L'exposition De Paris 1889
Premier & deuxième volumes réunis
År: 1889
Forlag: A La Librarie Illustree
Sted: Paris
Sider: 324
UDK: St.f. 061.4(100)Paris
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L’EXPOSITION DE PARIS
20
SQ
"T"
me semble que toutes ces constructions
annamites et chinoises, ces pagodes aux
portes desquelles ils font sentinelle,
ajoutent un peu à leur tristesse et à leur
ennui. Elle est très réussie pourtant cette
maison annamite qu’a élevée M. Vildieu.
Sa toiture contournée, sa porte copiée
sur l’entrée de la pagode de Ovan-Yen,
ses boiseries ingénieusement découpées
à jour, les jaunes d’or, les rouges écla-
tants, les verts criards dont elle est
chargée, ses panneaux plats où planent
les ibis et les grues, tout cela forme un
ensemble qui parait très chinois à des
Parisiens; mais fait-elle illusion aux
Annamites, et ces chinoiseries de carton
peint n’ajoutent-elles pas un peu à leur
spleen? Il faut croire qu’ils s’en conten-
tent, puisque leur état sanitaire est excel-
lent, et qu’un seul d’entre eux est atteint
du mal du pays.
On ne saurait trop le répéter : il n’y a
pas de malades parmi la population
exotique de l’Exposition des Invalides;
ces braves gens, un peu troublés les
premiers jours par le changement de
climat, sont aujourd’hui en fort bon état,
ravis d’être à Paris et très flattés de la
sympathique curiosité dont ils sont
l’objet. A l’heure des repas, la foule se
presse à la porte du fourneau économique
où ils prennent leur nourriture, pour la
plupart du moins, car on fait cuisine à
part pour les Tonkinois et les Annamites,
peu accoutumés au régime quotidien de
la viande, et qui lui préfèrent de beaucoup
la ration de 800 grammes de riz qui leur
est individuellement distribuée chaque
jour.
Leur service est d’ailleurs peu chargé :
on les amuse comme l’on peut ; on les a
conduitsl’autre jour au Châtelet etquôique
émerveillés du spectacle, ils lui préfèrent
de beaucoup le théâtre annamite. Libres
de deux jours Tun, ils sont casernés, ainsi
que les cipayes de l’Inde, les tirailleurs
sénégalais, les spahis et autres soldats
coloniaux, àl’École militaire. Nous avons
eu la curiosité de visiter leur quartier, et
la chose en vaut la peine. Dans ce bâti-
ment dont les fenêtres donnent sur la cour
Lecler-Almandet, sont logés tous les
soldats étrangers venus à Paris pour
l’Exposition : sur les portes du long
couloir où s’ouvrent les chambrées sont
inscrits les noms de Madagascar, du
Luxembourg, de Monaco, de la Répu-
blique Argentine, des États-Unis, du Véné-
zuéla... etc.; on entend là les comman-
dements les plus insolites et l’on y
rencontre les uniformes les plus im-
prévus. Et cette caserne internationale
fait, dans ce coin de l’École militaire,
une sorte de république universelle où
fraternisent les liommes de guerre venus
de tous les pays pour assister à notre
grande fête de la paix.
Ne quittons point l’Esplanade des In-
valides sans adresser nos remerciements
à M. Henrique, l’éminent commissaire
général de l’Exposition des Colonies, qui,
malgré les multiples occupations dont il
est surchargé, a bien voulu prendre le
temps et la peine de nous fournir les
détails que l’on vient de lire, et que
nous espérons devoir être de quelque
attrait pour nos lecteurs.
Tous ces étrangers ont d’ailleurs un
point de contact, un goût commun des
plus prononcés, c’est leur amour immo-
déré du tabac à fumer. Toute cette po-
pulation exotique fume : les hommes
fument, les femmes fument, les enfants
fument, et cette orgie internationale de
cigarettes doit sembler être un des signes
de la fin du monde à la Société contre
l’abus du tabac, qui a installé au Palais de
l’Hygiène cette intéressante exposition.
Très amusante, cette vitrine, où se voit
l’abjuration d’un fumeur à la suite d'une
conférence de.M. Decroix. On y trouve
aussi un horrible brûle-gueule, très effi-
cace, dit l’inscription, pour déterminer
le chancre rongeur des fumeurs. Et ces
statistiques sont-elles assez éloquentes?
