L'exposition De Paris 1889
Premier & deuxième volumes réunis
År: 1889
Forlag: A La Librarie Illustree
Sted: Paris
Sider: 324
UDK: St.f. 061.4(100)Paris
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L’EXPOSITION DE PARIS
19f)
A l’aurore de la Révolution, la sculpture
est pur esprit, la forme est Iß miroir do
l’idée ; l’artiste donne an portrait en mar-
bre, avec les palpitations de la vie, la
sensation des idées qui bouillonnent dans
le cerveau de celui qu’il représente. On
sent pétiller son esprit; les bustes parlent,
l’ètre s’anime, son geste est expressif et
personnel : si le pli est coquet, un peu
minutieux, comme les étoffes du temps
sont légères et brillantes, il reste toujours
savant. Le marbre a de l’âme, la lame use
déjà le fourreau, le siècle est en ébulli-
tion, les philosophes pensent, parlent,
gesticulent et agitent toute la société
française. Le corps de la statue cependant
reste sain et peut loger l'esprit ; même
dans les bergeries du temps, dans la
sculpture anecdotique et conventionnelle,
la science anatomique est visible, la
construction correcte, l’éducation forte
se révèle sous la fougue de l’exécution.
La façon dont on a procédé pour com-
poser l’ensemble des œuvres de F Expo-
sition décennale fait déjà comprendre
l’intérêt qu’elle doit offrir au visiteur. Les
organisateurs ont dressé d’abord la liste
,des ouvrages admis d'office, c’est-à-dire
ceux qui, ayant marqué par leur passage
dans les dix dernières Expositions, méri-
taient d’être placés de nouveau sous les
yeux du public, assuré qu’on aurait avec
cette seule liste une base solide, un groupe
d’œuvres choisies auxquelles viendraient
s’ajouter toutes celles qu’un jury sévère
admettrait à compléter l’ensemble.
C’est-à-dire qu’on va revoir des œuvres
maitresses, devenues pour ainsi dire clas-
siques, et que nous citons sans leur attri-
buer leur supériorité relative : les Pre-
mières funérailles de Barrias, le Saint-
Sébastien de Bequet, le début si éclatant
d’un jeune artiste, A. Boucher, Au but;
l’admirable bas-relief de Dalou, la Con-
vocation des États généraux, repris par
son auteur, exemple le plus frappant peut-
être d’une œuvre bien moderne où se
retrouvent toutes les qualités des scul-
pteurs français du xviii® siècle. Nous re-
trouvons là la Vierge. au lys de Dela-
planche, cl les œuvres énergiques de
Frémiet ; le Paradis perdu de Gautherin ;
le Mariage Romain de Guillaume, œuvre
sévère et forte, exécutée cette fois en
marbre; l’Œdipe à Colone de Hugues;
la Judith de Lançon ; de Turcan, \ Aveugle
et le Paralytique ; la belle figure de la
tragédie de M. Étienne Leroux, qui y a
ajouté un beau Démoslhènes en action,
marchant sur le rivage et s’essayant à
l’éloquence. Plus loin, c’est le groupe de
Samsonet Dalila d'Hector Lemaire, celui
que M. Mercié a intitulé Quand même,
symbole touchant et fier d’une résistance
héroïque, et son pieux Souvenir, à côté
des figures d’Aimé Millet, Tune nouvelle :
La Sculpture, sous les traits de. Phidias,
et ses statues déjà connues de Michelet et
de G. Sand. Moreau-Vauthier a été solli-
cité d’envoyer là son Pascal enfant, la
Fortune et son Jeune Faune; à deux pas
de là on peut voir ses beaux spécimens
de sculpture polychrome et d’ivoire, ou
l’or se mêle aux matières précieuses. Tony
Noël a sa Méditation et Orphée, Oliva les
grands bustes de de Lesseps, deLavigerie
et de Mac-Mahon, et son Arago destiné au
jardin de l’Observatoire; Saint-Marceaux
a envoyé XArlequin spirituel qui a créé
toute une école d’autres arlequins. Notons
encorelebeaugroupedeDesca: Onveille;
enfin, M. Thomas a complété par sa figure
XArchitecture, œuvre <1 une noblesse
achevée, le bel ensemble des Beaux-Arts
confié à deux autres grands artistes :
Cavelier et Mercié.
