, des gerbes de flammes
ont jailli soudain. Puis, dans cet embra-
sement général, naît une symétrie lumi-
neuse qui envahit les espaces, se poursuit
dans les lointains. Aux grandes lignes
succède un enguirlandement général. Les
dômes apparaissent recouverts d’une den-
telle de feu; en même temps des projec-
tions électriques s’étendent sur Paris,
jouent dans l’espace, font passer toutes
les couleurs de l’arc-en-ciel sur les fon-
taines jaillissantes, sur la multitude qui
s’amasse longuement et fait une houle
noire dans le clair intense où elle se
meut.
Jamais on ne vit le réel enveloppé
d’une telle fantasmagorie. Toutes les
perspectives sont changées et prodigieu-
sement élargies; les êtres eux-mêmes
sont comme transfigurés, les groupes des
fontaines ressemblent à des tableaux
vivants. Du côté du Palais des Arts, les
statues qui se dressent à l’extérieur sem-
blent participer au mouvement général.
Charlotte Corday médite de nouvelles
représailles, Judith cherche un autre
Holopherne, le berger Jupille étrangle un
second loup, et le musicien hongrois à
la houppelande de bronze joue plus
furieusement que jamais la Marche de
Rakocsy. Jusque dans les profondeurs
des salles de la sculpture, rayées par les
torses des marbres et des plâtres, il
semble qu’il ait pénétré quelque chose de
cette vie surchauffée et de ce souffle qui
sévit en tempête au dehors.
A la longue seulement la rumeur tombe
et la foule, lentement, remonte vers les
issues. L’embrasement des édifices pâlit,
l’arc-en-ciel de couleurs s’efface, les
girandoles de lumière s’éloignent. La
fantasmagorie cesse cl lu nuit, longtemps
refoulée, déploie enfin ses ombres sur
cette synthèse des cinq parties du monde.
Encore quelques instants et l’univers
entier dormira dans la même nuit, l’uni-
vers où il fait jour d’un côté quand il fait
nuit de l’autre! X.
L’ÉLECTRICITÉ AU CHAMP DE MARS
Il se fera à l’Exposition universelle de véri-
tables débauches de lumière électrique. Jamais,
dans aucun endroit, on n’aura rien vu de sem-
blable jusqu’alors. Tous les inventeurs, tous les
systèmes ont été appelés; l’Angleterre, la Bel-
gique, l’Alsace ont apporté leur contingent de
lumière à côté de celle que fournissent les com-
pagnies françaises. La grande Galerie des Ma-
chines qui, le jour, a l’aspect si aérien, tant son
toit immense laisse entrer de lumière, a, le
soir, un aspect féerique. On peut imaginer ce
qu'il a fallu de fils et de lampes pour éclairer
sa superficie de 45,696 mètres carrés, avec les
galeries de son pourtour. Tout au haut de la
net sont quatre lustres de deux mètres de dia-
mètre, ayant chacun douze régulateurs, montés
par la Société Gramme; plus bas, suspendus à
d’immenses tiges, viennent se placer sur chaque
ferme, à peu près à la hauteur où celles-ci pren-
nent la direction verticale pour poser sur le sol,
5 lampes à arc qui couvrent de lumière le
monde bruyant des machines.
11 y a en tout, dans la galerie. 86 de ces lam-
pes de systèmes divers, qui ont été attribuées
à huit compagnies différentes. Les 86 régula-
teurs sont toujours en fonction et leur lumière
suffit bien à éclairer le grand espace consacré
aux machines ; les lustres ne fonctionnent pour
ainsi dire que par surcroît, et leur service sera
interrompu quand le courant qui les alimente
servira à l’éclairage des fontaines lumineuses.
Nous dirons peu de choses de l’éclairage des
galeries du pourtour du bâtiment des Machi-
nes; comme il y a deux étages, on a dû leur
donner 276 régulateurs et un assez grand nom-
bre de lampes à incandescence. Il serait fatigant
d’entrer dans le détail de tous les foyers qui
distribueront la lumière aux grands dômes, aux
diverses galeries, aux bureaux, aux cours, aux
avenues, au magnifique jardin qui semble être
sorti, comme par l’effet d’une baguette de fée,
des terrains stériles du Champ de Mars.