Le département du Nord, celui où l’on
fume le plus, compte 84 prisonniers par
cent mille habitants ; les incendies y sont
plus fréquents que partout ailleurs, et
aussi les naissances d’enfants morts-nés.
La Haute-Loire, qui est la région de la
France où l’on fume le moins, ne compte
que 20 prisonniers pour le même nombre
d’habitants, et les incendies y sont pour
ainsi dire inconnus.
Plus fort encore, le docteur Bourdin a
relevé le fait suivant :
« L’un des directeurs des études do
l'Ecole polytechnique de Paris eut la cu-
riosité de connaître le degré d’influence
que pouvait avoir le tabac sur l’étendue
et sur le développement de l’intelligence
des élèves confiés à ses soins. Dans cette
intention il divisa la totalité des élèves
en trois classes : 1° élèves non fumeurs;
2° élèves fumant peu et rarement ;
3° élèves fumant d’une manière abusive.
La liste ainsi obtenue fut placée en face
du tableau de classement. Les deux listes
se trouvèrent presque semblables. En
tête de chacune des listes figuraient avec
honneur les noms des élèves qui s’abs-
tenaient de fumer. Dans le dernier lot
étaient pêle-mêle les noms des fumeurs
forcenés.
C’est effrayant! Quittons cet épou-
vantail et, — après avoir allumé une
cigarette, — courons au Champ do Mars,
où nous attire de nouveau l’Histoire de
l’habitation.
Avez-vous vu la Lorgnette ? — Nous
nous 'retrouveronsprès de la Lorgnette.
Voilà ce qu’on entend un peu partout, du
dôme central au pont d’Iéna. La Lor-
gnette est un rendez-vous commode,
assez central, à deux pas de F embarca-
dère des bateaux omnibus et de la gare
du Petit Decauville; de là son succès.
J’allais oublier de vous dire que ce so-
briquet de lorgnette désigne la maison
hindoue qui fait partie de l’Histoire de
l’habitation ; c’est peu respectueux, sans
doute, mais c’est si bien ça!... Et puis
allez donc faire croire aux Parisiens qu’il
existe de par le monde des savants assez
savants pour savoir comment bâtissaient
les peuples de Finde trois siècles environ
avant Père chrétienne. Le type de l’habi-
tation des Pclasges (1500 ans avant
Jésus-Christ) et la très jolie maison
étrusque inspirent aussi quelques doutes;
mais ce qui paraît très réussi, ou, ce qui
revient au même, très vraisemblable,
c’est la maison grecque au temps de
Périclès et la maison romaine à l’époque
du règne d’Auguste. Ici les documents
abondaient, et pour la maison romaine
surtout, où nous retrouvons l’atrium, l’im-
pluvium et toute la distribution classique
d’une maison de la Rome impériale.
Peut-être s’est-on inspiré des découvertes
faites à Pompéi pour tapisser le mur ex-
térieur d’un panneau d’affichages assez
amusants; là, parmi les offres de ventes
et de location, les gamins du temps d’Au-
guste ont tracé sur le ciment frais des re-
marques diaboliques et d’irrespectueuses
caricatures.
Rien à dire de la maison perse ni des
huttes gauloise et germaine, sinon que
nos ancêtres étaient bien mal logés ; une
reconstitution plus sérieuse et plus artis-
tique est celle do l'habitation gallo-ro-
maine au temps de Clovis. Il y a là, en-
castrés dans la maçonnerie, des fragments
de colonnes et des débris d’ornements
qui présentent un réel intérêt : c’est de la
bonne et savante archéologie; mais
pourquoi a-t-on placé devant cette cu-
rieuse construction un chariot des Huns
au temps d'Attila? Une érudition spé-
ciale serait nécessaire pour se rendre
compte du degré d'exactitude d’une telle
reconstitution, et la foule qui ne, voit les
choses que superficiellement cl qui est
hantée par l’idée du Centenaire, se figure
avoir devant les yeux un échantillon des
carabas ou des pots-de-chambre qui. au
siècle dernier, faisaient le voyage de Ver-
sailles à Paris, et s’attendrit sur nos
pères de 1789, réduits à voyageren si
piteux et si rudimentaire équipage.
G. Lenôthe.