L'exposition De Paris 1889
Premier & deuxième volumes réunis
År: 1889
Forlag: A La Librarie Illustree
Sted: Paris
Sider: 324
UDK: St.f. 061.4(100)Paris
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L’EXPOSITION DE PARIS
LES ORIGINES ET LE PLAN
DE L’EXPOSITION
Qui eut le premier l’idée de l’Exposi-
tion du Centenaire? — « Personne et
tout le monde », répondait, le 18 octo-
bre 1886, dans un discours aux membres
des comités d’administration, M. Dau-
tresme, un des ministres du commerce
qui se sont succédé au pouvoir.
Cela revient à dire que l’idée était
dans l’air, et le projet dans l’ordre et la
logique des choses. Si, en effet, on rap-
proche les dates dos Expositions précé-
dentes, 1855, 1867, 1878, on constate
qu’une période de onze années les sépare
les unes des autres. La date de 1889
était donc une échéance indiquée, et la
témérité du projet semble dès lors moins
grande.
Il y eut cependant des précurseurs, un
groupe d’hommes distingués, d’opinions
nettement républicaines, des industriels
et des députés. Le Petit Journal, dès
le mois de mai 1883, consacrait une
causerie à ce sujet et, le 3 juin suivant,
on lisait cet entrefilet dans quelques
journaux :
« MM. Ilervé-Mangon, Liouville,
Million, etc., ont eu un enl,retien avec
M. Hérisson, ministre du commerce, à
propos d’un projet relatif à l’installation
d’uno Exposition nationale qui serait ou-
verte à Paris en 1885. Le ministre du
commerce s’est déclaré partisan de ce
projet. »
Ce n’était pas encore 1889 et il no
s'agissait que d’une Exposition natio-
nale. Le Petit Journal, lui, avait émis
l’idée de fêter le Centenaire de 1789, et
sa proposition comportait deux termes :
une Exposition universelle et l’inaugu-
ration du grand monument à la mémoire
de Mirabeau. Le 8 août, Thomas Grimm,
dans son courrier, voyant lo progrès que
faisait l’idée, s’exprimait en ces termes :
« Lorsqu’une idée est juste, elle flotte,
vague et indécise, dans les esprits avant
d’avoir été formulée; dès qu’elle est
émise, même incidemment, elle s’impose.
C’est ce qui se produit pour une propo-
sition que je croyais prématurée, relative
à la célébration, en 1889, du centenaire
de la Revolution française.
« Six années nous séparent du mois de
mai 1889, il me semblait qu’à une époque
où tout marche à la vapeur et marchera
bientôt à l’électricité, six années sont un
laps 'de temps énorme. Il paraît que je
me trompe; j’ai eu des conversations
avec dos hommes compétents : ils croient
qu’il est temps de se. préparer. Entrons
donc dans quelques explications... »
Bientôt, M. Antonia Proust, qui voyait
dans l’Exposition un vaste champ à son
activité, à scs facultés et à ses tendances,
semblait appelé à jouer un rô-e prépon-
dérant dans l’organisation; et, dans un
banquet industriel auquel assistaient des
hommes poliliques, il donnait, de l’Expo-
sition future, qui n’était môme pas encore
décrétée, une définition heureuse que
nous nous approprierons.
La période d’incubation devait durer
depuis juin 1883 jusqu’au mois de mars
1884 ; lorsqu’on agitait la question, on ne
sc préoccupait encore que d’une Expo-
sition nationale. C’est un grand point :
nous restions en famille; nous suppri-
mions la gêne et l’inquiétude d’ètre mal
accueillis par les grandes puissances en
raison de la date choisie, inquiétude qui
fit si longtemps différer la déclaration
officielle de l’Exposition, et l’envoi formel
des invitations aux nations de l’Europe.
Dans ces conditions restreintes, le résultat
ambitionné et poursuivi était en somme
à peu près le même, puisqu’on fixant un
terme de quatre années pendant lesquelles
nous assurions matériellement la paix à
l’intérieur, nous nous interdisions aussi
de prendre part à tout conflit qui aurait
éclaté à l’extérieur et, en garantissant
Tordre, nous donnions une preuve écla-
tante de nos sentiments pacifiques.
