ForsideBøgerL'exposition De Paris 188… deuxième volumes réunis

L'exposition De Paris 1889
Premier & deuxième volumes réunis

År: 1889

Forlag: A La Librarie Illustree

Sted: Paris

Sider: 324

UDK: St.f. 061.4(100)Paris

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234 L’EXPOSITION DE PARTS LE TOUR DU MONDE EN HUIT MINUTES PARIS CHEZ LUI « semblable à une gueule d’abîme » .....Ma sœur, si vous ne dormez point, veuillez nous dire un de ces contes que vous contez si bien. Et la sultane Shéhérazade, sollicitée en ces termes traditionnels, commença ainsi : Comman- deur des croyants, un marchand, revenant de Bassora avec ses chameaux, s’était, pour les faire paître, arrêté dans un lieu fort éloigné de toute habitation. Certain derviche qui voyageait à pied vint s’asseoir auprès de lui pour se dé- lasser; après les questions d’usage entre voya- geurs, ils mirent leurs provisions en commun et commencèrent ensemble leur repas. Le derviche, qui se plaisait à raconter ses aventures, tira de son sein une petite boîte con- tenant une sorte de pommade fort grossière. « Cette boîte, dit-il, est pour moi une chose plus précieuse que toutes les richesses; l’usage de la pommade qu’elle renferme est en effet surpre- nant et merveilleux; si vous en appliquez un peu autour de l’œil gauche, vous verrez apparaître devant vous rassemblés tous les trésors qui sont sur la surface du globe... » Le marchand en voulut faire sur-le-champ l’expérience, et à peine eut-il approché le talis- man de sa paupière, qu’il vit les montagnes se fendre dans leur hauteur et apparaître à ses yeux un palais magnifique, pratiqué plutôt par le travail des génies que par celui des hommes, car il ne paraissait pas que des hommes eussent pu même s’aviser d’une entreprise si hardie et si surprenante : sous des voûtes de cristal de roche s’amoncelaient dans de grands vases d’orfèvrerie des pierreries étincelantes et des objets d’art merveilleux... C’est un conte des Mille et une Nuits. Jeunes ou vieux, tous le connaissent, et s’il nous revient en ce moment à la pensée, c’est que, arrivé au seuil de cette Exposition féerique que nous allons tenter de détailler à nos lecteurs, nous sentons vivement le regret de ne point posséder le talisman du bon derviche dont il est parié ci-dessus. — Mais nous n’avons en notre puissance aucune pommade magique pour nous aider dans nos promenades descrip- tives à travers cet amoncellement de palais, pratiqués plutôt par le travail des génies que par celui des hommes... Réduit à nos propres forces, nous tâcherons cependant de ne rien omettre et de dévider devant nos lecteurs une sorte de fil d’Ariane qui leur servira de guide à travers ce labyrinthe de merveilles. Mais le train siffle, le train minuscule de M. Decauville qui nous doit promener à travers cet univers en raccourci. Un coup d’œil à la belle porte élevée par M. Ch. A. Gautier sur le quai d’Orsay, porte bizarre, dont les pylônes maniérés rappellent la silhouette de la flèche d’Elseneur, le château d’Hamlet, mais d’an Elseneur ensoleillé et oriental — et en route ! D’abord, c’est la ville arabe, avec ses cou- poles blanches et ses terrasses à créneaux se découpant sur le ciel ; le groupement du pavillon algérien de M. Ballu et des jolies constructions tunisiennes de M. Saladin pose à l’entrée de l’Esplanade des Invalides le plus curieux décor d’Orient que l’on puisse rêver. Plus loin, dans les arbres, se mêlent, se tordent, grimacent, tire-bouchonnent les flèches des constructions annamites et chinoises, les pagodes, les cases canaques, la tour de Saldé, constructions baro- ques, aux profils déconcertants, aux couleurs lourdes et chargées, aux angles de figures d’une hideur monstrueuse et troublantes comme des visions de cauchemars. Le train court sur les rails, nous laissant à peine le temps d’apercevoir les façades plus classiques des Palais de l’IIygiène et de la Guerre auxquels nous reviendrons. Nous longeons une sorte de hameau composé d’une beurrerie sué- doise, de laiteries et de boulangeries hollan- daises et anglaises, qui servent d’avant-propos aux longues galeries del’Agriculture etdel’Ali- mentation. Un passage à niveau nous fait traverser l’avenue de la Tour-Maubourg; — derrière les barrières, la foule regarde curieu- sement passer le train international qui s’engage sous les arbres, suivant les longues galeries qui relient le Champ de Mars à l’Esplanade des Invalides. Là, s’entassent les graines, les gerbes, les machines agricoles; là, sur un piédestal semblable au trône de quelque divinité indoue, a pris place l’énorme tonneau dont le voyage d'Épernay à Paris a été si plein d’incidents. Plus loin, après qu’on a traversé en tunnel la place de l’Alma, décorée d’un arc de triomphe- passerelle des plus réussis qui semble être la porte de quelque Téhéran fantastique, s’élève le sanctuaire des produits alimentaires et de la dégustation; et, tout à coup, la ligne des cons- tructions cesse brusquement et le train, qui nous promène à travers cette féerie, s’élance dans les jardins de l’Exposition. Des coupoles