L'exposition De Paris 1889
Premier & deuxième volumes réunis
År: 1889
Forlag: A La Librarie Illustree
Sted: Paris
Sider: 324
UDK: St.f. 061.4(100)Paris
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QO
CO
L’EXPOSITION DE PARIS
fois même en s'inclinant vers la terre, au moyen
de tuteurs et de liens qui reploientsans cesse ]a
tige sur elle-même et l’empêchent de s’élancer
vers le ciel. Ces liens et tuteurs sont nécessai-
rement très nombreux, et c’est une œuvre de
patience, — patience collective quand il s agit
d’un arbre de 80, 100 ou 150 ans, patience que
le père lègue au fils et à ses petits-
enfants, — que la surveillance d’arbres
en voie de rabougrissement. Le trai-
tement imposé à chaque branche est
identique : on la courbe et contourne,
on lui inculque pratiquement, et par
la force, l’horreur de la ligne droite;
la malheureuse suit des courbes ou
des spirales, elle zigzague, elle s’in-
cline vers le sol qu’elle voudrait fuir;
elle a beau croître, elle demeure
courte, repliée sur elle-même. Chaque
année, les nouvelles, pousses sont sou-
mises an même traitement; chaque
année, l’espoir, la liberté entrevue,
et chaque fois la même déception,
les mêmes liens, les mêmes chaînes.
Parmi les nouvelles pousses, l’horti-
culteur fait communément un choix;
les unes sont torturées à la façon du
reste du végétal; pour les autres, on
les détruit. Cette destruction aide à
donner aux branches une forme plus
sinueuse, plus capricieuse, si elle porte
sur un bourgeon terminal, et si l’on respecte les
bourgeons latéraux qui naissent naturellement
sur le côté, faisant avec l’axe principal un angle
variable, et, par cela même, tendant moins
que les bourgeons terminaux à augmenter la
longueur de la branche dans le sens hori-
zontal.
La torture de l’arbre soumis au raccourcisse-
ment n’a point de fin, ou peu s’en faut : elle
cesse avec la vie même du malheureux. Sans
doute, il vient un moment où les parties infé-
rieures de la tige et des branches se passent de
liens et de tuteurs; elles ont pris la courbure
voulue, se sont épaissies et ont crû ; elles se sont
fixées dans leur forme et ne se redresseront plus ;
il est trop lard pour cela; on peut les délivrer
Fig. B. — l’in nain japonais, âgé de 450 ans.
de leurs entraves. Mais les jeunes pousses veu-
lent, — c’est ici un euphémisme d’une ironie
déplacée, — être surveillées tant,que la crois-
sance de l’arbre n’est point complètement
achevée; il les faut lier et ployer, sinon le déve-
loppement en sera normal. C'est ce que montre
fort bien un petit pin âgé d’une centaine
d’années, que l’on a pendant longtemps travaille
et torturé pour le laisser ensuite croîtrs norma-
lement. Le tronc en est tordu et contourné.
L’unique branche qu’il porte et qui s’est libre-
ment développée ne diffère en rien de celle du
pin normal, et fait avec le tronc qu’elle sur-
monte le contraste le plus instructif, puisque le
Fig. A. — Paysage formé de Pins, Thuyas, etc., plantés sur des troncs
de fougères.
même arbre présente à la fois l'état naturel et
l’état artificiel.
En parcourant les allées du jardin japonais,
on rencontrera un grand nombre de ces singu-
liers nains du règne végétal. Pour ceux de nos
lecteurs qui ne pourraient leur rendre la visite
qu’ils doivent à d’aussi vénérables personnes,
voici quelques chiffres sur l’âge et la hauteur
des principaux échantillons exposés. Abrités
sous le petit pavillon qui se trouve sur la droite
en entrant, on remarque trois Retiiiosporas, res-
pectivement âgés de 30 et de 60 ans, qui ont de
20 à 40 centimètres de hauteur; un érable de
80 ans atteint à 30 centimètres; un autre de
10 ans à 30 centimètres. En face cle ce pavillon,
groupés dans un tronc d’arbre mort, sont diffé-
rents petits Retinosporas de 80 ans qui ne dépas-
sent pas 20 ou 30 centimètres au plus. S’ils
avaient pu se développer librement, ils attein-
draient 3 mètres de hauteur environ. (Voir
flg. A.)