Ce qu’il est nécessaire de noter, ce sont les
stations centrales et les postes. Il y a six sta-
tions, qui sont comme les sources de celte
grande richesse lumineuse, jetée à profusion
sur les terrains et dans les bâtiments de l’Expo-
sition; ces stations sont cachées autant que
possible, reléguées dans les parties les plus dé-
sertes et les plus isolées ; la station Gramme est
dans un jardin, tout auprès de la station de la
Société pour la transmission de la force. La
station placée à l’intérieur du pavillon est de
la maison Ducommun; un syndicat Edison a
placé sa station derrière le Palais des Beaux-
Arts, sur l’avenue la Bourdonnais. Il y a une
station entre les stations Gramme et Marcel
Deprez. Pour les postes d’électricité, ils sont au
nombre de neuf, répartis dans les différentes
parties du bâtiment des Machines. On y trouve
des moteurs à gaz de la Compagnie parisienne
et de la Compagnie Otto, un moteur à air com-
primé Popp, des machines à vapeur de types
divers.
Ces installations représentent une force mo-
trice d’environ 3,240 chevaux, qui produisent
une lumière totale équivalant à 160,000 ou
170,000 carcels. Ce n’est là qu’un minimum, car
il faudrait encore tenir compte de nombreuses
installations particulières faites par les expo-
sants eux-mêmes, notamment par la Société
alsacienne de constructions mécaniques, qui
s’est donné un splendide éclairage électrique.
Jamais, en somme, on n’aura accumulé à ce
point les foyers de cette nouvelle lumière, qui
semble être la lumière de l’avenir. Que de che-
min parcouru depuis les premiers essais qui en
ont été faits ! Ce progrès inouï est dû à des cau-
ses diverses, mais surtout au perfectionnement
des machines dynamos, aux progrès faits dans
leur rende nent, à la découverte des meilleurs
procédés .ratiques pour produire l’incandes-
cence, à 11 meilleure fabrication des crayons
électrique!, et des régulateurs de lumière.
LES COLONIAUX
A LJJSTLANADE DES INVALIDES
(Suite et fin.)
C’est tout une petite armée coloniale
qui fait la garde de ces palais et de ces
temples exotiques, et il faut reconnaître
que ces militaires au teint noir ou cuivré,
au costume éclatant, sont bien moins
dépaysés au milieu des constructions de
(Esplanade des Invalides que les Pari-
siens qui s’y promènent en redingote ou
en veston.
Ce. sont d’abord dix cipayes de l’Inde
française (on sait qu’un traité, conclu
jadis avec l’Angleterre, nous interdit
d’entretenir aux Indes une armée colo-
niale; nos possessions n’y fournissent
donc, en fait de troupes indigènes, qu’une
seule compagnie de cipayes). Les dix
robustes hommes qui figurent à F Expo-
sition sont commandés par M. le lieute-
nant indien Roman, déjà célèbre dans le
quartier de l’École militaire par sa tour-
nure martiale et sa superbe allure.
Le lieutenant Yoro-Coumba commande
douze tirailleurs sénégalais ; Yoro-
Coumba est chevalier de la Légion
d’honneur, il compte environ une tren-
taine d’années de service et a conquis
tous ses grades en combattant pour la
France. Un maréchal des logis, qui l’ac-
compagne, est chargé du commande-
ment de six spahis sénégalais dont la
veste rouge fait coquettement ressortir
le teint d’un noir admirable. Notons
encore dix tirailleurs sakalaves de Diégo-
Suarez, reconnaissables à leur petite
calotte de toile; le corps des Sakalaves
est recruté parmi les indigènes de Mada-
gascar amis de la France; l’organisation
en est recente et l’uniforme un peu rudi-
mentaire dont il est pourvu n’est pas
encore définitif.
Grand succès aussi pour les vingt
tirailleurs tonkinois, du 4e régiment, et
les dix chasseurs annamites que com-
mande M. le lieutenant Xhûu : avec leurs
petits chapeaux plats, leurs chignons
d’un noir de jais, ils ont l’allure très mili-
taire ; c’est merveille de les voir s’aligner
au commandement, obéir aux portez
armes! présentez armes! en avant,
marche... et les voilà partis, marchant
au pas comme de vieux troupiers à mine
allègre et convaincue. El pourtant, que
notre ciel doit leur paraître pâle et qu’ils
doivent se trouver loin de chez eux! 11