L'exposition De Paris 1889
Premier & deuxième volumes réunis
År: 1889
Forlag: A La Librarie Illustree
Sted: Paris
Sider: 324
UDK: St.f. 061.4(100)Paris
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L’ART A L’EXPOSITION
LES MANUFACTURES NATIONALES
Dans plusieurs des projets que le con-
cours pour l’Exposition Universelle pro-
voqua, les manufactures de Sèvres, des
Gobelins et de Beauvais figuraient dans
un pavillon spécial. La commission supé-
rieure ne s’arrêta pas, sagement, à cette
exception honorable en soi, mais qui iso-
lait ces produits d’élection de la grande
production généralisée. Les manufactures
d’Éta. appartiennent à la production
nationale, sans exception; elles partici-
pent à la vie nationale de la France par les
cartons qui sont commandés aux artistes
et à des exécutants hors ligne, par les
produits destinés non seulement à nos
palais républicains et à nos ambassades,
mais encore à des amateurs qui ne mé-
prisent nullement la modernité.
Aussi, les manufactures nationales,
pour ce qu’elles ont produit depuis 1878,
dans les expositions partielles de 1884 et
d’Anvers, ont dû prendre leur vraie place
dans le Dôme central.
Nos manufactures fournissent au mar-
ché de luxe des deux mondes des pro-
duits marqués au sceau de l’utilité et de
la perfection ; à tous les fabricants, elles
offrent des modèles et des procédés qu’ils
peuvent gratuitement reprendre, grands
ou petits, et s’approprier, meme sans
modification. Mais ces produits, soignés,
libéralement livrés et mis clans la consom-
mation après la réserve de ne se point
transformer en magasin, correspondent
aux besoins instinctifs de notre race en
France, sur quelque terre qu’ils soient
descendus.
En débouchant des pelouses et des
allées, des profils lointains du Trocadéro,
desarcades gigantesques delaTour Eiffel,
des poussières irisées des fontaines, des
galeries, qui se font face, des Beaux-Arts
et de rilistoire du Travail, on doit se
reposer quelques instants sous la voûte,
décorée jusqu’à la profusion magique, du
Dôme central, et entrer à gauche : c’est
là qu’est Sèvres.
Sur la paroi gauche de la salle, au
milieu, se dresse une pièce que Sèvres
pouvait seule entreprendre -et conduire
jusqu’au définitif : c’est, en biscuit, un
paon modelé par Caïn ; l’oiseau, posé sur
le rebord d’une vasque, laisse retomber
la cascade de ses plumes ocellées; au-
dessous, la femelle couve languissam-
ment. Le blanc triomphe ; l’elfet du
modelé blanc est puissant.
Elle vil encore, la tradition, mais elle
s’est amortie considérablement déjà. Au
sortir du xvine siècle, qui avait tiré
L’EXPOSITION DE PARIS
de la pâte tendre des merveilles, de réelles
merveilles, Sèvres s’est passionné pour
la pâte dure, et, sur cette pâte extrême-
ment dure, a peint des batailles, des
scènes amoureuses, des troubadours sen
sibles, et même y a copié des tableaux.
Presque jusques à nos jours, des frises
héroïques ou mythologiques ont défilé
sur les panses, où la perspective défor-
mait les êtres humains, les animaux, les
constructions. Les décorateurs, aujour-
d’hui, se sont bornés à des branches
légères de lierre ou de vignes vierges,
des bouquets semés a'vcc discrétion, des
guirlandes que traînent des « amorinos ».
Non seulement ces décorateurs sont plus
que jamais habiles, mais leur palette s’est
enrichie de tons qui sont des régals pour
les yeux, et les modeleurs leur fournis-
sent, à l’aide de pâtes nouvelles, des des-
sous plus perméables et des caprices
pins faciles à réaliser en baut relief, des
anses plus solides ou plus fouillées. J’ai la
mémoire toute garnie d’églantiers douce-
ment fleuris, et de capucines opulentes et
veloutées.
Devant les vitrines, en rappelant que
le talent de feu Carrier, toujours si souple,
s’attardait souvent à des mièvreries, il
faul chercher ces essais de la « pâte ten-
dre nouvelle », chauds, nuancés, à l'égal
dos plus réussies des œuvres des Chinois,
avant que l’insurrection des Taï-pings
eût démoli les fours, impitoyablement
brûlé les registres à recettes, tué tous les
ouvriers possesseurs des tours tradition-
l nels de main et des secrets de famille.
