L'exposition De Paris 1889
Premier & deuxième volumes réunis
År: 1889
Forlag: A La Librarie Illustree
Sted: Paris
Sider: 324
UDK: St.f. 061.4(100)Paris
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L’EXPOSITION DE PARIS
LE PAVILLON CAMBODGIEN
(PAGODE D’ANGKOR-WAT)
A l’Esplanade des Invalides, consacrée comme,
on sait à nos Colonies, l’Exposition du Cam-
bodge est une do celles qui séduisent le plus la
foule des visiteurs.
Avant de décrire le Pavillon Cambodgien qui
affecte la forme d'une pagode, résumons briè-
vement d’abord, avec Elisée Reclus, l’histoire
même du Cambodge où nous avons de si grands
intérêts.
Réduit aux dimensions qu’il occupe actuelle-
ment, le royaume de Cambodge a pour centre
naturel la région des Quatre-Bras; mais lors-
que l’État khmer comprenait, avec d’autres
provinces, toute la dépression transversale qui
rejoint les deux fleuves Menan et Mekong, par
le bassin de Toulé-Sap, le milieu naturel de la
contrée sc trouvait au bord du lac et dans les
campagnes qui s’étendent à l’ouest vers Battam-
bang. C’est près de la mer intérieure que s’élève
la cité d’Indra, célébrée par les traditions, et
rappelée par de nombreuses ruines éparses dans
les forêts. C’est là aussi, près de la ville actuelle
de Siem-Réap, que se -trouvent les débris les
plus remarquables du Cambodge et de toute
l’Indo-Chine, les temples et les palais d’Angkor.
Ces monuments fameux, la gloire de l’architec-
ture khmer, étaient déjà connus des mission-
naires catholiques au milieu du xvie siècle, et,
depuis cette époque, ils ne furent jamais com-
plètement oubliés.
Le missionnaire Bouillevaux les vit en 4850,
mais l’attention du monde occidental ne fut
sérieusement éveillée qu’après le voyage de
Mouhot en 1861 ; quelques années plus tard, les
ruines d’Angkor' furent longuement explorées
par Lagrée et ses compagnons, et depuis lors de
nombreux voyageurs sont allés étudier ces restes
merveilleux, dont les inscriptions et les statues
révèlent page à page l’histoire du Cambodge.
Les descendants des bâtisseurs ont oublié les
noms des architectes ; ils disent que les « anges »
ou (es « géants » dressèrent ses murailles et ces
tours; d’autres indigènes prétendent que ces
prodigieux édifices « naquirent d’eux-mêmes ».
Redevenus presque sauvages sous la longue
oppression qui les accabla et que consacrent
ces temples magnifiques, symboles de la foi
aveugle et de l’obéissance absolue, les Cam-
bodgiens ont complètement perdu la tradition
artistique, et les Européens s’étonnent de con-
templer de pareils édifices où I on ne s’atten-
drait à trouver que des huttes en bois et des
ajoupas err feuilles de palmier.
Les monuments d’Angkor, qui datent en par-
tie du Xe siècle et dont la construction semble
avoir été interrompue brusquement au xive siè-
cle, représentent une phase particulière de la
religion bouddhique, alors que, sous l’influence
directe de l’Inde et de Ceylan, se croisaient les
mythes de Brahma, de Siva, de Vichnou, de
Rama et ceux delà « Grande Doctrine parmi
les statues et les bas-reliefs qui ornent les mo-
numents d’Ankhor, il en est beaucoup qui
représentent Brahma aux « quatre têtes », la
trimourti, les personnages et les scènes des
épopées hindoues; on y retrouve aussi les traces
du culte des serpents : le naa;a aux sept têtes
est un des motifs les plus communément em-
ployés. Les inscriptions des temples restèrent
longtemps indéchiffrables, mais heureusement
que plusieurs de ces monuments épigraphiques
sont bilingues : le sanscrit, langue sacrée,
était employé par les bâtisseurs à côté de
l’idiome vulgaire. Grâce à cette circonstance,
Kmer en Europe etAymonier au Cambodge ont
réussi à interpréter diverses inscriptions, qui
constatent l’influence de la civilisation de l’Inde
à cette époque de l’histoire du peuple khmer; le
plus ancien de ces documents date de l’an 667
de l’ère vulgaire. Les traditions mélangées de
l’architecture hindoue se retrouvent aussi dans
les temples du Cambodge; mais elles se sont
fondues en un ensemble harmonieux: l’art
khmer, que l’on peut apprécier en France par
les fragments du musée Delaporte à Compiègne,
a désormais son rang parmi les styles qui ont
donné naissance à des œuvres considérables.
Les avenues bordées de géants ou d’animaux
fantastiques, les escaliers que gardent des lions,
les terrasses et les galeries peuplées de statues,
les péristyles à piliers ouvrages, les voûtes ogi-
vales, les pyramides à étages, toutes ornées de
sculptures en forme d’éventail, se succèdent à
perte de vue : une simple porte, un pilier,
émerveillent par le fini du détail, l’originalité
des arabesques, et pourtant l’ordonnance gé-
nérale est d’une étonnante simplicité; nulle
part, la richesse de l’ornementation ne devient
confusion, comme en tant de monuments de
l’Inde Cisgangétique. Les herbes folles, les guir-
landes de lianes, les forêts mêmes qui se sont
emparées des édifices, soit pour en desceller
les marches, soit pour en déjeter les colonnes
et les statues ou pour embrasser les tours,
ajoutent à la beauté de ces temples déserts.
