L'exposition De Paris 1889
Premier & deuxième volumes réunis
År: 1889
Forlag: A La Librarie Illustree
Sted: Paris
Sider: 324
UDK: St.f. 061.4(100)Paris
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L’EXPOSITION DE PARIS
203
écoles de la Ville. L’un d’eux, que nous
aurons à citer, tisse ses propres compo-
sitions. Nulle nation n’a tenté de les imi-
ter, tant les difficultés sont nombreuses,
l’éducation longue ! La France en recueille
beaucoup d’honneur.
Au rez-de-chaussée, du côté qui donne
entrée à Sèvres, la grande tapisserie sus-
pendue en largeur a été exécutée d’après
M. F. Ehrmann. Elle a pour sujet : Les
Lettres, les Sciences et les Arts. Elle est
destinée à la Bibliothèque nationale, ainsi
que la Filleule des Fées, qui avait été
composée par Mazerolle. La mort toute
récente de Mazerolle nous interdit d’ap-
puyer sur des critiques qui seraient sans
fruit. Elle manque d'esprit, de clarté et
de tournure, tandis que celle de M. Ehr-
mann est, dans les tons, soutenue, et,
dans le dessin, énergique et élégante.
Elles se font face entre les deux portes de
Sèvres et de Beauvais.
L’une des deux salles qui occupent le
haut de l’escalier exhibe la décoration de
l’escalier d’honneur du Palais du Sénat :
quatre paysages de style : VAra rouge,
d’après M. Alfred de Curzon; le Faisan,
d’après M. Lansyer ; le Chevreuil, d’après
M. Rapin, et les Cigognes, d’après
M. Paul Colin.
Une grande pièce, exécutée en haute
laine dans les ateliers de la Savonnerie,
est due à MM. J.-B. Lavastre et Olivier
MerSon. Elle est destinée à la Bibliothèque
nationale. La Marine, F Industrie, la
Guerre, F Art et les Sciences, d’après
M. Ch. Lameire, avec des médaillons ren-
fermant des scènes allusives, dans un fond
rouge vif, iront compléter cette décora-
tion de haut goût.
A propos du « rouge vif » que nous
avons noté, et que nous signalons à nos
lecteurs, nous ferons remarquer que les
colorations actuelles ont complètement
mis en fuite les colorations surannées.
C’est à M. Chevreul, à son fameux « cer-
cle chromatique », que ces résultats sont
dus. Pour ma part, je ne puis qu’admirer
les travaux du chimiste et du physiolo-
giste ; mais ils auront, dans l’avenir,
dans un avenir assez peu éloigné, de^
résultats désastreux. La palette des an-
ciens tapissiers, ou, pour se servir d’une
expression plus juste, des bobines char-
gées de laine, ne répondait qu’à des effets
très simples : la série très peu étendue
des verdures, des ciels, des nuages, des
chairs dans l’ombre ou la clarté, des vê-
tements en rouge, en jaune et en gris,
des ors et des argents à la rigueur pour
les orfrois. Tout le génie des dessinateurs
— et il a été considérable — se contentait
de ces éléments primitifs, francs mais peu
combinés. La gamme créée par Chevreul
est infinie. On veut, on peut traduire les
tableaux les plus compliqués. 11 en résulte
que les peintres les moins coloristes, tels
que J. D. Ingres, ont pu faire décrocher
leurs plafonds, par exemple le Triomphe
d’Homère, et exiger les verts, les roses
pâlis, ou les gris les plus orthodoxes. A
l’exposition de l’Union centrale, en 1884,
l’explosion des mécontentements s’est
marquée de toutes parts. Mais, à côté de
cette question sérieuse, il en est une au-
tre, non moins capitale : les laines teintes
sont fatalement destinées à subir les effets
destructeurs de la lumière. Rien ne peut
les y soustraire. Les admirables sites
que possède le Mobilier national, d’après
Lebrun, Mignard, Desportes, Boucher,
n’ont résisté que par la simplicité des
palettes de ces décorations. M. Alfred
Darcel, directeur des Gobelins avant
d’être conservateur du Musée de Cluny,
a pu se convaincre de l’altération des
types les plus accentués : il a organisé,
ces jours derniers, une exhibition d’objets
du mobilier ecclésiastique, dans la partie
gauche duTrocadéro; il avait reçu d’une
église bienveillante des tapisseries du
xve siècle ; il les jugea si altérées, si effa-
cées à l’endroit, qu’il les dut suspendre
à l’envers! Sic transit gloria mundit
Citons, pour être complet et pour insis-
ter sur des œuvres bien combinées, le
Manuscrit et F Imprimerie, d’après
M. Hermann ; les Digitales sont d’après
M. Desgoffes; le Héron, d’aprèsM. Bellel;
laSZaifwe, d’aprèsM. PaulFlandrin; XIbis,
d’après M. Maloizel.