dorées, étincelantes sous le soleil de mai et surmontées de victoires ailées, levant des palmes; les dômes de céramique bleuâtre des Palais des Beaux-Arts, des pelouses coupées de bouquets, des fontaines jaillissantes, où sous les jets triomphants se silhouettent de gigantesques statues au-dessus desquelles plane la France tenant le flambeau du progrès, le chatoiement des oriflammes de toutes nations et de toutes couleurs, et, dominant l’impression générale, le colosse de 300 mètres, écrasant le sol de ses quatre énormes pieds et élançant dans les nuages ses légères charpentes de fer couleur de rouille... voilàle premier coup d’œil et il est fantastique. Mais le voyage continue, et, comme dans cette chasse infernale que conte Victor Hugo, où Pécopin parcourt en une nuit la forêt enchantée, et passe des plaines de neige du pôle aux éten- dues calcinées du désert, nous voici dans le Nord: à notre gauche s'élèvent les pavillons suédois, norvégien et finlandais; à droite, contre la rotonde du panorama des Transatlantiques, auquel nous reviendrons quand la fantaisie nous prendra d’une traversée sans danger et sans mal de mer, voici l’Histoire de l’habitation, où M. Garnier nous fait un cours récréatif d’archi- tecture civile, depuis le Plein air, qui naturelle- ment ne consiste en rien du tout, jusqu’aux délicats hôtels à tourelles et à pignons sculptés de la Renaissance. Voilà le pavillon des Manu- factures de l’État, et, tout à côté, la cabane Eiffel, l’œuf d’où est sorti le géant de fer qui porte si haut dans la nue le drapeau français. Une station, celle de Trocadéro-Tour-Eiffel, et... nous sommes en Amérique. C’est d’abord le Brésil, représenté par un vaste palais que domine un< tour de 45 mètres et qui contiendra des serres où, pendant l’Ex- position, seront entretenues des collections des plus belles fleurs de l’Amérique du Sud. Bien plus, M. Paul Boui’de assure qu’à côté de cette serre sera creusée une pièce d’eau où s’épanouira une des plus grandes attractions du Champ <ie Mars. Des tuyaux y versant l’eau chaude la maintiendront constamment à 30 degrés. Grâce à cette température tropicale, on y verra pour la première fois fleuris à ciel ouvert des Victo- rias regias, dont les feuilles étalent sur l’eau des plateaux de l"',50 de diamètre et peuvent porter un petit enfant sans sombrer. Le Mexique a emprunté à son ancienne civi- lisation les motifs du palais qu’il a fait con- struire. Une masse énorme de 70 mètres de long et 15 mètres de haut, avec une porte sombre, et à laquelle donne accès un escalier d’une in- vraisemblable raideur : tout cela vous a une vague allure d’un temple destiné aux sacrifices humains. Voici le pavillon de San Salvador chargé d’hiéroglyphes et d’inscriptions faciles à lire... pour ceux qui connaissent le nahuatl, puis celui de la République de l’Équateur, gardé par quatre animaux fantastiques. La voie traverse encore les Républiques boli- vienne et de l’Uruguay, les possessions de Nica- ragua, de Vénézuéla et de Paraguay; voici Haïti, et, sans transition, nous sommes aux Grandes Indes, caractérisées par une de ces constructions monstrueuses peints en rouge sang et ornée de bandeaux sculptés où se jouent des éléphants, des tigres et des cerfs. Trois mille lieues en une minute : Philéas Fogg est dépassé : voici le Japon, ses lotus et ses pivoines, ses grues et ses feuilles de mauve sculptées en bois de Keyaki, voici la Chine, et... la Allah, ill Allah! — rappelez à votre esprit les Me'lopées et la Prière du Muezzin de Félicien David, les Lettres de Fromentin, les Voyages au Nil de Maxime Du Camp... vous êtes au Caire : une rue tortueuse et pittoresque de la vieille cité orientale s’enfonce devant vous, avec ses moucharabiés, ses ingénieux grillages en bois qui ressemblent à des lits bretons, ses balcons avançant sur la rue, et soutenus par des poutres fichées dans le plâtre blanc; un large vélum tendu d’une terrasse à l’autre jette un peu d’ombre et de fraîcheur dans ce coin des pays du soleil transporté au Champ de Mars; et le minaret de la mosquée voisine élève dans le ciel sa blanche et délicate silhouette. G. Lenotre. — Passez donc... — Après vous, je vous en prie... — Je n’en ferai rien, d’ailleurs je suis chez moi... Ainsi parle le Parisien qui sert de cicerone à un parent de province, ou à un ami venu de l’étranger. Et en effet il est chez lui, là, au mi- lieu du Jardin central des Expositions diverses où s’élèvent les deux pavillons de la Ville de Paris. C’est à nous, les habitants de la grande Cité, qu’il appartient d’en faire les honneurs, et la tâche est agréable, car dans cette visite détail- lée on n’est pas sans se sentir quelque peu cha- touillé dans son amour-propre d’être un « habi- tant du cerveau et du cœur de la France », comme dirait M. Prudhomme, qui dit de belles choses dans un langage cocasse. Ces pavillons embrassent une surface de près de trois mille mètres carrés ; sans vérifier la chose, on est disposé à n’en pas douter après les avoir parcourus et, synthèse de l’éloge, on ne regrette pas cette excursion.