Parmi les autres vétérans placés sur divers
points du jardin, j’ai encore relevé une quin-
zaine de Retinosporas, ayant de 25 à 150 ans,
dont les dimensions sont demeurées fort petites,
oscillant entre 10 et 50 centimètres, les plus
âgés (120 et 150 ans) n’arrivant pas à dépasser
un demi-mètre.
A. cMédesRetinosporas, signalons encore diffé-
rents Pimis Japonica, dont quelques-uns sont
tout à fait remarquables comme travail. Ils con-
servent encore, — et c’est, d’ailleurs, aussi le
cas pour beaucoup de Retinosporas, — la grande
majorité des liens qui servent à tordre et ployer
leur tronc et leurs branches. L’étude de ces
liens est fort intéressante. On comprend, à les
compter, combien pareil travail exige de mi-
nutie et de patience; et, à en examiner l'agen-
cement, combien ils sont intelligemment
disposés. Certains de ces pins ont été
admirablement travaillés. Parmi les plus âgés,
j’en citerai de 80, de 100, de 130, de 150 ans,
dont la tige et les branches sont à tel point
raccourcies que la hauteur ne dépasse pas 60
centimètres chez les plus âgés (fig. Bj. Quelques
Thuyas sont également fort beaux, ayant envi-
ron 40 centimètres de hauteur pour 100 ans
d’âge; et l’on remarquera encore différents
Podocarpus macrophyllum, chez qui la contor-
sion delà tige et des branches atteint un degré
d’enchevêtrement extraordinaire.
Le visiteur remarquera que différents Thuyas,
Retinosporas et Pinus sont fixés au
sol par des racines assez fortes, lon-
gues de 10 ou 45 centimètres, qui
font saillie verticalement hors de terre
et soulèvent le tronc d’autant. C'est
un effet de la croissance des racines
profondes. Celles-ci ne trouvant point
à traverser les parois du vase, l’effort,
— très considérable, d’ailleurs, et at-
teignant un nombre élevé de kilog.,
— qu’elles exercent a pour résultat
de repousser les racines principales
hors de terre (flg. C). Tel Thuya de
100 ans a 40 centimètres de hauteur
de tige; les racines hors terre en ont
-15 ou 18. 11 est même un Retinospora
dont la racine hors terre a 15 centi-
mètres de longueur, alors que la hau-
teur de la tige ne dépasse pas 10 cen-
timètres. Il paraît avoir 25 centimè-
tres, et n’en a que 10 en réalité.
Les arbres nains représentent évi-
demment la partie la plus curieuse,
la plus nouvelle, de ['Exposition hor-
ticole japonaise, mais non la plus jolie au sens
de l’amateur européen. A ce dernier nous pou-
vons cependant offrir une consolation. Il trou-
vera, avec de nombreux échantillons, des
Acer palmatum et Japonicïim, une belle expo-
sition de quelques 600 Cycas, et, plus tard,
il assistera à la floraison de superbes plates-
bandes de chrysanthèmes. Les lis et les chry-
santhèmes sont, on le sait, fort appréciés des
Japonais.
Le goût du petit, du difforme, de l’étrange,
n’a rien qui nous puisse surprendre; il cadre
Fig. G. — Thuya âgé de 30 ans et Rùtiuospora âgé de
■160 ans.
bien avec ce que nous savons des tendances
japonaises en matière d’architecture et d’art.
Les Japonais ne comprennent ni ne recherchent
le grand, le monumental; entre leurs mains
tout s’amoindrit et se rapetisse^ '•jusqu’à la
nature même.
Henri de Vabigny.