ForsideBøgerL'exposition De Paris 188… deuxième volumes réunis

L'exposition De Paris 1889
Premier & deuxième volumes réunis

År: 1889

Forlag: A La Librarie Illustree

Sted: Paris

Sider: 324

UDK: St.f. 061.4(100)Paris

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194 L’EXPOSITION DE PARIS BEAUX-ARTS LA SCULPTURE En parcourant la grande galerie du Palais des Beauæ-Arts consacrée à la sculpture française moderne, et en y rapportant par la pensée un certain nom- bre d’œuvres importantes qui devaient y figurer, mais que des nécessités de déco- ration générale ont dispersées çà et là dans le palais tout entier, sous ses por- tiques et sur ses terrasses, on embrasse d’un coup d’œil l’œuvre de deux lustres de la production de notre École actuelle. Si, par un effort de mémoire que certains d’entre nous peuvent tenter, nous ajou- tons encore à ce peuple de statues, à ces groupes de marbre, à ces colosses de bronze, ceux qui dans le même espace de temps ont franchi sans retour l’Atlantique, et ceux qui ont pris une place définitive dans les collections d’Etat ou dans celles des amateurs des deux mondes, on peut, sans emphase, sans fausse gloire, pro- clamer que non seulement notre Ecole n’a pas dégénéré, mais qu’elle a pris de nou- velles forces et acquis dos qualités nou- velles. Le plus grand des arts, après l'archi- tecture, qui les réunit tous et leur com- mande, l’art du statuaire, est aussi le moins accessible à la foule, et c’est celui qui la touche le moins. Considéré comme pro- fession libérale, il exige la vocation lapins ferme et promet, sinon moins de gloire, une renommée moins retentissante et des satisfactions d’amour-propre plusliinitées. Quand le musicien se voit l’objet des démonstrations d’un public enthousiaste; quand le peintre est le favori des salons, le sculpteur n’impose que le respect, et même ceux qui, dans cette branche, sont le,s élus de l’art, deviennent rarement les favoris do la fortune, en raison des con- ditions matérielles de leur production. Ce n’est pas assez pour le sculpteur de rester isolé sur les cimes, ses moyens d’action aussi sont restreints ; privé des séductions de la couleur, il faut qu’il exprime des idées et provoque l’émotion par le seul geste et la ligne générale de sa statue, par l’expression devenue palpable de la forme humaine, choisie dans sa plus belle acception, traduite dans une matière inerte, solide, et qu’il doit animer par son génie. Les actions multiples, les vastes scènes, les mouvements excessifs lui sont interdits, parce qu’ils jetteraient la figure humaine hors de son aplomb en inquiétant le spectateur. La statue doit contenir en elle tout son sujet et tout son drame, inspirer l’intérêt par ses seuls moyens, exprimer un état de l’àme aussi bien qu’une action vive ou réfléchie. Pour l’artiste du marbre ou du bronze, pas d’apparences fallacieuses, pas de dessous séducteurs, pas de milieu ambiant, pas d’atmosphère chargée d’orage, ni de lointains paisibles et charmants comme chez le peintre dont l’œuvre embrasse d’un seul coup et l’homme et la nature et les éléments. Une pierre, un ciseau, la terre molle ou la cire docile, et la main dn sculpteur va traduire sa pensée, assouplir la matière, lui donner à jamais la forme et la vie dans un bloc qui triom- phera du temps, ou dans l’airain qui en défiera la morsure. En face de telles conditions, c’est un devoir d’essayer de triompher de l’indiffé- rence dupassant, et d’insister sur le génie de ceux qui, ayant embrassé cette haute carrière, font aujourd’hui de l'Ecole fran- çaise une Ecole dont la supériorité est reconnue dans le monde entier. S’il n’était point téméraire de dresser des listes par ordre de mérite cl de décerner des cou- ronnes, on compterait dans notre Ecole actuelle dix artistes ait moins qu’on aurait regardés comme dos maîtres dans tous les pays, dans tous les temps. Parmi ces der- niers la plupart n’ont point dépassé la moyenne de la vio humaine ou sont encore