Les Chinois des grandes époques, jus-
qu’à la fin du xvine siècle, avaient
livré aux mandarins des prodiges d’a-
dresse, de science, de sentiment des
formes alliées aux couleurs. Mais ces
prodiges étaient rares, et on les recher-
chait aussi comme des prodiges. Cette
« nouvelle porcelaine », qui avait déjà
paru en 1884, sous la direction de M. Ch.
Lauth, a révélé des rouges, des flammés,
des traînées de bleu ou de blanc, dites
« coulures », s’affirmant selon des acci-
dents de feu dont on règle, à peu près,
l’effet. La cuisson de cette « porcelaine
tendre nouvelle » s’arrête à 1,300 degrés
environ, et ne volatilise pas los métaux
qui disparaissent à la cuisson de 1,500 de-
grés exigée par la porcelaine dure.
Cette découverte d’une pâte analogue
à celle que décorent les Orientaux est
une conquête des plus intéressantes pour
la céramique de l’avenir. Celle des « céla-
dons » n’est guère moindre. Les céladons
(un personnage de a baptisé cc
verdâtre un pou délavé) s’appliquent sur
la « porcelaine nouvelle » et sur la « grosse
porcelaine ». L’émail, un peu vitreux, non
opaque, est vraiment parfait sur les pièces
de vitrines.La difficulté majeure est d’em-
pêcher que l’émail coule dans les parties
creuses et laisse trop blanches les saillies
du modelé. M. Dalou avait modelé, à la
manufacture, deux vases qui font grand
honneur à son talent : une Ronde d’enfants
nus emportant à grand’peine une épaisse
guirlande de chêne, et une Vendange,
où les plans doucement accentués en bas-
reliefs se baignent de lumière. Ces vases
mesurent plus d’un mètre de hauteur.
En somme, le public afflue dans ce sa-
lon modestement arrangé. Il se groupe
devant les très grands vases hardiment
décoratifs et témoigne sa sympathie, en
disant des mots sympathiques. Tout cela
va au personnel, au directeur Th. Deck.
Tout doit se combiner chez des hommes
rompus au goût, à l’étude, à la raison,
peintres, modeleurs, sculpteurs, chimis-
tes, chaufourniers, etc.
La manufacture des mosaïques a été
détachée de Sèvres, de. laquelle elle dé-
pendait originairement. Elle a pris une
existence propre. Les travaux exigent des
soins méticuleux, des préparations en
place. En ce moment, elle est occupée à
l’escalier du Louvre, lequel exigera plu-
sieurs années. M. Gerspach a livré quel-
ques travaux d’élèves qui initient la foule
aux méthodes employées pour donner les
effets définitifs : une colonne, par exem-
ple, ou une pomme, ne peut point se
rendre qu’à l’aide d’une multitude de
cubes colorés ; il faut les choisir, arrêter
par avance des bandes qui se succéderont,
créant non seulement les plans, mais
aussi les reflets, les coups de lumière, los
plans dégradés. C’est le système déduit
de la perspective optique, rendu en quel-
que sorte tangible pour tous les yeux. Il
faut enfin que les colorations ne se heur-
tent pas en employant des surfaces mor-
celées, et se juxtaposent par les angles,
sans que les angles soient cependant
visibles dans le mortier.
Le vaste établissement fondé par
Louis XIV, où se concentraient aux Gobe-
lins les forces décoratives au profit de la
royauté, et que Lebrun a empli de son
talent supérieur, a perdu presque toute
sa splendeur et son activité; mais il a
gardé ses métiers de tapisserie, et il n’a
point perdu son prestige sur les imagina-
tions populaires. Notre confrère II. Ha-
vard en a raconté minutieusement l’his-
toire dans un livre qui prend place dans
toutes les bibliothèques d’éducation sé-
rieuse. Il a exposé le récit bien juste des
gloires de cette manufacture, qui traverse
les temps présents en produisant des
pages d’élite, et qui est misérablement
rétribuée. Son personnel est composé
d’artistes hors ligne, dont quelques-uns
sont des maîtres très appréciés dans les