ForsideBøgerL'exposition De Paris 188… deuxième volumes réunis

L'exposition De Paris 1889
Premier & deuxième volumes réunis

År: 1889

Forlag: A La Librarie Illustree

Sted: Paris

Sider: 324

UDK: St.f. 061.4(100)Paris

Søgning i bogen

Den bedste måde at søge i bogen er ved at downloade PDF'en og søge i den.

Derved får du fremhævet ordene visuelt direkte på billedet af siden.

Download PDF

Digitaliseret bog

Bogens tekst er maskinlæst, så der kan være en del fejl og mangler.

Side af 462 Forrige Næste
170 L’EXPOSITION DE PARIS PSYCHOLOGIE EXOTIQUE Un des quartiers les plus visités de l’Exposition est cette dépendance de l’his- toire des habitations où les gens de cou- leur sont campés sous la toile, sous le roseau, dans la paille et dans la bouse de vache. Petits et grands veulent aller voir les « sauvages ». Les sauvages ! Est-il bien sûr qu’ils soient le spectacle et nous les specta- teurs ? Ne renversons-nous pas naïvement les rôles à notre profit, avec cette vanité blanche qui n'a probablement d'égale que la vanité nègre ? Voilà une grande semaine que je passe dans cette compagnie exotique : les jours pairs avec des hommes noirs, les jours impairs avec des hommes jaunes, et ma conviction est encore flottante. J’opine pourtant à croire que ces sauvages sont les regardants et nous les regardés. Dans ce cas. leur poste d’examen est bien meil- leur que le nôtre. Accoudés à leurs clô- tures, comme à un balcon de loge, ac- croupis, les yeux brillants, dans l’ombre des paillettes, ils nous observent, eux, dans notre cadre accoutumé, à l’état do liberté et de nature. S’ils ne griffonnent point leurs remarques sur des carnets de reporter, c’est qu’ils ont, sous les ti- gnasses crépues, des tablettes vierges où l’observation s’écrit rapide, ineffaçable. Ce sont ces notes-là que j’ai tâché de recueillir et. que je vous apporte telles quelles, par lambeaux, comme ces docu- ments d’épaves que l’on retrouve dans des bouteilles, à la mer. Si jamais vous vous êtes promenés, de nuit, à des lieues de Paris, dans la cam- pagne, vous avez été surpris de voir quelle clarté la grande ville fait au-dessus de ses toits, dans le ciel. Cette lueur-là, on l'aperçoit du bout du monde. Los plus humbles des ôtres créés à face humaine, les plus près do la vie des bêtes et des arbres, savent qu’il y a quelque part une cité merveilleuse, habitacle d’hommes supérieurs, bienheu- reux. Et de ces confins de la terre, la vision de Paris est resplendissante, un peu terrible, comme un rêve de pa- radis. Vous n’imaginez pas ce qu’il leur a fallu d audace personnelle, à ces « sau- vages » de la place des Invalides, pour se mettre en route, sur la foi des blancs. Leurs amis les ont vus partir avec cette épouvante qui jadis fit trembler le cœur des vieux Hellènes, quand, sous leurs yeux, les Argonautes s’embarquèrent sur « l’oiseau aux ailes de toile » pour la terre des enchantements. Eux-mèmes, les voyageurs, emportaient la mort dans leurs âmes. Je me souviens que le directeur de la mission malgache, qui a visité Paris, il y a trois ans à peu près, me mit, à ce moment-là, en rapport avec les « Hon- neurs » Hovas. C’étaient des diplomates fort habiles. Ils portaient l’habit noir, le claque et les souliers vernis, avec une distinction tout à fait surprenante. Mais ils avaient amené un sorcier. Et, le soir, dans leur appartement du Grand-Hôtel, les portes soigneusement verrouillées, ils répandaient l’eau lustrale. Paris leur était apparu comme une ville de sortilèges redoutables. Ils faisaient des conjurations pour dissiper l’enchantement dont ils se croyaient prisonniers. Jugez d’après cela quel doit être l’état d’esprit des petites gens, de la menue monnaie noire, que l’on décide au voyage. — Croiriez-vous, me disait le barnum du Concert Algérien, que les Ouled-Naïds ne voulaient pas