Nous ne citons là que quelques-unes
des sculptures consacrées déjà par le
succès ; nous indiquerons encore quelques
œuvres plus jeunes, moins éclatantes
peut-être, mais riches d’espérance. Com-
ment, en quelques lignes, donner l’idée
d’une Exposition où on trouve, à côté l’un
de l’autre, Paul Dubois, Chapu, Mercié,
Dalou, Barrias, Thomas, Guillaume, Bon-
nassieux, Cavelier, Delaplanche, Fai-
guière, Frémiet, Aube, Gain, Cordonnier,
Crauck, Franceschi, Injalbert, Lanson,
Marqueste, Yrac, mort hier, mais repré-
senté par ses œuvres? On se sent impuis-
sant à tout citer, mais nous signalerons
encore Labatut avec son Mercure ; XHé-
sitation, de Mathet, œuvre jeune et char-
mante ; de Jacquot, la Nymphe et satyre;
puis un Icare, de Mengue; d Escoulla, la
Baigneuse ; Suchetet, dont les débuts
firent tant de bruit, est là avec sa Byblis;
Cariés avec son Abel; Peynot, avec le
Jeune guerrier mort, Marioton avec son
Chactas, Bogino, et Abadie, sculpteur
délicat, discret, avec XIdylle, qui est à
rapprocher de la figure d’Escoula et de
XHésitation de Mathet.
Nous avions raison de dire que I avenir
est assuré. Comme les coureurs antiques
qui recevaient les flambeaux de la vie de
la main de leurs devanciers, les jeunes
sculpteurs, dont nous venons de citer les
noms, transmettront à leur tour à ceux
qui les suivront les saines traditions qui
font la gloire de l’École française.
Charles Yriarte.
BEAUX-ARTS
SCULPTURE
Quel meilleur commentaire pourrions-nous
trouver pour accompagner la reproduction du
beau groupe de M. Hugues, que les mots placés
par le poète grec dans la bouche plaintive des
deux infortunés?
« Œdipe. — Fille d’un vieillard aveugle,
Antigone, en quels lieux ou dans quelle ville
sommes-nous arrivés? Qui donc accueillera au-
jourd'hui avec la plus chétive offrande Œdipe,
errant, demandant peu, obtenant moins qu’il
demande, et encore satisfait?..............
Antigone. — O mon père, malheureux Œdipe,
je vois dans le lointain, autant que mes yeux
peuvent en juger, des tours qui défendent une
ville ; le lieu où nous sommes est sacré. . •
Repose-toi sur cette pierre mal polie, car tu
viens de faire une longue route pour un vieil-
lard. »
Il n’y a qu’à contempler la belle œuvre de
M. Hugues pour se rendre compte de la sincé-
rité et du sentiment profond avec lesquels il a
fait revivre dans le marbre cette scène d’une si
poignante et si simple grandeur.
LES DINERS SUR L’HERBE
Le nombre des entrées à l’Exposition de
1889 prend des proportions phénoménales ; de-
puis le jour de l’ouverture, on a pu suivre une
progression constante, qui n’a certainement pas
encore atteint son maximum. La moyenne est
actuellement de 100,000 entrées par jour, et, le
dimanche et les jours de fêle, cette moyenne
s'élève jusqu’à 200.000.
En présence de tels résultats, qui dépassent
toutes les prévisions possibles, l’Administration
s’esttrouvéemomentanémentpriseau dépourvu,
à bien des points de vue : guichets insuffisants,
chemins trop petits, passerelles et ponts trop
étroits. Elle s’efforce de remédier à ces gros in-
convénients, et déjà beaucoup d’excellentes
mesures ont été prises.
Mais la question de l’alimentation s’estsurtout
présentée plus urgente et plus difficile à résou-
dre que les autres; là, toutes les combinaisons
de l’Administration ont été déjouées par l’af-
iluence considérable des visiteurs. On avait
bien adjugé un grand nombre de restaurants,
de brasseries, de cafés, de buflets, de bars, en
tout près de cinquante établissements de tout
genre, à bon marché ou de luxe, à prix lixe où
à la carie Que peuvent tous ces établissements
pour une population de 200,000 habitants? Où
trouver à manger et à boire pour tout ce monde?
L’Administration a aussitôt aûtorisé la vente
de tous les aliments possibles, dans les nom-
breux kiosques des jardins, destinés tout d’a-
bord aux journaux, aux menus souvenirs de
l’Exposition et à quelques rafraîchissements.
Ce n’était pas encore assez pour approvision-
ner la foule. Aussi le public a-t-il pris le parti
d’apporter son repas. On voit des familles entrer
dans l’Exposition chargées de victuailles,' et
errer à travers les galeries et les palais avec des
paniers pleins de viandes froides, de fruits et
de bouteilles de vin.
Ces repas champêtres ont d’abord été l’excep-
tion; on s’est risqué timidement, avec discré-
tion; mais la presse ayant trouvé l’idée comi-
que et amusante, et l’Administration s’étant
montrée tolérante, c’est aujourd’hui un enva-
hissement de dîneurs qui s’installent sur les
bancs, sur les chaises, sur les pelouses, dans
les pavillons, sur les marches des palais, à l’om-
bre des bosquets, sous les palmiers des terras-
ses, enfin partout où il est possible de s’asseoir.