Quand on aborde par l’avenue des Géants l'en-
ceinte de la cité proprement dite, Àngkor la
Grande, et qu’on aperçoit les tours se dressant
au-dessus de la haute enceinte et de ses portes
triomphales, on apprend à respecter le peuple
khmer d’autrefois et l’on espère dans l’avenir de
ses descendants.
Les Cambodgiens actuels se réclament avec
quelque raison comme étant les descendants
des Indiens qui, au nombre de dix millions, dit
la légende, quittèrent la province de Delhi sous
la conduite du prince Preathong pour venir,
vers le nie siècle avant notre ère, se fixer dans
le sud de l’Indo-Chine et qui, jusqu’au xe siècle
de notre ère, couvrirent ce pays des monuments
si remarquables qui se sont révélés à nous par
leur découverte récente, étonnant l’explorateur
par l’importance de leurs masses et surtout
par le degré de perfection auquel il convient de
classer ces majestueux témoins d’une civilisation
disparue.
A l’occasion de la grande Exposition de 1889,
l’on a pensé qu’il serait intéressant d’y faire
figurer les produits envoyés par le Cambodge
dans un pavillon conçu dans le style des monu-
ments élevés par les ancêtres de cette nation
lors de leur apogée politique et artistique.
Le pavillon construit sur l’Esplanade des
Invalides ne pouvait être, vu l’exiguïté du
terrain, la reproduction complète d’aucun des
monuments khmers reconnus et étudiés à ce
jour, chacun de ces monuments étant dans son
ensemble de beaucoup trop important. Ces
monuments ont uniquement le caractère reli-
gieux ou funéraire. Le monument < religieux
d’Angkor-Wât, d’où ont été tirés tous les mo-
dèles qui ont servi à la décoration du pavillon
de l’Esplanade, est compris dans un immense
rectangle d’environ six mille mètres de dévelop-
pement, défini par le revêtement en pierre
d’un grand fossé de 200 mètres de largeur
enserrant une enceinte de 1,047 mètres de lon-
gueur sur 827 mètres de largeur dont les côtés,
respectivement parallèles aux côtés de la douve,
sont percés de triples portes monumentales. —
La porte Ouest est la plus importante et la
partie la plus remarquable par le fini du travail;
elle comprend trois entrées surmontées de
tours accotées littéralement par des portiques
d’un ensemble de plusieurs centaines de mètres.
— C’est une de ces entrées qui a été relevée et
dont les motifs de décoration ont été moulés
pour servir à l’édification du pavillon de l’Ex-
position. C'est cette porte de la pagode que
reproduit notre gravure.
A la suite de l’entrée Ouest, une large chaussée
dallée garnie de balustrades et décorée dans sa
longueur de plusieurs édicules, conduit au
groupe central ou temple proprement dit, dont
les dimensions sont 187 mètres sur la façade
principale et 215 mètres de profondeur. Il se
compose de trois étages île galeries régnant sur
les quatre faces, dont chacun s’élève graduelle-
ment vers le massif central orné de cinq tours,
dont celle du centre n'a pas moins de 80 mètres
au-dessus du sol. D’autres tours sont disposées
aux angles de chacune des galeries. La surélé-
vation accessible des galeries au-dessus du sol,
la hauteur progressive des nombreuses tours,
forment un imposant ensemble pyramidal du
plus grand effet. Si de l’ensemble l’on passe
aux détails, l’on n’est pas moins surpris par le
fini et la profusion de l’ornementation et l’ima-
gination, frappée déjà par le colossal travail
matériel qu’a nécessité la mise en place de ces
quantités prodigieuses de matériaux, se perd à
supputer le nombre incalculable d’ouvriers et
d’artistes qu’il a fallu employer pour entasser
une pareille montagne de pierres et la ciseler
sur toutes ses faces, de la base au sommet,
jusque dans ses plus petits recoins, etlui donner
l’apparence d'un colossal joyau.
Le pavillon de l’Esplanade est formé en plan
de deux galeries et contre-galeries d’inégale
longueur se coupant à angles droits et à l’inter-
section desquelles s’élève la tour centrale ou
Préasat brahmanique dont les divers étages
de croissants sont la figuration symbolique
d'autant de parasols destinés à marquer le
rang du personnage ou représentation hiérati-
que da dieu à l'honneur duquel cette partie du
monument était dédiée.
Les galeries et contre-galeries sont voûtées
et chaque about de voûte se traduit sur le
pignon par un fronton dont les lignes sinueuses
de l’encadrement représentent le corps du naga
ou serpent polycéphale.
Une série de frontons de même forme mais de
dimensions variables s’élèvent en décroissant
d’étage en étage jusqu’au sommet de la tour et
en ornent les faces. Les tympans de tous ces
frontons sont peuplés de personnages, en bas-
reliefs, figurés dans des attitudes diverses et
retraçant dans leur ensemble leur poème ou la
légende du dieu en honneur dans le sanctuaire
au pied de la tour. Cette tour, de forme cylindro-
ogivale, découpée en hauteur par lessilhouettes
des frontons, figure la symbolique fleur de lotus
épanouie, portant à son sommet la quadruple
tête de Brahma, l’être suprême indou.
Les dimensions principales du bâtiment sont,
en largeur, de 28 mètres à la base du soubas-
sement sur 25m,50 de profondeur. La hauteur
totale du sol au sommet de la tour est de
40 mètres. La largeur des galeries centrales est
de 4m,50 et leur hauteur est de 11 mètres. Elles
sont éclairées par les bas-côtés et par les tym-
pans à jour des grands feontons des pignons,
laissés à cet effet.
Tel est, dans ses grandes lignes, ce bâtiment
dont le prototype est constitué par de puissantes