à l’âge des grandes pensées et des virils efforts, et au-dessous d’eux un plus grand nombre promet des maîtres au siècle qui va venir. Quand on étudie l’œuvre de chacun de nos sculpteurs modernes dont nous osons dire qu’ils sont des maîtres, on est étonné de voir qu’à chacun des grands artistes français entrés dans la postérité depuis trois ou quatre siècles, on peut opposer un artiste vivant qui, dans une certaine mesure, a recueilli son héritage ; et, si téméraire que semble le rapprochement, nous savons quels sont les noms qu’on peut écrire aujourd’hui à côté des leurs. Carpeaux n’était pas le Puget, mais il avait quelque chose de sa mâle encolure ; il ne nous convient de ne parler que des morts, mais il n’y a là rien de paradoxal et le parallèle pourrait se continuer. En sc transformant de siècle en siècle, les sculpteurs français n’ont jamais cessé d’êtres semblables à eux-mèmes et pour s’en convaincre il suffit, après avoir jeté les yeux sur la galerie de l’Exposition décennale, de visiter le palais du Troca- déro où, dans un musée de création récente, on a rassemblé des fragments de nos monuments nationaux depuis le moyen âge jusqu’à nos jours. Il y a là, même pour ceux dont la vie tout entière est vouée à l’étude de Fart, une véritable révélation. Dans ces monuments, trans- portés devant nous dans leur vraie gran- deur, avec lesquels nous pouvons vivre désormais dans l’intimité, nous recon- naissons la naïveté savante de nos devan- ciers, leur sévère discipline qui sacrifiait la personnalité à l’effet do lu partie archi- tecturale à laquelle elle concourt, et qui savait cependant s’accuser dans l’expres- sion, dans une grâce touchante toute française, dans une pureté et une expres- sion de ferveur qui sont symboliques do l’époque qui les a vus naître. L’art de transition entre le moyen âge brumeux, voué encore à la superstition, se souvient des lois des corporations qui parquent le sculpteur dans une spécialité, et lui imposent des lois qu’il subit. Ce n’est point l’époque de la statuaire indi- viduelle, c’est celle où le sculpteur se fond dans le monument ; la première renaissance sera plus ambitieuse ; on pourra détacher de l’ensemble de l’archi- tecture la sculpture épisodique, qui a su pourtant se plier encore à la volonté du maître de l’œuvre, mais qui déjà s’impose par sa personnalité ; puis, quand viendra la Renaissance même, où le génie français, sans perdre encore cette culture théolo- gique que lui avait léguée le moyen âge, sera plus accessible aux passions humai- nes, deviendra plus sensible, découvrira de nouveaux horizons, les artistes aspire- ront à la liberté individuelle et prendront leur essor dans toutes les directions. Avançons encore : sous les Valois, quand nos artistes, troublés et émus à la vue des monuments de l’Ilalie, reviennent à l’étude de l’antiquité, voyons comment, à force de clarté, de simplicité, de discré- tion, de goût sévère dans la distribution de l’ornement, notre sculpteur français, dans ce mouvement qui pouvait lui faire perdre son cachot national, affirme au contraire son origine, et, à côté des désordres do l’Ecole de Fontainebleau, sait garder son attitude réservée et décente. Solide, forte, entêtée, trapue, avec les premiers Bourbons, la sculpture, sous Louis XIV, va devenir pompeuse comme le siècle, grandiose comme lui, décorative, conventionnelle, savante tou- jours et cherchant la nature sous l’artifi- cialité des appendices qui la cachent. De Louis XIV à la Révolution, elle se rape- tisse au niveau de notre humanité. Les allégories pompeuses, les idées littéraires traduites en marbre, où la pensée s’allie à la forme, mais va peut-être l’envahir, deviennent plus claires, plus simples, plus nettes, comme si la saine raison de Pascal avait, à longue échéance, porté des fruits et jeté de la lumière dans ces conceptions un peu nuageuses, dans ces inventions qui tiennent plus du génie du littérateur que de la pensée concrète du sculpteur.