C’était beaucoup déjà; l’ambition fut
plus grande, et le ministère qui était aux
affaires en 1884 (M. Jules Ferry était
président du Conseil) crut que, si on
donnait à la manifestation un caractère
international, on imposerait la paix non
seulement à la France, mais au monde
tout entier, puisque la grande agitatrice
dos nations, la France de 1789, ne voyait
dans la date du Centenaire qu’une occa-
sion de manifestation pacifique et pro-
gressive.
Ce fut M. Rouvier qui fut appelé à si-
gner, en novembre 1884, l’arrêté qui
nommait la Commission d’études. L’Ex-
position était déclarée universelle et
internationale. Le president de celle
Commission a ainsi défini le caractère de
la manifestation : EExposition de 1889
aura le caractère d'une exposition
centenale, résumant ce que la liberté
du travail inaugurée en 1789, date éco-
nomique en même temps que date poli-
tique, a produit de progrès au cours du
siècle qui vient de s'écouler. C'est à cet
examen de la situation économique
universelle que sont conviées toutes les
nations.
Les ennemis de la forme du gouverne-
ment accueillirent les arrêtés ministé-
riels avec un sourire, déclarèrent les
républicains infatués, imprudents et dé-
nués de bon sens, puisqu’ils mettaient à
la base même de leur déclaration une
clause rédhibitoire pour toutes les nations
monarchiques, en les conviant à célébrer
à Paris, au Champ de Mars, le centenaire
de la Révolution do 1789, considérée par
eux-mêmes comme le prologue de 1793.
La bonne foi n’était pas évidente,
car, après tout, sauf la Russie, tous les
gouvernements de l’Europe vivent sous
le régime politique inauguré par la con-
vocation des États généraux en 1789, et,
logiquement, en se tenant au pied de la
lettre de la date, et de l’esprit de la défi-
nition donnée par le gouvernement même,
il n’y avait pour l’Europe nulle incompa-
tibilité et nulle inconséquence à célébrer
cet anniversaire.
Aussi les puissances qui nous sont le
moins sympathiques prêtèrent-elles l’o-
reille à la déclaration ministérielle, et
elles se mirent à examiner la question
sans trop de parti pris ni de répugnance.
La France républicaine, toujours agitée,
mais qui, en somme, n’a pas vu une seule
fois l’ordre troublé dans les rues depuis
1871, veut donc, se dirent-elles, s’éterni-
ser dans sa forme, s’affirmer encore une
fois après 1878 et fêter par une Exposi-
tion universelle l’anniversaire du grand
mouvement politique dont elle a été
l’initiatrice! — Mais une Exposition en
France, à quatre années d’échéance, c’est
la paix assurée au moins pour quatre
années, ou, tout au moins, c’est un
armistice ! — Alors, le gouvernement est
donc fort? Il est donc sûr de son lende-
main? — La ligue des patriotes désarme
donc? — Voudrait-on sincèrement inau-
gurer une période de résignation, de
sécurité et de paix universelle? — Regar-
dons de près; car ces républicains qui
gouvernent le pays de France sont relati-
vement modérés, après tout ; leurs révo-
lutions intérieures les regardent seuls;
leurs armées, sur deux points du globe,
sont engagées ; ils ont trouvé là un souci
pesant, en même temps qu’une expansion
nécessaire à une nation belliqueuse en-
core. Quatre années, par le temps qui
court, c’est une étape ! Les esprits se
calmeront, c’est une période de sécurité
forcée ; et puisque nous voulons tous la
paix : soyons attentifs et soyons conci-
liants !
On allait peut-être s’entendre; mais
sur ccs entrefaites, entre la déclaration
do novembre 1884 et avril 1885, le
30 mars, le ministère Ferry est précipité
par suite de l’échec de Lang-Son. L’orien-
tation change; et les dispositions de
l’Europe, à l’égard de l’Exposition, qu’on
n’a pas d’ailleurs encore pressenties offi-
ciellement, changent aussi. Déjà, dans
les conversations officieuses d’ambassa-
deurs à chef de cabinet, le langage est
tout autre, et on regrette généralement