m’accompagner dans la crainte do manquer d’eau ? On leur avait affirmé que l’eau était très chère à Paris : « Vous ne pourrez pas nous en donner, disaient-elles, autant qu’il nous en faut pour notre soif et nos ablutions. » J’ai dû m’engager par contrat à fournir l’eau pour le bain et pour la table. On a spécifié le nombre des mesures. Aujourd’hui, ces pauvres gens sont édifiés sur l’abondance de nos fontaines. Ils marchent ravis au milieu des eaux chantantes, incendiées, comme des pèle- rins à qui Mahomet aurait cntre-bâillé, pour une heure, la porte de son paradis. C’est ainsi que, le soir de l’inauguration, j’ai coudoyé, en face du bassin des jets d’eau changeants, une bande de superbes Africains qu’un employé des Colonies menait en laisse. Immobiles comme du bronze, les yeux hors de la tête, ils con- templaient le miracle. A la fin ils se pen- chèrent les uns vers les autres en chu- chotant. Le plus noir, qui bredouillait quelques mots de français, demanda au gardien : — Comment c’est, ça ? Il n’aurait pas été fâché, le bon nègre, de connaître le verbe magique qui fait ainsi jaillir de terre des eaux d’or, d’ar- gent et de pourpre. Il se voyait déjà ac- complissant le prodige, au pays, devant sa tribu prosternée. — Mais avec un sang-froid que j’admire encore, le gardien répondit : — On ne comprend pas. C’est celui qui a inventé qui sait. « Tabou » l’arc-en-ciel des eaux, « ta- bou » l’Opéra, « tabou » la féerie des nuits illuminées. Sur la natte deBoubou- Penda, le « griot » (chanteur) sénégalais, tandis que nous causions théâtre, j’ai compris l’état d’esprit de ceux que Fex- tase ravit pour une heure au ciel et qui après, redescendus parmi les hommes, racontent leurs visions. Boubou-Penda n aqu unregret : on ne le croira pas quand il retournera au pays, quand il contera les merveilles qu’il a vues. « A beau men- tir, Boubou-Penda, lui diront les vieil- lards, qui vient de loin. » Et maintenant, voulez-vous savoir ce qui a le plus étonné cette jolie négresse que voilà assise au seuil de la case, son enfant sur les genoux ? — Est-ce la toilette des Parisiennes, Nia-Nia? Elle dit non avec sa tète. — Est-ce la galanterie des messieurs français ? Elle éclate de rire et zézaie dans la langue de son pays quelques mots incom- préhensibles. — Nia-Nia dit, m’explique son compa- gnon, que ce sont les serpents du Tour du Monde qui Font surtout émerveillée. Qu’en pensez-vous, bonnes gens, et cela ne brouilie-t-il pas un peu les idées toutes faites que vous vous forgiez sur la vie sauvage? Je reviendrai visiter Nia-Nia quand on l’aura conduite au Jardin des Plantes ; c’est peut-être là qu’elle verra pour la première fois un lion, un (-hameau et un singe. Autre surprise. Si tous ces enfants du soleil ont été enchantés de Paris, nous risquons qu’ils emportent un mauvais souvenir des Parisiens. Je laisse la parole à Samba Lawbé Thiam, chef bijoutier. Sénégalais, qui m’a exposé avec éloquence les doléances du peuple noir : — Nous sommes très humiliés, mon- sieur, m’a-t-il dit en fort bon français, d’être ainsi exhibés dans des huttes, comme des sauvages ; ces cases en nattes et en boue ne vous donnent aucune idée du Sénégal. Au Sénégal, monsieur, nous avons des casernes, des gares, des che- mins de fer; nous nous éclairons à l’élec- tricité. Le conseil d’hygiène ne tolère plus que I on édifie des baraques dans ce genre-là. Aucune de celles qui tom- bent n’est relevée... Je n’insiste pas sur ces regrets un peu comiques, touchants dans le fond. La souffrance de Samba Lawbé, qui ne veut pas être pris pour un sauvage, est un peu celle de la Parisienne à qui l’on dit que l’Angleterre, l’Allemagne, Buenos-Ayres et New-York la considèrent comme la « cocote » idéale. Mais voici qui est plus grave : Les Sambas Lawbés de la place des Invalides trouvent que les Français man-