La décoration du salon d’Apollon du
palais de l’Elysée a été confiée à M. Galland.
Seize panneaux, en hauteur ou en largeur ,
témoignent del’ingéniosite, delascience,
du goût délicat de ce maître. M. Galland
occupe une place considérable parmi les
décorateurs de ce temps. Parfois des
amateurs étrangers viennent frapper à la
porte de son atelier, si bien connu. C’est
un honneur pour notre pays que d’avoir
ainsi des maîtres recherchés dans les deux
hémisphères. L’École française ne suffit
point à remplir les musées, les cabinets do
peintures, de sculptures, de gravures, elle
fournit aussi des émaux, des plafonds,
des meubles incomparables, et des
ouvriers, hélas ! comme on le vit au
lendemain de la révocation de l’édit de
Nantes.
Je n’ai plus qu’à citer quelques travaux
des élèves des manufactures dignes d’in-
térêt.
A Beauvais, on produit surtout des
applications prévues, des panneaux ou des
meubles, canapés, fauteuils, écrans, etc.
Je vois deux panneaux fort amusants,
d’après Philippe Rousseau, entre autres
les Hérons, qui firent grand bruit.
Sur les montants d’un portique, ouvrant
sur la grande Galerie des Machines,
M. Gerspach a lait placer la Mosaïque
et la Tapisserie, exécutées brillamment
d’après M. Olivier Merson.
C’est lejournal, ce sont les revues, qui,
plus encore que les livres d’autrefois, ont
créé ce mouvement multiple dans toutes
los classes, parmi toutes les fortunes.
Chacun s’apprend à raisonner les événe-
ments les plus divers, et à ne point obéir
à des injonctions. Le mouvement d’art qui
agite toutes les nations, dans la peinture,
dans la sculpture, dans la médaille, etc.,
est encore confus, mais il prépare des
manifestations fructueuses et nombreu-
ses. Les manufactures d’État, quoi-
qu’elles soient en principe prudentes et
conservatrices, ont dû obéir à ces éveils
de voix jeunes et soucieuses de proclamer
leur idéal. On a cessé de faire repro-
duire les chefs-d’œuvre qui disparaissent
sous les couches accumulées de vernis
et l’on accorde les murs neufs des bâti-
ments nouveaux avec l’art des jeunes
professeurs.
Ph. Burty.
MUSIQUE EXOTIQUE
Musique hongroise, musique roumaine,
musique algérienne, tunisienne, arabe,
musique annamite, javanaise, canaque:
il y a de tout cela à FExposition. Toutes
trouvent des auditeurs passionnés et
courageux ; car c’est du courage qu’il
faut parfois pour affronter cette musique
exotique, plus déchirante et tout aussi
harmonieuse que les motifs favoris de nos
marchands de robinets; j’en excepte,
bien entendu, les orchestres hongrois et
roumains, composés de véritables artistes
et dont les coneerts sont des plus inté-
ressants et dos plus suivis.
Chose singulière, toutes les mélodies
orientales sont tristes : qu’elles viennent
du Caire ou de Java, de Tunis ou de
Saigon, elles sont empreintes d’une sorte
de mélancolie bruyante qui n’est pas sans
saveur : on croirait entendre un poète
élégiaquft chanter le déchirement de son
âme sur le mirliton.
Allez un après-midi, vers quatre heu-
res, à l’Esplanade des Invalides, aux envi-
rons de la maison kabyle : vous y enten-
drez la Nouba des tirailleurs algériens.
Ils sont là une vingtaine de forts gaillards,
à mine réjouie, au teint noir, aux dents
blanches, très fiers de la curiosité qu’ils
excitent, pleins d’entrain et de gaieté : il
semblerait, à les voir, qu’ils vont exécu-
ter quelque air de danse mouvementé et
bizarre... et dès qu’ils sont rangés en
cercle autour de leur chef, un souffle de
tristesse semble passer sur eux. et c’est